Abdelmajid Bejar: L’agencier par excellence
De tous les journalistes, ceux qui travaillent dans les agences de presse sont les moins connus, pour la simple raison qu’ils ne signent pas leurs dépêches de leur nom entier, se contentant de leurs initiales. Abdelmajid Bejar, décédé mi-août dernier, à l’âge de 77 ans, après une brillante carrière de 35 ans à l’agence Tunis-Afrique Presse (TAP) et à Inter Press Services (IPS), fait partie des illustres agenciers tunisiens qui se sont également distingués à l’international.
Passionné de journalisme, doué pour la rédaction comme pour les langues, il intègrera dès mars 1972 l’agence TAP en qualité de rédacteur stagiaire, avant de gravir un à un ses échelons. Sa chance sera double: celle d’abord d’apprendre le métier auprès des pionniers de l’agence, ce qu’il transmettra par la suite à ses jeunes confrères, et celle d’exercer pendant des périodes riches en actualité. Avec notamment, dès la fin des années 1970 et le début des années 1980, la relocalisation de la Ligue des Etats arabes à Tunis et l’installation de l’Organisation de libération de la Palestine, il était bien servi. L’actualité tunisienne ne manquait pas de son côté de grands évènements en rebondissements continus. Abdelmajid Bejar se trouvera constamment sur la brèche.
La spécificité du travail dans une agence de presse, c’est la célérité, quasiment dans l’instantané, et en flux tendu. Mais aussi la fiabilité, c’est-à-dire la vérification immédiate de l’information en citant la source et en enrichissant constamment les dépêches successives. Celles-ci sont traduites dans plusieurs langues et reprises à travers le monde. Si elle s’en sortait bien pour l’information gouvernementale, l’agence TAP fera preuve d’un professionnalisme reconnu, outre le sport et l’économie, pour la couverture des activités de la Ligue arabe, de l’OLP et d’autres institutions. Elle le doit en grande partie à la compétence de ses journalistes dont faisait partie Abdelmajid Bejar. Le palmarès des « agenciers » tunisiens est éloquent.
La Palestine chevillée au corps
Sans relâche, il était à l’affût de l’information, soucieux de la recouper, rigoureux dans la rédaction de ses textes, vérifiant leur traduction dans d’autres langues, établissant des relations de confiance avec ses interlocuteurs, et d’amitié avec ses confrères. Tunis bruissait de rumeurs, de fausses et de vraies informations, dans une lutte d’influence de diverses parties, et il fallait savoir tout décanter, garder son indépendance et faire valoir son professionnalisme. Abdelmajid Bejar en faisait sa devise. Le leader palestinien Yasser Arafat le recevait longuement, lui confiait ce qui était à publier et ce qu’il devait garder pour lui en background pour comprendre les enjeux, et le recommandait auprès des dirigeants de l’OLP. Les chefs d’autres mouvements palestiniens installés à Tunis l’accueillaient eux aussi en toute confiance.Au siège de la Ligue arabe aussi, Abdelmajid Bejar avait de bonnes entrées et des interlocuteurs de haut niveau lui permettant de puiser l’information à la source même. Le secrétaire général de la Ligue, Chedli Klibi, et son équipe l’appréciaient hautement, lui vouant beaucoup de respect.
L’expérience de l’IPS
Début 1985, l’agence Inter Press Service (IPS), fondée à Rome en 1964, et élargissant sa couverture à plus de 160 pays, aux quatre coins de la planète, cherchait à ouvrir un bureau à Tunis et le confier à un journaliste chevronné. Entretenant de bonnes relations avec l’agence TAP, elle sollicitera les services d’Abdelmajid Bejar qui sera effectivement détaché auprès d’elle. Pendant douze ans, de 1985 à 1997, il s’acquittera brillamment de la tâche en trois langues : l’arabe, le français et l’anglais. Il sera souvent envoyé en reportage dans de nombreux pays arabes et africains, parfois dans des zones de conflit et sur des terrains de guerre, multipliant les exclusivités, recueillant de grandes interviews, et rapportant des témoignages de première source. Son engagement en faveur de la cause palestinienne sera total. Sa connaissance profonde des problématiques arabes et africaines l’autorisait à bien mesurer ses dépêches. Pleinement, il exercera son métier, pleinement il vivra sa passion.
Un illustre journaliste
En novembre 1998, Abdelmajid Bejar regagnera l’agence TAP, et sera nommé rédacteur-conseiller, puis promu en l’an 2000 chef de desk TAP Inter, avec le grade de rédacteur en chef adjoint, supervisera en outre la documentation, source précieuse, et accèdera au grade de rédacteur en chef. Admis à faire valoir en juillet 2007 ses droits à une retraite bien méritée, il sera salué chaleureusement par tous ses confrères. Abdelmajid Bejar a toujours été égal à lui-même : compétent, intègre, talentueux, patriote et amical. Il laisse le souvenir d’un grand journaliste et d’un ami fidèle.