La guerre en Ukraine et nous
A l’horreur s’ajoute l’ignoble ! Un Etat souverain, membre des Nations unies, doté d’un régime démocratique, l’Ukraine, se voit envahir subitement par son voisin, la Russie. Une guerre féroce est déclenchée, obligeant plus de 11 millions d’habitants, soit le quart de la population, à fuir leurs logements. Plus de 7 millions d’Ukrainiens sont contraints au déplacement à l’intérieur du pays, alors que pas moins de 3 millions et demi s’empressent de se réfugier à l’extérieur. Sous les bombardements massifs, des civils sont tués, des villes sont rasées. Ni la forte condamnation internationale, ni les sanctions prononcées, n’ont jusque-là dissuadé Moscou de renoncer à cette agression, de mettre fin à ce drame humanitaire, et de se retirer de l’Ukraine.
Cette guerre sans merci changera fondamentalement l’équilibre des forces dans la région et au-delà. Elle affectera profondément les relations internationales, provoquera un immense drame humanitaire,suscitera une grave crise alimentaire et pèsera de tout son poids sur l’économie mondiale. L’Ukraine n’est plus en mesure d’exporter des produits céréaliers. Quant à la Russie, elle met en jeu sa forte capacité d’approvisionner l’Europe et d’autres pays en céréales, comme pétrole et en gaz. La sécurité énergétique de nombreux pays s’en trouve menacée. En outre, la flambée des prix s’ajoutera à la perturbation des flux d’exportation.
Un impact direct sur la Tunisie
A plus d’un titre, la Tunisie est concernée par cette guerre. Acquise au respect de la souveraineté des Etats et attachée à la paix et à la sécurité, elle ne peut qu’être préoccupée par cette escalade dramatique, aux lourds dégâts et multiples risques. Elle doit joindre ses efforts à ceux des autres pays qui œuvrent pour y mettre fin.
L’attention de l’Occident et plus particulièrement de l’Union européenne à la Tunisie risque de se détourner de nous, et leur soutien au développement et à la relance économique, de s’atténuer. C’est là un élément très important à prendre en considération et à éviter.
Sur le plan économique, les conséquences de la guerre sont lourdes et variées. Il s’agit en effet des risques de perturbation, sinon de l’arrêt, de l’approvisionnement du marché tunisien en céréales, oléagineux (à partir des deux pays) et en pétrole (provenant de la Russie), de la hausse vertigineuse des cours mondiaux, notamment celui du baril de pétrole, des difficultés des opérations financières avec les deux pays belligérants, de la suspension des flux touristiques russes (600.000 touristes / an) et d’autres aspects significatifs. La cellule de veille créée à la Présidence du gouvernement ainsi que celle mise en place au sein de la Banque centrale tracent de très près l’évolution de la situation et ses différentes répercussions.
La question des ressortissants tunisiens est également posée, surtout en ce qui concerne l’Ukraine où on comptait près de 2 000 étudiants. La majorité a préféré fuir la guerre. Une vaste opération d’évacuation vers la Tunisie a été organisée grâce à une assistance consulaire aux frontières polonaise et roumaine et au pont aérien opéré par l’armée de l’air tunisienne. Leurs études sont suspendues et ils ne savent ni comment, ni quand, ni où ils pourront les reprendre.
Dans un dossier spécial paru dans le numéro d'avril 2022, Leaders a interviewé l’ambassadeur d’Ukraine à Tunis, Volodymyr Khomanets, ainsi que l’ambassadeur de Russie à Tunis, Alexandre Zolotov. Ils n’ont éludé aucune question.
Nous publions également le témoignage d’une femme ukrainienne, Tetiana Peresada, mariée à un Tunisien, et vivant en Tunisie qui nous rapporte comment elle vit ce drame.
En outre, pour mieux comprendre les enjeux de la guerre en Ukraine et son impact sur la région Moyen-Orient Afrique du Nord, l’analyse de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui (qui avait été ambassadeur notamment à Moscou et à Kiev) nous livre des éléments instructifs.
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