Habib Touhami: La population de Tunisie au milieu de ce siècle
Des projections de la population de Tunisie pour la période 2014-2044 ont été réalisées il y a quelques années par l’Institut national de la statistique (INS) et les services spécialisés des Nations unies. Elles étaient basées sur les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph 2014), d’une part, les données de l’état civil, d’autre part (naissances, décès, mariages, etc.). A l’horizon 2044, la population de Tunisie se situerait, selon elles, à 14,5 millions (hypothèse de haute fécondité). Il est probable que les résultats du Rgph 2024 serviront de base à leur tour à de nouvelles projections. On verra alors si ces projections s’écartent des projections précédentes.
De près de 7 enfants par femme en âge de procréation en 1960, l’ISF (Indice synthétique de fécondité) n’a pas cessé de diminuer depuis. Certes, il a augmenté entre 2004 et 2014, passant de 2,16 à 2,46 (variation des effectifs générationnels), mais il ne s’agit là que d’une évolution «passagère», l’ISF reprenant son cours tendanciel «normal» peu après. Au demeurant, selon l’hypothèse de haute fécondité retenue par les projections citées, l’ISF devait amorcer une baisse lente pour atteindre 2,4 en 2019 ; 2,3 en 2029. Mais les résultats effectifs ont corrigé cette hypothèse puisque l’ISF est tombé au niveau de 2,17 en 2019, soit un niveau inférieur à l’hypothèse de basse fécondité elle-même (2,36). Il aurait atteint 2,0 en 2020 et 1,8 en 2021 selon l’INS.
Pour autant, faut-il continuer à se focaliser sur l’évolution de l’ISF dans les trente années à venir et lui accorder une attention disproportionnée, minimisant ainsi les multiples impacts socioéconomiques des autres évolutions démographiques attendues ? Plus généralement, faut-il continuer à penser et à croire que l’on peut commander par la loi l’évolution de la nuptialité et de la natalité ? Ce serait évidemment absurde ! Ce qui attend la Tunisie sur le plan démographique dans le moyen et le long terme requiert du discernement et de la tempérance, le contraire en somme des débats idéologiques courants sur le mariage, la fécondité, le célibat et la théorie du remplacement.
Quelle que soit l’hypothèse de fécondité retenue, le vieillissement de la population, amorcée depuis quelques années, est inéluctable et irréversible. La proportion de plus de 60 ans dans la population atteindrait au moins 23% à l’horizon 2041. Cela pèsera forcément sur les caisses de retraite et les dépenses de santé et davantage encore sur l’économie du pays. Certains gouvernorats, Le Kef en particulier, ressentent d’ores et déjà l’impact du vieillissement sur leur économie. Le taux de dépendance (rapport entre jeunes et personnes âgées d’une part, la population en âge de produire d’autre part) évoluera parallèlement. Il passera de 0,55% en 2014 à entre 0,7 et 0,77% en 2041. Tels sont les véritables défis à affronter dans l’avenir et ils ne trouveront de solutions qu’avec l’augmentation de la productivité et une répartition plus équitable de l’imposition et des revenus.
Habib Touhami