Ce qu’il faut retenir des Journées de l’Entreprise 2024
Ceux qui n’ont pas participé aux 38èmes Journées de l’Entreprise qui viennent de se clôturer à Port El Kantaoui (5-7 décembre 2024), auront raté des moments forts, des échanges féconds, et l’émergence visible du secteur communautaire. Le chef du gouvernement Kamel Madouri y est venu, accompagné de nombreux ministres et secrétaires d’Etat. Leurs propos étaient très attendus. Et les autres interventions, intéressantes.
Retour sur cinq points clefs
« Nous comprenons parfaitement les attentes des entreprises, leurs contraintes et leurs ambitions. Au-delà de s’adapter aux grands changements qui s’opèrent, elles doivent constituer un moteur essentiel du développement économique. Nous les soutiendrons ! » D’un ton résolu, dans cet exercice peu aisé devant un auditoire attentif à la parole des autorités publiques, Kamel Madouri ne pouvait être plus clair. Joignant l’engagement à la concrétisation, il ajoutera : « Toutes les structures publiques, centrales et régionales, concernées par l’accompagnement, l’appui, et l’orientation pour la mobilisation de l’investissement et le suivi des dossiers, doivent s’investir dans la facilitation des démarches et la résolution des difficultés ainsi que la proposition des solutions idoines. » Le gouvernement en assurera le suivi.
Le « moment Libye » a suscité l’intérêt. S’exprimant en présence de Ramadan Abou Jannah, vice-premier ministre libyen et ministre de la Santé, le chef du gouvernement réitèrera, plus qu’un vœux pieux, une volonté. « Nous aspirons, affirme-t-il, à réaliser l’intégration économique et veillons à la fluidification des échanges entre nos deux pays. La tenue ce dimanche à Tripoli de la commission mixte du commerce marquera, sur cette voie, un nouveau jalon. » Ramadan Abou Jannah y acquiesce, ajoutant que la Libye souhaite un assouplissement de la règlementation du change, et l’obtention de nouvelles autorisations pour opérer des vols aériens vers des aéroports tunisiens de l’intérieur du pays. Sur ce même élan, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) annonce l’ouverture d’un bureau en Libye et procède à la signature d’un accord de coopération avec l’Office de développement et de promotion du Sud de la Libye, établi à Sebha et présidé par Ramadan Abou Jannah.
La nouvelle réglementation sur les chèques, bien que débattue en séance nocturne, a mobilisé une assistance fournie. Pour expliquer des dispositions peu faciles à comprendre, un sitcom, alignant de célèbres comédiens (Kamel Touati, Naïma Jani, etc.) a servi de didacticiel, alors qu’un panel d’experts devait débroussailler le mode opératoire. Ce qu’il faudrait en retenir le plus, c’est que les chefs d’entreprise sont perplexes, partagés entre la garantie de leurs règlements à recouvrir et les nouvelles procédures à respecter. L’effort pédagogique doit se poursuivre.
La refonte des relations professionnelles a été bien détaillée. Le ministre des Affaires sociales, Issam Lahmar, magistrat de troisième grade, chercheur et auteur de nombreux ouvrages spécialisés s’y est prêté, avec Hafedh Lamouri, ancien PDG de la CNSS et ancien ministre, co-auteur avec lui de livres de référence. La révision du Code du Travail est bien avancée, en vue de revoir les rapports entre les différents partenaires, rééquilibrer les engagements contractuels, mettre en cohérence les législations en vigueur et se conformer aux nouvelles normes internationales. Un statut de conseiller social sera instauré (à l’instar de celui de conseiller fiscal).
Nouveaux participants aux Journées de l’Entreprise, des dirigeants de sociétés communautaires. « Nous sommes aujourd’hui des promoteurs de projets, nous ne sommes pas nombreux et nous ne vous présentons pas des bilans certifiés. Soyez-assurés que lors des prochaines sessions, notre participation sera plus significative. » Des jeunes venus de la Manouba, Sidi Bouzid, Sfax, Mednine et d’autres régions ont exposé leurs projets, expliqué leurs démarches, et signalé des obstacles qui restent à aplanir.
Secrétaire d’Etat chargée des entreprises communautaires, Hasna Jiballah, développera le concept, dessinera une grande ambition et interpellera les banques récalcitrantes à mobiliser les financements sollicités. C’est un secteur appelé à se développer et à s’internationaliser, dira-t-elle. Chaque entreprise doit être productive, rentable, pérenne et ouverte à d’autres participations. Jusque-là, seule la BTS a consenti des crédits. Les autres banques signataires d’un accord dans ce sens n’ont pas encore franchi le pas. Elle les invité à le faire et à mettre en place des lignes de crédit dédiées et des équipes appropriées. Un guide pratique, annoncera-t-elle, sera bientôt publié et une boutique électronique mise en ligne pour la vente des produits et la promotion des services.
Ahmed El Karm, tout en affirmant l’éligibilité des entreprises communautaire au leasing, soumettra des recommandations utiles. C’est ainsi qu’il propose la création d’un fond de garantie des crédits consentis à ces entreprises, opérant d’une manière très rapide et très efficace, la Sotugar étant très complexe. Aussi, il plaide en faveur de l’extension de la bonification de l’Etat aux crédits accordés par les banques. Il insiste sur la bonne formation des dirigeants, leur accompagnement et leur soutien en leur fournissant des tickets de conseil à utiliser en recourant à des spécialistes.
Pour sa part, Salah Ben Ahmed, universitaire, soulignera qu’il ne doit pas s’agir d’un phénomène de mode, appelant à l’instauration de bonnes pratiques, à la transparence et à la valorisation du patrimoine de l’Etat et sa préservation.
Fayçal Derbel soulignera que les entreprises communautaires, devant recourir à des experts comptables et risquant de ne pas les trouver, bénéficieront de l’appui de l’Ordre des experts comptables.
Adel Chouari, directeur général du Registre national des entreprise annoncera qu’une plateforme dédiée à ces entreprises et à leur accompagnement est en cours de développement en partenariat notamment avec le Secrétariat d’Etat aux entreprises communautaires.
Maher Kallel souligne la nécessité de créer tout un écosystème approprié, avec des experts spécialisés (juristes, financiers, managers, marketeurs, etc.).
Bref, une émergence qui se confirme.
Dans son allocution d’ouverture, Amine Ben Ayed, président de l’IACE, l’avait annoncé : « Trouvons dans chaque nouveau défi, une grande opportunité à réussir ». Célébrant le 40ème anniversaire de l’Institut et rendant hommage à son fondateur, Mansour Moalla, il avait prédit pour cette année « une session très riche et bien attractive ». Elle l’a été pleinement, avec moins show-off, et plus de contenu.
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