News - 14.10.2023

Mohamed Nafti - La guerre à Gaza : Désir de vengeance et désir de reconnaissance

Mohamed Nafti - La guerre à Gaza : Désir de vengeance et désir de reconnaissance

Par Mohamed Nafti - «La guerre n’a jamais cessé d’avoir lieu entre les hommes depuis que Dieu les a créés. Elle prend son origine dans le désir de quelques individus de se venger de quelques autres». Cette définition d’Ibn Khaldun s’applique à des peuples primitifs qui ne pensent qu’à se venger. En d’autres termes, l’objectif de leur guerre, c’est de se venger. Ce désir de vengeance demeure jusqu’à nos jours la motivation de certains peuples et Etats primitifs.

La guerre prend aussi son origine dans le désir de reconnaissance. Les États qui en sont motivés voient la satisfaction d’un droit comme un indice de cette reconnaissance et réclament par conséquence que le droit en question leur soit reconnu. En d’autres termes, l’objectif de la lutte ou de la guerre, dans ce cas, est de satisfaire un droit.

Cette vision de la guerre prend origine dans la philosophie de Platon (Thymos) et s’est développée chez Hegel dans sa dialectique du Maitre et de l’esclave. C’est donc une vision de la guerre imaginée par de grands philosophes et offertes à des peuples civilisés. Autrement dit un peuple qui lutte pour sa liberté, son indépendance avec tous les moyens est un peuple civilisé. Un peuple qui veut se venger par tous les moyens n’est pas diffèrent d’un primitif. Le désir de reconnaissance hégélien, malgré sa valeur «immorale» pour certains, reste légitime et caractéristique des Etats civilisés. Les grands empires, les grandes puissances contemporaines ont toujours été motivés par le désir de reconnaissance et ont aspiré à un droit de régner sur le monde en Maitre et en Arbitre. Les Etats-Unis d’Amérique poursuivent cette vision depuis longtemps et surtout après la fin de la guerre froide. Disons que Fukuyama l’a bien théorisée dans sa Fin de l’Histoire et que Brezenski l’a bien développée et analysée dans son Grand Echiquier. Il n’y aucun mal dans cette vision car à l’inverse du désir de vengeance qui est le propre de primitifs et des animaux sauvages, le désir de reconnaissance caractérise l’homme et les Etats civilisés. Ceci pour répondre à celui qui ose qualifier les combattants de Kassem «d’animaux sauvages» et aussi, n’en déplaise à ceux qui ne sont pas d’accord, pour  le rappeler à tous les occidentaux qui se sont ralliés à sa cause  pour verser toutes les haines sur les peuples palestinien et arabe.

Les responsables politiques en Israël ne cessent de diaboliser Hamas et le qualifier de Daesh et de tous les surnoms inhumains. Ils y ont mobilisé leurs médias qui ont hypothéqué l’information à l’intérieur de leur territoire et la canaliser dans le seul but de ce désir de vengeance. On pourrait le comprendre si l’opération de Hamas n’a ciblé que des civils innocents. Mais qu’en est-il du comportement de leurs forces armées? Est-ce que Tsahal n’a rien à dire sur ce sujet? Et le Mossad? On parle de l’opération militaire qui a visé les installations militaires le 7 octobre. On  parle aussi de l’infiltration des groupes armés à travers le Mur ou la Ligne de la frontière hautement sécurisée. Comment expliquer cette surprise générale qui a frappé Tsahal et le Mossad réputés pour être successivement la cinquième armée mondiale et le service de renseignement le plus performant au monde? Comment expliquer que «des bandes de va nu-pieds», «des bêtes sauvages» comme les a qualifiés le ministre de la Défense, arrivent-ils à se frayer un chemin à l’intérieur du territoire israélien avec une facilité déconcertante et pénétrer à l’intérieur des installations militaires de Tsahal sans aucune opposition? Est-ce pour ces raisons que vous voulez camoufler et éviter d’en parler, que vous voulez  tout canaliser sur l’attentat commis sur les jeunes en concert? Est-ce pour ces raisons que la motivation de la guerre est versée dans le désir de vengeance?

Il n’ y a aucun doute que les responsables militaires israéliens se sont penchés sur ces questions et qu’ils vont en tirer les enseignements utiles. Mais là aussi il y a encore un grand problème qui se faufile à l’horizon. Pourquoi les Etats-Unis d’Amérique ont-ils accouru avec le plus grand porte avion du monde et un deuxième qui est mis en route, sans compter d’autres unités qui vont  aider et soutenir l’effort de guerre, de destruction et de  la vengeance. L’Angleterre et l’Allemagne ont aussi acheminé des unités de combats pour aider Israël. Et peut-être que dans les jours qui suivent, tous les membres de l’OTAN seront-ils invités à participer à la destruction de Gaza. Car pour satisfaire le vœu israélien et étouffer ce désir de vengeance, il faut détruire tout Gaza.

Cet objectif demande une petite bombe «hiroshimique» ou une autre «nagasakiste». A défaut de ces moyens puissants qui finissent les Gazaouis, il n’y a que la mort lente qui les épuisera longtemps sous des bombes et des attaques, chaque jour plus violentes.  Le premier ministre israélien parle d’une longue guerre de destruction pour satisfaire le désir de vengeance. Pourquoi tous ces alliés courent-ils  pour aider Israël? Est-ce que «les petits animaux» du Hamas sont assez forts pour menacer l’existence d’Israël? Est-ce que Israël n’est plus capable de se défendre tout seul contre quelques groupes du Hamas? Ou bien; une autre guerre se profile-t-elle à l’horizon et qui va changer le Moyen Orient comme l’a annoncé le premier ministre israélien?  

Mohamed Nafti