Abderrazak Cheraït: L’homme emblématique de Tozeur (Album photos)
Par Faouzia Zouari - C’est un fondateur de la Tunisie moderne et un entrepreneur d’envergure qui vient de disparaître. L'ex-maire de Tozeur, Abderrazak Cheraït, a fait partie des élus et promoteur privés qui ont réussi à faire du Sud tunisien une destination touristique de choix et un pôle culturel à part entière. Je l'ai vu déambuler dans les rues de sa ville, vêtu d’un vieux burnous, une chéchia sur la tête. Je l'ai aperçu ensuite sur les tribunes officielles, cette fois en costume cravate, présenter le Festival des oasis qu'il venait de lancer. Je l'ai suivi dans ses musées regorgeant de trésors qu'il a édifiés et financés de ses propres deniers, puis dans les quartiers frappés par la misère où il évoluait comme jadis le calife Haroun Errachid, l’oreille tendue vers ses ouailles, avec cette disponibilité et ce sens de l’écoute qui le feront élire deux fois maire de Tozeur. Et le soir, le voilà dans son oasis, au milieu de ses hôtes, des grands de ce monde, du Roi d’Espagne au Président français Jacques Chirac, tous séduits par son érudition, son humour ravageur et sa générosité. Car non seulement Cheraït vous invite et vous reçoit avec faste, mais vous repartez de chez lui chargé de cadeaux.
L'homme emblématique de Tozeur n'est pourtant pas né dans cette ville. Il est issu d'une famille de Tunis et voit le jour en 1938. Résistant de la première heure, créateur de la première cellule destourienne en 1954, il sera aussi l’un des fondateurs de l’Union des étudiants arabes à Paris– où il fréquenta l’Ecole des hautes études. De retour au pays, il crée, en 1976, la Société méditerranéenne des travaux électromécaniques et fonde la Banque du Sud, avant de candidater au poste de maire de Tozeur. Elu haut la main, il n’aura de cesse de faire de cette région un pôle régional important et le cœur battant du tourisme saharien. Il y implante une infrastructure hôtelière, lance des plans d’aménagement urbains, impose de conserver le cachet architectural, lance des activités festivalières avec spectacles son et lumière qui narrent les grandes époques et figures légendaires de Tunisie.
Car cet élu modèle est aussi un esthète et un écrivain à ses heures (auteur, entre autres, d’un livre sur le poète Aboul Kacem Chebbi). Il est aussi un fervent défenseur du patrimoine et un gardien de la mémoire collective. Après avoir construit, en 1990, le premier complexe de parcs à thèmes, comprenant un musée et un hôtel de luxe qui porte son nom, Dar Cheraït, il offre à la palmeraie la "Médina des mille et une nuits" et deux ans plus tard Dar Zaman retraçant toute l’histoire du pays. Chak-Wak (du nom d’une île fantastique des Mille et Une Nuits), raconte quant à lui - à travers sculptures, scènes de la vie quotidienne, cartes et animaux grandeur nature - la création de l’univers. Pas moins. Fou ou mégalo, Cheraït ? Simplement un rêveur comme on en fait peu, un éternel enfant et un mécène dans la pure tradition arabe.
Faouzia Zouari
Extrait d'un chapitre que je lui consacre dans mon prochain livre " Le Dictionnaire amoureux de la Tunisie" (aux éditions Plon)
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