Sfax abrite le 25°Congrès de l’Ugtt: ce n’est que justice rendue à cette ville de vieille tradition syndicale
Par Mossaab Abdallah - Il avait fallu attendre 76 ans pour voir un congrès national ordinaire de l’Ugtt se tenir à Sfax. Ce n’est que justice rendue puisque la ville ayant enfanté la prestigieuse et puissante centrale syndicale tunisienne, se voit, enfin, honorée par l’organisation d’un congrès national dont elle a en a été privée ¾ de siècle durant.
C’est Noureddine Taboubi, secrétaire général en exercice originaire du nord ouest qui a pesé de tout son poids pour faire entériner cette décision auprès de ses camarades. On dit de lui qu'il est un « achouriste » convaincu, c’est-à-dire un adepte de Habib Achour, ancien secrétaire général de l’Ugtt. A-t-on besoin, ici même, de rappeler que Habib Achour avait été assigné à résidence à Beja à la suite de la grève du 5 aout 1947, là où il avait tissé des liens d’amitié et de camaraderie avec beaucoup de benjis qu’il avait initiés à l’action syndicale et à la lutte contre le colonialisme.
Le bastion et le fief
Pourtant, Sfax a toujours été et le demeure une ville de vieille tradition syndicale. C’est entre ses murailles et par le soin de nombreux travailleurs parmi ses habitants, Farhat Hached en tête, que naquit, en 1944, l’Union des syndicats autonomes du Sud, qui avec sa semblable du Nord fondée en 1945 et la Fédération des fonctionnaires tunisiens donna naissance à l’UGTT le 20 janvier 1946. Seulement 18 mois après, soit le 4 aout 1947, elle fut le théâtre d’une grève générale que les autorités coloniales réprimèrent sauvagement à l’aube du 5 aout puisqu’elle couta la vie à 30 personnes et blessa près de 150 grévistes dont Habib Achour, alors secrétaire général de l’Union de Sfax qui fut éloigné à Mahrès, Zaghouan et Béja.
La répression qui s’est ensuivie avait aguerri les syndicalistes qui s’engagèrent, en plus du quotidien des revendications ouvrières, dans la lutte contre le colonialisme français. Celui-ci s’en vengea en décembre 1952, en assassinant Farhat Hached.
Trois ans après, Sfax, avec l’UGTT et Habib Achour en tête, abrita un congrès extraordinaire du Parti néo destourien qui eut à trancher le différend opposant ses deux principaux leaders, à savoir Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef.
Des déboires avec la justice tunisienne
C’est à Sfax aussi, mais cette fois en 1965, que Habib Achour, alors secrétaire général de l’Ugtt, eut des déboires avec la justice tunisienne. On lui incomba la responsabilité de la défaillance du bateau reliant Sfax aux Iles Kerkennah suite à la mort de quelques touristes qui étaient à bord, étant lui-même président de la société propriétaire du bateau.
C’est aussi à Sfax que Bahi Ladgham, numéro 2 du régime Bourguiba, annonça, fin 1969, début 1970, l’éviction de la direction fantoche placée à la tête de l’Ugtt suite à l’emprisonnement de Habib Achour et l’émigration de son camarade Ahmed Tlili en 1965.
En 1978, Sfax fut à l’origine d’un texte très virulent présenté au conseil national de l’Ugtt qui retint le principe de la fameuse grève générale ayant finalement eu lieu le 26 janvier de ladite année.
Plusieurs autres actions et dates sont à mettre à l’actif de la région de Sfax, la plus marquante et la plus décisive d’entre elles ne fut autre que celle de la grève du 12 janvier 2011 qui, de l’avis de tous, scella le sort de Ben Ali et de son régime.
Quatre secrétaires généraux
Sfax donna au pays des centaines de syndicalistes dont plusieurs, ont été élus, membres de l’exécutif. Nous en citons Mohamed Chelli, Taieb Achour, Mohamed Guettat, Salem Cheffi, Mahmoud El Ghoul, Rabeh Mahfoudh, Taieb Khemakhem, Messaoud Neji, Mohamed Ezzedine, Sadek allouche, Sadek Besbes, Neji Chaari, Abderrazek Ghorbel, Ali Ben Romdhane, Mohamed Trabelsi, Samir Cheffi et Moneem Aamira.
D’autres syndicalistes originaires de la région de Sfax avaient présidé aux destinées de plusieurs structures régionales et sectorielles. Nous en citons Abderrazek Ayoub, Mabrouk Kennou, Bechir Mabrouk, Ezzedine Krichen, Salah Chelli, Salah Zeghidi, Messaoud Klila, Mokhtar Hili, Salah Brour, etc.
La capitale du Sud donna à l’Ugtt quatre secrétaires généraux, Farhat Hached, Habib Achour, Abdelaziz Bouraoui et Abdessalem Jrad auxquels on peut ajouter Mohamed Kraiem qui fut rappelé de Sfax début 1953 pour assurer l’intérim de Farhat Hached, assassiné le 5 décembre 1952. Ils totalisent, à eux seuls, pas moins de 33 ans de règne à la tête de l’Ugtt.
Mossaab Abdallah
Ancien syndicaliste, Sfax