Ali Baklouti - Les classements internationaux des universités Tunisiennes: défis, opportunités et stratégie
Par Ali Baklouti. Université de Sfax. Membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts. Expert HERE, Erasmus+Tunisie-Commission Européenne
I. Introduction
Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, les universités se trouvent désormais dans l’obligation de véhiculer une image institutionnelle authentique et cohérente avec une visibilité nationale et internationale. La visibilité d’un établissement est un enjeu essentiel pour mettre en exergue, non seulement le potentiel de ses offres de formation, mais aussi, la valorisation de ses activités de recherche scientifique, pédagogiques et culturelles.
Les classements modernes des organismes de recherche et de formation dans l’enseignement supérieur ont émergé dans les années 1980, et visent initialement à fournir des informations fiables sur la réputation des universités, répondant ainsi à la demande croissante des étudiants et des acteurs socio-économiques. Ces classements ont non seulement renforcé la compétitivité entre les universités, mais ont aussi influencé les politiques éducatives mondiales.
Depuis, des classements influents comme le Times Higher Education et celui de Shanghai ont contribué à faire de ces évaluations un critère de référence incontournable, en s’appuyant sur des indicateurs tels que la formation, la recherche, l’internationalisation et l’employabilité des diplômés. Ces indicateurs parmi d’autres, permettent désormais de mieux refléter la qualité de ces institutions, bien que des débats subsistent sur l'équité de ces critères.
En Tunisie, les universités cherchent à bien se positionner dans divers classements pour être mieux superposées à accueillir les étudiants internationaux et à nouer des partenariats et des conventions internationales, bien que des défis comme le financement et les infrastructures humaines et administratives restent à relever.
L'analyse de ces enjeux met en évidence l'importance stratégique des classements pour l’avenir de l’enseignement supérieur tunisien et les perspectives de développement académique.
Dans ce contexte concurrentiel, les établissements doivent véhiculer une image institutionnelle cohérente et authentique, valorisant à la fois leurs offres de formation et leurs activités de recherche scientifique et assurant aussi une ouverture juteuse sur leurs environnements. La visibilité des universités repose sur la qualité de la recherche scientifique, la pertinence de leurs formations, ainsi que sur l’authenticité de leurs publications et diplômes.
II. Importance des classements
Les classements académiques internationaux offrent un moyen d’évaluer objectivement la qualité des institutions et permettent aux universités de se situer par rapport à leurs pairs, facilitant ainsi l'identification des domaines à améliorer. En augmentant la visibilité et la réputation des établissements, ces classements attirent des talents diversifiés, stimulant l'innovation, la diversité culturelle mais renforcent aussi les réseaux de coopération académique à l'échelle mondiale.
D’autre part, ils permettent de bien œuvrer à ce que les indicateurs en question soient bien en pleine hausse, et ceci mérite bien une attention très particulière et un travail bibliométrique adéquatement au niveau.
Les classements facilitent également la mise en place de conventions internationales et de projets de mobilité académique qui renforcent les compétences des étudiants et des enseignants, favorisant un important échange académique avec des universités de grande renommée. De plus, cette visibilité donne l'opportunité aux universités à renforcer leurs relations avec le secteur industriel, améliorant par conséquent leur réputation sociétale. Cette réputation attire non seulement des partenariats stratégiques, mais elle stimule également l’employabilité des diplômés en répondant plus efficacement aux exigences du marché et renforçant la contribution de l’université à l'économie locale et internationale.
III. Défis rencontrés par les universités tunisiennes
Les universités tunisiennes sont confrontées à plusieurs défis majeurs qui limitent leur visibilité et leur compétitivité internationale. Le manque de ressources humaines et financières entrave leurs capacités d’investissement dans la recherche, la modernisation des infrastructures et le recrutement de personnel qualifié, impactant ainsi la qualité de l'enseignement et de la recherche. De plus, la valorisation de la recherche reste un problème, avec des difficultés à publier dans des revues de haute renommée et un accès limité aux ressources scientifiques. L’insuffisance de formations continues pour le personnel et la déficience des publications indexées ralentissent le développement académique et scientifique.
L'internationalisation, bien qu’essentielle pour le renforcement des classements, demeure limitée en raison de réseaux collaboratifs insuffisants avec les pays les mieux classés. Les universités tunisiennes pourraient bénéficier de partenariats stratégiques dans des secteurs porteurs comme la médecine, l’ingénierie et l'informatique pour accroître leur attractivité. Une politique nationale cohérente, favorisant les réformes structurelles, le soutien à la recherche appliquée et l’établissement de programmes en adéquation avec le marché du travail, est indispensable pour renforcer la compétitivité et la réputation de nos universités sur la scène internationale.
D’autre part, l’absence de biblio mètres qualifiés au sein de cellules spécialisées relevant de chaque université représente une entrave réelle à des classements honorables et la visibilité de nos forces académiques réelles, où les défis deviennent flagramment frappants. Le manque alarmant de données bibliométriques émanant des établissements relevant des universités nécessite une attention particulière, d’où l’obligation de la mise en place des observatoires, comme unités de collecte de données aux échelles locale et globale.
IV. Opportunités
Les universités tunisiennes disposent de nombreuses opportunités pour renforcer leur visibilité internationale et améliorer leurs positions dans les classements mondiaux. La promotion de la visibilité universitaire passe à travers une présence digitale clairvoyante par l'optimisation de leurs sites web, l’organisation de manifestations scientifiques de haut niveau, et la valorisation de chercheurs renommés, éléments clés pour attirer les talents et des partenariats. En s’associant à des institutions prestigieuses, les universités bénéficient de transferts de connaissances, d’échanges et de projets conjoints qui enrichissent leurs capacités. La coopération internationale, favorisant l’accès à des ressources diverses, contribue à un environnement académique propice à l'innovation, notamment par le renforcement des compétences du corps enseignant et l’encouragement des publications dans des revues à fort impact. Une stratégie d’accueil des étudiants internationaux permet à mieux diversifier les perspectives académiques, à générer des ressources supplémentaires, et à développer des réseaux de collaboration, ce qui renforce la visibilité et le rayonnement global de nos universités. Enfin, en adaptant leurs programmes académiques aux exigences du marché, en intégrant des stages et en consolidant les liens avec le secteur privé, les universités tunisiennes optimisent l’employabilité de leurs diplômés, un atout crucial pour améliorer leurs classements, diminuer le chômage des jeunes et soutenir le développement économique national.
V. Stratégies
Les universités tunisiennes doivent mettre en place des stratégies ciblées pour améliorer leur position dans les classements internationaux. Cela inclut un renforcement de la recherche et de l'innovation en augmentant le financement et en encourageant les collaborations internationales, particulièrement pour la publication dans des revues de grande renommée. L’amélioration de la qualité de l’enseignement passe par la formation continue des enseignants et la mise en œuvre de méthodes d’apprentissage modernes, avec l’ajout de programmes de double diplôme en partenariat avec des institutions prestigieuses.
L’internationalisation est également cruciale, avec des efforts pour renforcer les partenariats mondiaux et faciliter la mobilité des étudiants et professeurs. La modernisation des infrastructures, en particulier par l’investissement dans des bibliothèques numériques (cf. la bibliothèque digitale de l’Université de Sfax mise en place en 2021) et des laboratoires modernes, est essentielle pour créer un environnement propice à la recherche et à l’apprentissage. Il est tout de même nécessaire de promouvoir des partenariats stratégiques avec le secteur privé, afin d’adapter les programmes aux besoins du marché et de favoriser l’employabilité des diplômés. Ces actions combinées permettront aux universités tunisiennes de renforcer leur compétitivité internationale et d’améliorer leur positionnement dans les classements mondiaux. Parallèlement, une stratégie de communication devrait être déployée pour mettre en avant les efforts déployés et les succès obtenus (alumni, prix, distinctions, chercheurs en première position, etc.), assurant ainsi une meilleure visibilité des diverses compétences de l’université sur la scène internationale.
Selon la méthodologie de chaque référence de classement, les critères employés pour statuer le rang d’une université diffèrent en général l’un de l’autre. Ci-après quelques exemples d'indicateurs fréquemment utilisés, où l’attention doit être accentuée de la part des « Cellules-Ranking » et le personnel de bibliométrie compétent y afférant:
1. Excellence de la recherche: Cela inclut le nombre de publications académiques compétentes, l'impact des recherches (citations), et les partenariats internationaux dans le domaine de la recherche.
2. Réputation académique: Les enquêtes et prospections renseignées par les universitaires et les experts mondiaux permettent d'apprécier l'importance et l'image d'une institution dans le domaine universitaire.
3. Réputation auprès des employeurs: Elle est généralement évaluée par des sondages sur la manière dont les employeurs perçoivent les diplômés d'une université et leur capacité de travail.
4. Internationalisation: Cela inclut le nombre d'étudiants et de professeurs internationaux, les collaborations internationales, ainsi que la présence d'accords de coopération avec des institutions internationales.
5. Impact social et économique: Les projets de service communautaire, le rôle de l'université dans les progrès économiques locaux, et l'implication dans des projets sociaux ou environnementaux.
6. Qualité de l'enseignement: Mesurée par le ratio étudiants/professeurs, la satisfaction des étudiants, et les programmes d'études proposés.
7. Bourses et financement: L'Université peut s’octroyer des financements externes, incluant les bourses pour la recherche, tout en maîtrisant ses ressources financières.
8. Taux de diplomation et d'employabilité: Le taux d'obtention de diplômes et le pourcentage d'employabilité des diplômés une fois leurs études terminées.
9. Infrastructures et équipements: La qualité des infrastructures éducatives, des bibliothèques, des laboratoires, et des équipements technologiques.
10. Patron national de publications: C’est une mesure extrêmement importante qui permet d’éviter tout gâchis au niveau du recensement des publications portant le nom de l’université et l’établissement en question.
Ces indicateurs, bien que courants, sont parfois pondérés différemment d'un classement à l'autre, ce qui explique pourquoi une même université peut avoir des positions variables en fonction du classement.
La mise en place de cellules de suivi des classements au sein de chaque université tunisienne devient essentielle pour assurer un positionnement compétitif et durable dans les classements internationaux. Ces cellules, conçues pour l’amélioration de la visibilité et la réputation des institutions, facilitent le regroupement des ressources et l’optimisation de la stratégie de l’université en fonction des critères de performance internationaux.
Un exemple concret de cette initiative est la Cellule de veille Rankus qui a été créée en 2021 à l’Université de Sfax dans l’objectif de recenser les données bibliométriques des établissements relevant de l’université, et pour analyser et suivre de manière systématique les classements, dans le but de suggérer des mesures pratiques pour améliorer la qualité de la recherche scientifique, des formations, ainsi que la gestion de l’image institutionnelle. Rankus est un modèle de gestion proactive et stratégique qui a permis à l’Université de Sfax de se positionner efficacement sur la scène internationale tout en répondant aux indicateurs des classements les plus nécessaires. Cette cellule pourrait servir d'exemple pour toutes les universités tunisiennes, afin de renforcer leur compétitivité et leur visibilité internationale.
L’Université de Sfax bénéficie d'une solide visibilité au niveau national. Dans le but de renforcer son rayonnement international, RANKUS a été créée pour stimuler cette ouverture à l’échelle mondiale. À cet effet, elle accompagne les structures de recherche dans l’amélioration de leurs sites web et de leurs performances en matière de production scientifique. Parallèlement, une stratégie de communication sera déployée pour mettre en avant les efforts déployés et les succès obtenus, assurant ainsi une meilleure visibilité des réalisations de l’université sur la scène internationale.
VI. Conclusion
Un meilleur positionnement des universités tunisiennes au niveau des classements internationaux jouent un rôle crucial dans leur visibilité et leur compétitivité. Bien que confrontées à des défis majeurs tels que le manque de ressources financières, l’adéquation des programmes aux besoins du marché et le développement des infrastructures, nos universités disposent de plusieurs opportunités significatives pour se positionner favorablement à l'échelle mondiale. Grâce à des stratégies ciblées axées sur l’amélioration de la recherche, l’internationalisation, la qualité de l’enseignement, et la modernisation des infrastructures, elles peuvent non seulement renforcer leurs positions dans les classements internationaux, mais aussi promouvoir l’excellence académique et scientifique à travers une meilleure coopération internationale et une plus grande employabilité des diplômés.
Ali Baklouti
Université de Sfax
Membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts
Expert HERE, Erasmus+Tunisie-Commission Européenne