News - 12.05.2022

Malek Ezzahi: Mes grands chantiers

Malek Ezzahi: Mes grands chantiers

Le 28e ministre des Affaires sociales, depuis Me Fethi Zouhir, à l’aube de l’indépendance, a  du pain sur la planche. Dès son arrivée, Malek Ezzahi n’y est pas allé de main morte : changement de 18 directeurs généraux et 12 directeurs régionaux, ainsi que du chef de cabinet et du PDG de l’Office des Tunisiens à l’étranger, rappel de 52 attachés sociaux à l’étranger, reprise en main du fonds de ressourcement des caisses sociales, redéploiement des 2 000 travailleurs sociaux et lancement d’un programme de dons financiers allant jusqu’à 50.000 D pour la création de projets en faveur des démunis. Son agenda reste chargé d’autres projets.

En prenant ses fonctions dans ce bureau historique du 27 boulevard Beb-Bnat, Malek Ezzahi a immédiatement réalisé l’ampleur de l’héritage reçu : près d’un million de familles tunisiennes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Elles n’étaient que 320 000 en 2011, et leur nombre s’est multiplié par trois en dix ans pour atteindre 960 000 familles en 2021. Le chômage s’accentue, affectant 20% de la population active. La migration clandestine se multiplie. Deux millions d’illettrés, alors qu’ils n’étaient qu’un million en 2011. Le déséquilibre des caisses sociales s’aggrave sans cesse… L’image d’un grand paquebot à la dérive.

Interview

Vous vous attendiez à rejoindre le gouvernement et à être nommé ministre des Affaires sociales?

Pas particulièrement. Diverses rumeurs circulaient, me désignant à diverses fonctions. Jusqu’à la dernière minute, je n’en avais aucune certitude. Puis, ça s’est confirmé.

Comment avez-vous trouvé le ministère?

Je le connaissais un peu déjà ou plutôt, je le pratiquais, en tant que syndicaliste et militant de la société civile. Et il ne m’était pas étranger, de par les charges syndicales de mon père. J’ai toujours été conscient du rôle central qu’il joue sur divers plans, qu’il s’agisse des relations professionnelles, des assurances sociales, du développement social ou des Tunisiens à l’étranger. Tout cela m’a incité à appréhender mes nouvelles fonctions avec attention et enthousiasme. Formellement, il n’y avait pas eu de passation de pouvoir avec mon prédécesseur, Mohamed Trabelsi, alors souffrant. Je lui ai rendu visite chez lui pour lui souhaiter prompt rétablissement, sans chercher à l’encombrer de questions. Et je me suis mis au travail.

Qu’est-ce qui a le plus attiré votre attention dès les premiers jours de votre entrée en fonction?

La nécessité de donner plus de moyens pour vaincre la bureaucratie et faire face aux multiples demandes. Je viens du secteur privé, animé d’un esprit d’efficience et de célérité. Mais aussi de la société civile, attaché à répondre aux attentes des citoyens. D’emblée, j’ai tenu à donner une série de signaux forts : rappel, par note de service, des bonnes règles de l’assiduité et du port d’une tenue correcte, évaluation des hauts cadres, mouvement à la tête de grandes directions générales et régionales ainsi que de certains organismes et du corps des attachés sociaux à l’étranger, et redéploiement des travailleurs sociaux dans les 274 unités locales qui constituent la première ligne.

De grandes vagues de nouvelles nominations?

C’était indispensable ! Pas moins de 18 directions générales et 12 directions régionales ont changé de titulaires, mais aussi au niveau du chef de cabinet et du PDG de l’Office des Tunisiens à l’étranger. J’ai également procédé au renouvellement de l’ensemble du corps des attachés sociaux affectés à l’étranger, qui sont au nombre de 52, pour une relève progressive par des cadres tous issus du ministère et des établissements relevant de sa tutelle. Un premier contingent vient de suivre une formation appropriée pendant un mois pour prendre ses nouvelles fonctions.

Comptez-vous ouvrir de nouveaux postes dans d’autres pays?

Effectivement, nous devons revoir la carte de notre réseau social à l’étranger en fonction de la taille de notre communauté émigrée et de ses besoins. D’ores et déjà, trois nouveaux postes d’attachés sociaux seront ouverts auprès de nos ambassades à Washington DC, Londres et Abidjan.

Notre objectif est de redonner aux Tunisiens à l’étranger une pleine confiance en leur pays et de les entourer de toute la sollicitude qu’ils sont en droit d’attendre et qu’ils méritent.

Le déséquilibre structurel des caisses sociales et de maladie est de plus en plus préoccupant. Comment comptez-vous y remédier?

C’est une grande priorité. La réforme est indispensable et la diversification des sources de financement urgente. Un fonds approprié a été créé et placé sous la gestion du ministère des Affaires sociales, ce qui permet de consacrer entièrement les prélèvements de 1% au titre de la contribution sociale de solidarité directement au profit des caisses. Mais beaucoup d’efforts restent à faire.

Vous avez parlé des travailleurs sociaux de la première ligne. Comment comptez-vous renforcer ce dispositif?

Par des moyens, des encouragements, du suivi et de la mobilisation. Ils sont près de 2 000 travailleurs sociaux répartis sur l’ensemble du territoire tunisien, servant dans les 274 délégations. Placés en contact direct avec les citoyens, sollicités pour traiter leurs problèmes, répondre à leurs demandes, leur délivrer des cartes de soins, d’assistance, de personne handicapée et autres, ils sont en charge d’une mission de toute première importance. Mais ils manquent terriblement de moyens.

Pour connaître les difficultés qu’ils rencontrent et leur avis sur les renforcements à leur apporter, j’ai procédé à une consultation en ligne qui a été bien accueillie. Pas moins de 1700 réponses ont été reçues. Je me suis également rendu dans plus d’une centaine de délégations, pour me rendre compte de visu de la réalité sur le terrain. Plus encore, j’ai réuni tous les travailleurs sociaux, répartis en groupes régionaux dans quatre grands districts, pour les écouter et les mobiliser.

Parmi les mesures prises en leur faveur, l’affectation d’une voiture à chaque unité locale et la mise à leur disposition de 1 500 micro-ordinateurs. Pour les motiver, 875 décisions d’avancement et de promotion ont été signées.

Vous fondez beaucoup d’espoir sur la création du Conseil supérieur du développement social et sa mise en place imminente. Quelles seront ses premières décisions?

C’est un acquis précieux qui vient renforcer notre dispositif social. De par sa mission, ses attributions spécifiques et sa composition, il constitue l’instance clé dans l’élaboration des politiques publiques en matière d’action sociale, de concertation, de coordination et d’évaluation. Parmi les toutes premières questions qui seront inscrites à son ordre du jour, la création d’un programme d’accès des populations défavorisées à la réalisation de projets économiques, grâce à des dons, et non des prêts, pouvant aller jusqu’à 50.000 D. Une première dotation budgétaire de 6 millions de dinars est d’ores et déjà disponible. Mon objectif est de porter cette dotation, dans les années à venir, à 50 millions de dinars, voire 60 millions.

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