Edito: La vertu et la joie

S'armer de volonté et se nourrir d’espoir : l’année 2025 qui commence n’en sera alors que meilleure ! En ces temps d’inquiétudes, seule la force de l’âme est capable de produire en nous-mêmes une vibration puissante. Faite de sagesse, de patience, de courage, mais aussi de gaieté, elle sera capitale pour affronter les incertitudes.

Comment être à la fois bien envers soi-même et envers les autres ? Comment ne pas renoncer aux plaisirs de la vie, ni taire ses sensations ? Comment charpenter une vie individuelle et collective ? Une synthèse de cette sagesse nous est offerte dans un bas-relief datant de l’époque byzantine, réemployé au bas du minaret de la Grande mosquée de Sfax lors de sa restauration en l’an 378/988, du temps des Zirides.

«Accorde-nous la vertu et la joie sa compagne, qui décorent cette vénérable demeure à toi consacrée » ! Ecrit en grec, ce texte à l’origine religieux, ornant une des basiliques de la région, trace une voie de vie. S’il figure de nos jours dans un édifice musulman des plus prestigieux du pays, c’est qu’il porte une grande valeur de sagesse.

Pourquoi avons-nous besoin aujourd’hui de vertu et de joie, les deux à la fois ? La vertu héroïque est admirable par ses triomphes. Elle exprime une excellence, une noblesse et l’accomplissement d’un idéal. Mais, c’est la vertu personnelle, ce mouvement perpétuel de mise en équation entre l’individu et la cité, qui nous rend meilleurs. Penser à l’espace commun et considérer que c’est l’autre qui compte d’abord est essentiel.

Si les valeurs sont communes, la vertu est personnelle. A chacun de la trouver, sans besoin de reconnaissance. Pas besoin de remonter à Socrate ou à Platon, ou chercher les grandes machines à penser pour en connaître le sens pratique. La patience, l’amabilité, la discrétion, l’écoute ou la générosité font partie de ses expressions. C’est dans le regard et le ressenti de l’autre qu’elle se mesure le plus.

La joie nous vivifie. Collective, en liesse, dans l’allégresse, elle jaillit spontanément dans de grands moments sportifs, culturels, patriotiques… Intime, elle naît dans la famille, ressuscite notre enfance et balise des moments forts de notre parcours. Telle une brise parfumée, elle caresse nos sentiments, égaye notre âme et nourrit notre bonheur.

La fête doit illuminer nos cœurs et reconquérir notre vie collective. Nous avons besoin de célébrer les réussites et les succès, de réinstaller la joie de vivre, la joie de lire, la joie d’explorer la nature, la joie de découvrir le monde, la joie de nouer des amitiés, la joie, tout court. C’est la couleur, le son, l’ode, l’hymne, l’arôme et la plénitude pour vaincre toute amertume, oublier toute déception, se donner de l’élan, en toute gaieté.

S’inventer sa propre vertu, réhabiliter les vertus communes et inventer de nouveaux motifs de joie, c’est renouer avec ce que l’homme sociable a de plus noble.

Ce n’est pas par hasard que le bas-relief byzantin est scellé au socle du minaret de la Grande mosquée de Sfax. «La vertu et la joie sa compagne» doivent nous inspirer.

Puissions-nous cultiver l’art d’être heureux! C’est notre meilleur vœu en ce Nouvel An !

Bonne & Heureuse Année 2025

Taoufik Habaieb