News - 17.12.2023

Riadh Zghal: Que reste-t-il de la démocratie et du droit international ?

Riadh Zghal: Que reste-t-il de la démocratie et du droit international ?

Voilà plus d’un mois que l’armée israélienne s’acharne sur des milliers de Palestiniens, tue, emprisonne, torture, c’est selon à Gaza ou dans toute la Palestine, face à l’inaction de ce qu’on désigne faussement la «communauté internationale». Des milliers de civils sont ainsi persécutés, sans distinction d’âge ni de sexe, personne n’est épargné, que ce soit dans les écoles, les hôpitaux, les rues ou les habitations que les criminels de guerre bombardent sur les têtes de familles entières.

Combien de temps vont encore durer ces crimes perpétrés en Palestine depuis 75 ans, depuis que les hordes de sionistes ont commencé leurs opérations macabres de destruction de villages entiers, d’assassinat, de chasse des Palestiniens de leurs habitations que l’on offre gratuitement à des occupants venant d’ailleurs parce qu’ils sont juifs, mais pas nécessairement sionistes. La Palestine a toujours été multiconfessionnelle, les juifs chassés d’Andalousie au XVe siècle ont trouvé refuge dans les pays arabes. Les Arabes n’ont rien à voir avec les pogroms perpétrés contre les juifs en Europe par une Europe antisémite. Les Arabes sont autant sémites que les juifs, même si parmi ces deux peuples, il y a beaucoup de têtes blondes !

L’Europe a ceci de particulier et l’Occident en général voient les autres peuples selon une logique d’adversité depuis la colonisation jusqu’aux guerres directes ou par procuration à des pays qui ne les ont nullement agressés, en passant par ce que Anibal Quijano appelle «colonialité». Par ce concept, le sociologue péruvien entend «une matrice du pouvoir colonial» qui touche tous les domaines de la vie et plus particulièrement les esprits des dominés, une domination durable, qui se veut sans fin.

Cependant, la colonisation, même durant des siècles, n’a pas empêché la résistance des peuples, une résistance allumée par le feu de leur culture, de toutes les humiliations subies, du mépris et des différentes formes de violence que les colonisateurs ont exercées sur eux, depuis la spoliation de leurs biens jusqu’à leur confinement dans la pauvreté si ce n’est l’assassinat des résistants et de civils pacifiques dont les terres sont convoitées.

Le peuple palestinien continue à subir toutes les formes de violence possibles et imaginables. Pourtant, il résiste sans discontinuité. Et le monde découvre aujourd’hui, grâce à tout ce que permettent les technologies de l’information et de la communication - hors media mainstream - que c’est un peuple exceptionnel, un peuple qui reçoit tous les coup sans fléchir, un peuple capable d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre une puissante armée soutenue par l’Occident hégémonique. Il démontre à tous les pays « périphériques », par sa résistance, que la matrice du pouvoir colonial sans fin n’est pas à l’abri de brèches qui finiront tôt ou tard par la briser.

Par leurs manifestations comptant des centaines de milliers appelant à l’arrêt du génocide à Gaza et la libération de la Palestine, les peuples de ces pays dominants dits démocratiques apportent leurs pierres à l’édifice de la résistance. Ce sont des peuples qui n’ont pas été dépouillés de leur humanité et de leur sens de la justice. Même eux résistent au pouvoir qui s’exerce sur eux d’une manière insidieuse dévoilée déjà par Aldous Huxley (1894-1963) qui écrivait : «La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour de leur servitude ...». Certes leurs manifestations n’ont pas empêché la destruction de l’Irak mais leur effet n’est qu’une affaire de temps, ainsi va l’histoire. Depuis Edward Saïd on sait que les mots impriment les voies vers lesquelles se dirige l’histoire. Pour reprendre les paroles de Jean-Louis Barrault qui disait: «La dictature, c'est "ferme ta gueule"; la démocratie, c'est "cause toujours", non ! le silence des peuples n’est jamais éternel et leurs voix ne sont jamais sans effet si ce n’est à court terme, ce sera à long terme».

Aujourd’hui, les turbulences du monde appellent à un remaniement de la configuration du monde, avec tout ce qui a été institué après la Seconde Guerre mondiale. Le fonctionnement de l’organisation des Nations unies rappelle de jour en jour à quel point les nations du monde sont désunies. Que l’on se rappelle la multitude de décisions favorables à la solution de deux Etats en Palestine qui n’ont jamais été appliquées, que l’aide internationale pour les pays anciennement colonisés a échoué à produire un développement durable. Elle a surtout généré l’endettement croissant et la corruption qui ont fleuri dans le plupart de ces pays. Que l’on se rappelle les deux poids et deux mesures qui commandent les politiques des dominants des organisations internationales. La Haute cour internationale s’est astreinte à juger des dirigeants de pays dits du Tiers Monde.

Tout est à revisiter si le but est d’instaurer la paix et la justice pour tous, sinon il faut arrêter de parler de communauté internationale et de perpétuer ce mensonge qui l’assimile à l’Occident et ses acolytes.

Le million et demi des manifestants en Indonésie, les centaines de milliers aux Etats-Unis d’Amérique et en Europe disent que l’on ne veut plus de cette violence qui s’exerce sur les Palestiniens et que nous souffrons de leurs souffrances. Un poète palestinien Nasser Rabah écrivait le 19 novembre dans un post sur FB depuis Gaza pour exprimer la souffrance gorgée de dignité de ceux que l’on pousse à quitter leur lieu d’habitation:

«Ils sont partis sans éteindre la lune de la nostalgie derrière eux, sans fermer la porte donnant sur la rosée de leurs pas. Ils n'ont pas bu l'eau pour savoir revenir aux eaux. Ils se dirigent vers un soir qui appuie son visage sur la main des disparus lucides quant à l’histoire, les yeux embués de larmes.

Des statues en chair et en sang, renfrognés, souriants. On les voit comme on veut. Ils ont déchiré leurs rêves, se sont vêtus avec les nôtres, ils sont partis laissant des graines abondantes aux pièges des souvenirs, aux oiseaux de notre désir insistant de blâmer. Ils n'ont pas regardé derrière eux. Ils ont quitté un temps, ils se sont mis à l’ombre d’un autre, là où il n’y a ni des yeux rieurs ni pleurs.»(1)

Riadh Zghal

(1) Post traduit de l’arabe par Emna Zghal