Opinions - 07.01.2011

La partition du Soudan ou la balkanisation annoncée du monde arabe

Dans quelques jours, le Soudan dans ses frontières actuelles aura (très probablement) cessé d’exister. Par voie de referendum qui s’étendra sur six jours à partir de dimanche, les habitants du sud (chrétien et animiste) devront se prononcer pour la séparation avec le nord arabe et musulman. 

 Pour analyser cette énième tragédie arabe, on a le choix entre deux démarches, soit opter comme d’habitude pour la théorie du complot qui présente l’avantage  de désigner  le coupable, en l’occurrence, les puissances étrangères et l'église, nous exonérant, de tout effort de réflexion et surtout d’autocritique. Il suffit de réunir quelques indices, et il n’en manque pas, en faveur de cette thèse comme l’intention très vite proclamée des futurs dirigeants sudistes  d’établir  à des relations diplomatiques avec  Israël dès la proclamation du nouvel Etat,  le soutien des églises anglicanes à la rébellion, etc. Cette démarche aussi séduisante soit-elle,  fait l’impasse sur la part de responsabilité soudanaise et surtout arabe qui a été au moins aussi déterminante que les interférences des grandes puissances inévitables dans une région dont l’importance  stratégique n’échappe à personne.
 
Pendant longtemps, le pouvoir soudanais avait tourné obstinément le dos aux revendications  sudistes d’autonomie interne et refusé toute médiation arabe ou internationale, assimilée par les autorités de Khartoum à une ingérence dans les affaires intérieures soudanaises. L’Egypte aurait pu ou dû jouer un rôle dans la résolution du conflit d’autant plus que rien de ce qui concerne le bassin du Nil ne lui est indifférent. Elle a préféré faire plaisir au gouvernement central, tout comme les pays arabes qui avaient d’autres priorités, en se contentant de voter à chaque Sommet arabe, une résolution d’appui à Khartoum.
 
Pourtant, la durée du conflit (un demi siècle !) qui autorisait à penser qu’on était en présence d’un authentique mouvement national s’appuyant sur une large base sociale, les différences culturelles et ethniques entre le nord et le  sud, la qualité des dirigeants sudistes et notamment John Garang et l’appui dont bénéficiait la création d’un Etat à majorité chrétienne en occident aurait dû inciter les dirigeants successifs de Khartoum à composer avec la rébellion pendant qu’il était encore temps d’autant plus que leurs revendications se limitaient à une simple autonomie interne.  Il a fallu attendre la veille du scrutin, pour que ‘Omar El Béchir propose enfin cette autonomie au sud avec un partage équitable des ressources énergétiques. Réponse des Sudistes, comme on aurait pu s’y attendre : c’est trop peu et trop tard.
 
On peut aussi comprendre l’amertume du Soudan, lui dont le représentant au Forum arabo-nippon de Tunis nous rappelait fièrement, il y a quelques semaines, que son pays était le plus vaste pays d’Afrique avec ses 2,5 millions de km2, ses 85 millions de terres agricoles dont la plupart sont en friche, de se voir amputer du tiers de son territoire et notamment de la région la plus riche en ressources énergétiques et en eau.
 
Mais, ce qu’il faut craindre par dessus-tout, c’est l’effet domino de cette sécession. Le Darfour , une autre région soudanaise, moins riche que le sud Soudan, mais tout aussi vaste (près de 600 mille km2) pourrait également proclamer son indépendance, auquel cas, ce serait le dépècement pur et simple de ce pays. En Irak, le Kurdistan est indépendant de fait, alors que  le Yémen a fort à affaire avec ses minorités ethniques et surtout ses Sudistes nostalgiques du Yémen démocratique. Et rien ne dit que dans d’autres contrées du monde arabe, d’autres communautés  ethniques ou religieuses ne se  radicalisent à leur tour et ne transforment en mouvements séparatistes. 
 
Faute d’avoir su assimiler les leçons de l’Histoire,  le  Monde arabe n’est décidément pas au bout  de ses peines.