Opinions - 09.12.2024

Mohamed Larbi Bouguerra: Recherches récentes sur l’olive et l’huile d’olive

Mohamed Larbi Bouguerra: Recherches récentes sur l’olive et l’huile d’olive

A l’heure où la campagne oléicole bat son plein dans notre pays, il est intéressant de sortir des sentiers battus et de se rendre compte des nombreuses richesses de l’arbre d’Athéna, «un arbre de bénédiction», dont l’huile est de «l’or vert». Cet or contient des graisses saines et des antioxydants.  Des chercheurs italiens, grecs et saoudiens ont réalisé des travaux de qualité et obtenus des résultats qui devraient inspirer les scientifiques. Rappelons que l’olivier ne couvre pas moins de quatre millions d’hectares dans les pays méditerranéens où son poids économique – voire symbolique- est considérable.

Du point de vue nutritionnel, l’huile d’olive se situe au top particulièrement quand elle est cataloguée «extra- vierge». Elle est alors riche en acides gras mono saturés (acide oléique, vitamines liposolubles et d’autres constituants mineurs comprenant des composés phénoliques) reconnus comme bons pour la santé. Notons que L’Union Européenne a approuvé l’expression «Les polyphénols de l’huile d’olive contribuent à la protection des lipides du sang.» L’Agence Européenne de la Sécurité des Aliments (EFSA) a émis l’opinion scientifique suivante: «une consommation quotidienne de 20 g d’huile d’olive contenant au moins 5 g d’hydroxytyrosol et de ses dérivés (oleuropéine et tyrosol) fournit les effets bénéfiques attendus.»

Les molécules anti-âge de l’olive!

Partant de ces données, Cinzia Benincasa et son équipe du Centre de recherche sur l’olive, les fruits et les agrumes de Rende en Calabre (Italie) en déduisent que les feuilles et les fruits de l’olivier pourraient aider à prévenir le vieillissement de la peau grâce à un lipophénol, l’oléate homovanillyl. (OleHv). Les lipophénols sont disponibles dans l’organisme et résistent aux process métaboliques. Les chercheurs italiens trouvent que l’OleHv réduit le stress oxydatif dans les cellules de la peau chez l’homme. Ce composé pourrait être incorporé dans les traitements cosmétiques à l’avenir.

Nos grands-mères avaient donc raison d’enduire d’huile d’olive nos peaux à toute occasion !?

Mais «l’or vert.», l’huile d’olive, excite l’appétit de certains malotrus! Se pose alors la question: comment garder «authentique» l’huile d’olive ace aux fraudeurs?

Sus aux fraudeurs décident les Grecs

Les chercheurs du département de chimie analytique à l’Université de Patras en Grèce, conduits par Natalia-Maria Christopoulou, ont mis au point une technique basée sur l’ADN et dont le résultat est visible à l’œil nu. En résumé: L’huile d’olive est un important produit agricole qui, outre sa valeur nutritive et ses caractéristiques organoleptiques uniques, offre une gamme de bienfaits pour la santé allant des maladies cardiovasculaires au cancer et aux affections neurodégénératives. Il en résulte qu’assurer l’authenticité de l’huile d’olive est un process extrêmement important et difficile visant à protéger consommateurs et producteurs. Les adultérations les plus fréquentes de l’huile d’olive consistent à y mélanger des huiles bon marché de graines ou de végétaux comme le maïs, le soja, le tournesol, l’amande, le sésame et la noix. Jusqu’ici, la détection des adultérations était basée sur les profils métaboliques ou les marqueurs ADN qui demandent une instrumentation coûteuse et sophistiquée avec des outils chimiométriques et statistiques (RMN, chromatographie couplée à la spectrométrie de masse, spectrométrie infrarouge et Raman, fluorométrie…). La nouvelle technique des spécialistes hellènes s’appuie sur une sonde multi spécifique à ADN, peu coûteuse pour détecter, à l’œil nu, la fraude à l’huile d’olive par d’autres huiles végétales. Elle révèle la nature de l’huile ajoutée par identification visuelle des marqueurs ADN spécifiques de l’huile d’olive et d’autres végétaux sans recours à des instruments élaborés. De plus, la sonde donne, avec une bonne reproductibilité et une excellente spécificité, le taux de l’adultération dès 5 à 10%.

Les fraudeurs n’ont plus qu’à bien se tenir !

Revaloriser la Fitoura (Grignons)

Dans l’industrie du pétrole et du gaz, le ciment est essentiel pour maintenir la stabilité du puits de forage. Le ciment sert à empêcher tout mouvement du fluide. Divers additifs sont utilisés pour renforcer le ciment.

Ahmed Ali et son équipe de la Faculté du Pétrole et des Géosciences à l’Université du Roi Fahd à Dhahran (Arabie Saoudite) ont essayé de remplacer ces additifs pour renforcer les puits de pétrole brut par les grignons (fitoura) issus de l’extraction de l’huile d’olive. Après forage d’un puits, les parois sont habituellement renforcées avec un ciment spécial qui peut supporter températures et pressions élevées. Le ciment traité aux résidus d’olive ne montre pas de changement de viscosité. Il exhibe en outre une durabilité et une résistance augmentées ainsi qu’une perméabilité accrue comparativement au ciment conventionnel. Ainsi, l’utilisation du liant additionné de grignon d’olive pourrait être un bon moyen de revaloriser d’abord les déchets résultant de l’obtention de l’huile d’olive et de réduire ensuite l’emploi d’additifs chimiques dans les puits de pétrole.

Quand un insecte puant décide de changer de continent 

La punaise puante marmorée Halyomorphahalys est un insecte originaire d’Asie de l’Est, qui s’est largement répandu, ces dernières années, hors de son continent. Dans son habitat naturel, H. halys peut produire une à quatre générations par an. Il est capable de causer des dommages considérables à la production agricole et notamment à l’olivier- nymphes et adultes étant capables d’infester le fruit. Les plaies perforantes portées à l’olive peuvent favoriser la pénétration d’agents pathogènes responsables de certaines maladies, rendant les plantes sensibles aux attaques fongiques et bactériennes. Ces dommages sont principalement associés à l’activité trophique (nutrition des tissus) qui peut avoir lieu dans divers organes de la plante. Les ravages causés par H. halys à la production agricole peuvent affecter la production d’olives, réduisant quantitativement le rendement et porter atteinte à la qualité des huiles produites comme le montre l’acidité libre, les peroxydes, les indices UV et VIS spectrométriques, la composition en acide gras, la teneur en alcool et stérol, les tocophérols, les composés volatils…

Les spécialistes italiens du Centre de recherche de Cepagatti dans les Abruzzes ont étudié les dégâtsinfligés aux olives des cultivars  (variétés) «Dritta» et «Leccino» et l’impact de cet insecte sur les caractéristiques chimiques, physico-chimiques et organoleptiques des huiles obtenues à partir des olives infectées ont été évalués. Les résultats ont montré que les huiles obtenues à partir d’olives abimées par l’insecte étaient de moins bonne qualité. Il y avait une réduction statistiquement significative de la teneur en phénols, en tocophérols, en substances antioxydantes bioactives et en descripteurs positifs (fruité, amer, piquant) dans le goût De plus, les huiles obtenues à partir des olives endommagées présentaient des défauts organoleptiques, principalement un goût de moisi, comparativement aux huiles obtenues à partir de drupes** saines.

Pour lutter contre ce nuisible, le service phytosanitaire italien a autorisé l’utilisation des parasitoïdes exotiques Trissolcusjaponicus (Hymenoptera : Scelionidae), afin de réduire les dommages potentiels causés aux organismes non ciblés(biodiversité) et à l’environnement abandonnant ainsi toute application d’un contrôle chimique contre H. halys et éviter toute contamination de l’huile d’olive par les pesticides révélant une forte tendance à la production d’huile d’olive « Bio ». Un excellent moyen d’arrêter les pérégrinations catastrophiques de l’insecte puant !

Mohamed Larbi Bouguerra

** Terme désignant les fruits indéhiscents, charnus, à noyau tels l’amande, la pêche, la cerise….