News - 06.10.2024

Ridha Bergaoui: Le fruit du Dragon à la conquête du monde

Ridha Bergaoui: Le fruit du Dragon à la conquête du monde

Tout est étonnant chez la pitaya ou fruit du dragon. Son nom un peu bizarre évoque l’Asie avec ses mystères. Sa forme élégante et étonnante, avec ses écailles, rappelle celle d’un œuf d’autruche. Ses couleurs criardes (rouge, rose ou jaune) intriguent. Fruit étrange, le fruit du dragon ne ressemble à nul autre. Un fruit tropical, emblématique de l’exotisme asiatique.

Son goût original et ses bienfaits représentent des atouts importants qui justifient son adoption par de nombreux consommateurs à la recherche de nouvelles saveurs et soucieux de leur ligne et de leur santé. La pitaya est tendance, le fruit est devenu partout connu et populaire.

Un fruit en plein essor

Originaire d’Amérique Latine (sud du Mexique, Guatemala et Salvador), la pitaya ou pitahaya (fruit écaillé) a été introduit, au 19e siècle, au Vietnam par des colons où il a connu un grand essor. Les Vietnamiens lui ont donné ses lettres de noblesse et l’ont appelé fruit du dragon, en raison des formes sinueuses de l’arbre qui rappelle celle du dragon présent en force dans la mythologique asiatique. Le Vietnam est actuellement le premier pays producteur et exportateur au monde (plus de 50% de la production mondiale). La surface cultivée est d’environ 55 000 ha, les variétés rouges à chair blanche représentent 95% de la production.

En raison de la demande de plus en plus croissante et des prix très attractifs, d’autres pays se sont mis à cultiver la pitaya aussi bien aux Etats-Unis, en Asie (Chine, Indonésie), en Australie, en Espagne, en Turquie et également chez nos voisins algériens et marocains. En Tunisie, la pitaya a été introduite depuis 2015 et commence à faire ses premiers pas.On distingue essentiellement trois types de fruits, chaque type de pitaya a son goût particulier. La rouge, avec la chair blanche (du nom latin Hylocereus undatus), est la plus répandue, son goût rappelle la poire, le melon ou le kiwi. La pitaya à peau rouge et à chair rouge à violet ou pitaya sanguine (Hylocereus costaricensis), généralement de taille plus réduite, est la plus sucrée. Elle évoque la framboise ou la fraise. La pitaya jaune (Hylocereus megalanthus ou Selenicereus megalanthus à cause de ses fleurs géantes) a un goût parfumé de vanille. A l’intérieur de ces 3 types de pitaya, les agronomes ont sélectionné plusieurs variétés de poids, de caractéristiques et de période de fructification différentes (pour avoir des fruits toute l’année). Des variétés résistantes à la sécheresse, nécessitant moins d’eau, plus résistantes aux parasites, plus sucrées et plus délicieuses ont été sélectionnées. Des variétés autogames, ne nécessitant aucune intervention pour la pollinisation, ont été également obtenues.

La pitaya, un fruit plein de qualités

Quoique la pitaya soit un cactus, ses fruits ne comportent cependant pas d’épines. Le fruit du dragon a une teneur élevée en eau, en vitamines (surtout C), en minéraux (magnésium, fer) et en polyphénols. Il favorise la digestion, renforce le système immunitaire, possède des propriétés anti-inflammatoires, anti-oxydantes et détoxifiantes. Il améliore la santé cardiovasculaire, prévient le cancer et aide à réguler l’hyperglycémie et l’hypertension artérielle. Sa richesse en fibres et sa faible teneur en calories en font un excellent allié régime et minceur.La pitaya se mange de préférence comme un fruit frais et nature. Il suffit soit d’enlever la peau et de le déguster en coupant la pulpe en petits morceaux ou à la cuillère (sa chair étant tendre). Le consommer de préférence après un petit séjour au réfrigérateur où il devient encore plus doux et délicieux. On peut également le consommer en salade de fruits. Le fruit vidé de son contenu, avec sa peau très colorée et décorative, peut servir comme coupelle pour la salade ou tout autre plat. Il peut être consommé en jus ou en smoothie. Le fruit du dragon est utilisé pour la fabrication de glaces et sorbets. Il peut accompagner de la viande ou du poisson. Il peut servir également comme colorant naturel. La chair est parsemée de nombreuses petites graines noires, de la taille des graines de sésame, comestibles et bénéfiques pour la santé.

Le poids du fruit est très variable et peut aller de 200 à 900 grammes en fonction de la variété et également des conditions de culture, en particulier la pollinisation des fleurs. Une pollinisation adéquate entraîne le développement de nombreuses graines à l’intérieur, un fruit plus gros et plus délicieux.Pour bénéficier pleinement de son goût et sa saveur exceptionnelle, il faut que le fruit soit bien mûr et d’une variété intéressante connue pour ses qualités gustatives. Un bon pitaya est très rafraîchissant et a un goût sucré. A l’hémisphère nord, la saison de récolte des fruits se situe de juillet à octobre. Le fruit est non climactérique (ne continue pas à mûrir après récolte), il doit être récolté bien mûr. Il est un peu fragile et peut être conservé quelques jours au frigo.

S’agissant d’un fruit exotique dont la culture nécessite beaucoup de soins et d’attention, le prix du fruit est relativement cher. L’investissement initial est important et la fécondation est plutôt manuelle. Il fait partie des fruits les plus chers. En Europe, il faut compter en moyenne 20 euros/kg. En Tunisie, on peut le trouver presque au même prix.

La culture de la pitaya

La pitaya est un cactus du genre Hylocereus. C’est une plante rustique qui supporte bien les fortes chaleurs et qui possède de bonnes capacités d’adaptation. En Tunisie, les conditions pédolo-climatiques pour sa culture sont très favorables. On trouve la pitaya dans les jardins, il s’agit toutefois de plantes ornementales décoratives pour ses magnifiques fleurs mais ne donnent pas de fruits.

La pitaya craint l’excès d’eau mais nécessite toutefois un complément d’irrigation, surtout en été. Elle craint les rayons solaires directs et doit être conduite en serres ou sous combrière. C’est un cactus grimpant, peu épineux, à rameaux triangulaires. Son port allongé nécessite la mise en place de tuteurs de 1 à 1,5 m de hauteur (en bois ou métalliques) pour soutenir, attacher la plante et faciliter les travaux d’entretien (taille, traitement, irrigation, fertilisation…) et de récolte. En culture intensive, la pitaya peut être cultivée avec des densités élevées en lignes espacées de 2 à 3m et 3 à 4 m entre les plants. C’est l’une des cultures fruitières les plus économes en eau. On irrigue tous les deux semaines de préférence en goutte-à-goutte. Ne pas irriguer durant la période de floraison pour éviter la chute des fleurs.Sa multiplication est très facile et se fait essentiellement par boutures mais également par graines. La plante entre en production après 2 ou 3 ans. Une taille régulière est nécessaire pour favoriser la croissance et la production des fruits.

Les fleurs de la pitaya sont très grandes, blanches, très décoratives, s’ouvrent la nuit et sont éphémères. La floraison se fait en plusieurs vagues à partir du mois de juin. Le fruit est prêt 30 jours après la pollinisation. De la pollinisation dépend la production des fruits. Les variétés sont auto-incompatibles et la fécondation est croisée. Dans son pays d’origine, la fécondation des fleurs se fait grâce aux chauves-souris ou à certains types de papillons nocturnes. Les abeilles ne sont d’aucun secours du fait de la taille imposante des fleurs.

On procède généralement à la pollinisation manuelle, tard le soir, au pinceau en prélevant du pollen d’une fleur et en le déposant sur le pistil des fleurs compatibles. Le pollen peut se conserver au frigo 3 ou 4 jours, éviter toutefois le contact avec l’eau. Il existe de nos jours des variétés autopollinisantes qui ne nécessitent pas d’intervention manuelle.

Un pied peut produire jusqu’à 50 fruits/an, soit de 20 à 35 kg. Le rendement moyen peut varier de 16 à 30 tonnes/ha en fonction de la densité, des conditions de culture, de l’entretien et l’âge de la plantation. La plantation peut produire de 6 à 12 ans. La récolte est manuelle et se fait au sécateur.

La pitaya a peu de bio-agresseurs et nécessite très peu d’interventions phytosanitaires. Sa culture en mode biologique est facile.

D’énormes progrès ont été réalisés ces dernières années pour la maîtrise de la culture de la pitaya du point de vue du rendement, de la fécondation et de la qualités du fruit. Les coûts de revient ne cessent de diminuer et celui de vente également. Certains pensent que le fruit du dragon passera bientôt du statut d’un fruit cher, de luxe à un fruit de grande consommation, à la portée de tous, autant que la banane, le kiwi ou l’ananas. 

Perspectives de la culture en Tunisie

Culture nouvelle, prometteuse, le fruit du dragon est de plus en plus apprécié et demandé partout par le consommateur. En Tunisie, son prix relativement très cher (vu le faible pouvoir d’achat du consommateur moyen) risque de représenter un frein au développement de cette culture. Il existe cependant un marché de niche auprès des restaurants touristiques ou lors des occasions exceptionnelles. Il peut représenter un marché intéressant pour les pâtissiers glaciers. L’exportation est également un créneau intéressant, surtout en raison d’une demande importante, de la proximité avec les marchés européens et sa disponibilité à partir du mois de septembre. Les fruits en mode biologique sont tendance et très demandés.Son besoin limité en eau et sa résistance à la sécheresse en font une espèce intéressante dans un contexte de réchauffement climatique et de stress hydrique. Le marché du fruit du dragon connaît une croissance rapide, en raison de la demande croissante. Sa culture peut entrer dans le cadre de la diversification des revenus des agriculteurs et des exportations.

Le développement de la culture de la pitaya en Tunisie serait intéressant moyennant un bon encadrement des agriculteurs et une organisation sous forme d’associations ou de coopératives… pour surmonter plus facilement les difficultés de production et d’écoulement. Il ne suffit pas de produire mais il faut vendre pour survivre et se développer. Un accompagnement et un soutien des agriculteurs sont souhaitables. La recherche pour le choix des variétés les plus adaptées et la mise au point d’itinéraires techniques, avec les volets pollinisation, fécondation et qualité du fruit, est recommandée.

Pour ceux qui veulent se lancer dans cette culture, comme pour ceux qui désirent goûter le fruit du dragon, attention aux arnaques et aux profiteurs qui vendent n’importe quoi au prix fort. Surtout, acheter de chez une personne connue et de confiance.

Ridha Bergaoui