News - 24.05.2021

Ghaza : Le cas cher de la normalisation

Ghaza : le cas cher de la normalisation

Par Mohsen Redissi - Les petits émirats du Golfe arabique se réjouissent secrètement pour ne pas trop ébruiter leur liesse. Les nuits palestiniennes sont très illuminées ces derniers jours. Les gyrophares des ambulances sillonnent la bande de Gaza à la recherche de blessés. Cet étalage exagéré de l’utilisation de la force est un avertissement sonore pour l’Iran. Malheureusement ce sont les palestiniens qui payent le prix fort en vies humaines. Les émirs en bons musulmans ont pactisé avec le diable en total désaccord avec le consensus général devenant ainsi les satellites de Satan. Ils reconnaissent l’Etat d’Israël et établissent des relations diplomatiques et économiques avec lui, leur seule issue pour garder encore un trône vacillant. L’entité sioniste en contrepartie s’engage par le feu et la flamme de les protéger contre leur ennemi juré shiite l’Iran. Ces pays mirages, plus on s’approche d’eux plus ils s’éloignent. Ils préfèrent se jeter dans les bras de leurs adversaires. La rencontre entre le prince héritier Mohammed Ben Salman et le chef du gouvernement d’Israël Benyamin Netanyahou en présence du secrétaire d’Etat américain et du chef du Mossad le 23 novembre 2020 soulève des soupçons sur une future normalisation.

D’ailleurs, à entendre le discours du représentant saoudien au Conseil de sécurité consacré à la situation préoccupante à Gaza justifier la riposte d’Israël laisse présager que le royaume est la prochaine victime.

L'Empire contre-attaque

La guerre des étoiles ou l'Initiative de Défense Stratégique (IDS), programme ambitieux cher au président Ronald Reagan, est devenue une réalité. Le nouveau label est le Dôme de fer, conçu et réalisé conjointement par deux sociétés une américaine et une israélienne. On ne rêvait pas mieux pour faire une démonstration grandeur nature publique de l’efficacité de ce bouclier reliée par tous les médias. Les palestiniens ont le dos au mur, mais ils ne se lamentent pas. Résister ou capituler, ils restent stoïques ; leur seul tort est d’être nés sous le drapeau à trois bandes horizontales. Le Saint Siège a exprimé son extrême préoccupation, la situation est alarmante aux yeux du Pontife. 

Les concepteurs se frottent les mains. Le marché est juteux. Le système de guidage est efficace. Peu de victimes chez les sionistes. Plus de 221 victimes chez les palestiniens dont 63 enfants et 36 femmes d’après le dernier bilan en date du 19 mai 2021. Il s’alourdit de jour en jour. D’autres corps sans vie gisent sous les décombres. Les zones de tension sont nombreuses dans ce monde de barbares, arriveront-ils à séduire les sceptiques et à décrocher quelques marchés pour quelques millions de dollars de plus ?

La guerre que mène Israël est disproportionnée quelque soit le terrain qu’elle choisit : sur terre, sur mer ou dans les airs. Les artificiers du Hamas narguent les défenses aériennes de l’armée israélienne. Ils lancent des roquettes artisanales concoctées dans les sous-sols dans la clandestinité totale à base de produits destinés à l’agriculture avec la peur au ventre. Le ciel peut leur tomber sur la tête si le secret est éventé. Chacune des ces roquettes coute une centaine de dollars. Le Tsahal lance des missiles intercepteurs, efficace à 95 %, pour les détruire quand elles tracent le ciel avant de toucher des zones habitées. Les deux belligérants jouent à la guerre d’usure. D’après les experts une roquette lancée de la Bande de Gaza coûte environ 200 dollars américains contre 50 000 dollars le coût d’un missile intercepteur. L’argent n’est-il pas le nerf de la guerre ? Le président Joe Biden dans ses remarques sur le Moyen-Orient, 20 mai 2021 s’engage à reconstituer les réserves du Dôme de fer pour la sécurité d’Israël, I assured him [Prime Minister Netanyahu] of my full support to replenish Israel’s Iron Dome system to ensure its defenses and security in the future.

Le complexe militaro-industriel américain s’est déjà mis à la tâche pour trouver la parade : des rayons laser qui font office d’intercepteurs moins onéreux, 1 000 dollars par tir, pas d’ogives  explosives. C’est du propre.

La destruction totale est une option héritée du partenaire stratégique d’Israël, les Etats-Unis et leur arsenal militaire sans comparaison aucune. Cette tactique de frappes a montré son efficacité en pressant l’ennemi et en le poussant dans ses derniers retranchements. L’Afghanistan et l’Irak gardent encore les séquelles des raids de nuits. Quatre vingt cinq mille personnes tuées pendant le conflit de 2001-2009, chiffre avancé par le ministère irakien des Droits de l'homme. Un an plus tard le bilan officiel américain tombe, moins lourd en vies. Soixante dix sept mille seulement entre civils et militaires irakiens ont été tués. Les routes, les ponts, les barrages et les grands ouvrages rasés ou détruits ou partiellement détruits, cela dépend de la précision des tirs. Tout est filmé par des cameras à infrarouge pour s’assurer des frappes et rectifier les tirs lors de nouveaux passages. En bon disciple, l’entité sioniste s’entête à perpétrer la voie balisée de morts et de chagrin tracée par le grand maitre.

Les missiles israéliens largués sur les villes de la Bande de Gaza éclairent le ciel mais obscurcissent les horizons des palestiniens. Même en temps de guerre, les belligérants doivent respecter des protocoles qui protègent les personnes qui ne participent pas aux hostilités. Israël vient de refuser le passage se son territoire à un convoi humanitaire jordanien destiné aux gazaouis. Ce Plan of Attack macabre reflète la perfidie et les intentions lugubres des sionistes:

Détruire les centres névralgiques de la résistance : centres de télécommunication, les rampes de lacement des missiles et les dépôts de munitions afin de couper toute tentative de résistance. Les roquettes ne sont qu’un prétexte.

Saper le moral des troupes par ce déluge de feu en leur coupant toute tentative de repli. Une leçon que les dirigeants palestiniens doivent bien retenir : on n’attaque plus Israël impunément, et un étalage de force pour les voisins

Exacerber la colère de la population et la désolidariser de ses dirigeants. Ne sont-ils pas à l’origine de ce qui leur tombe sur la tête et la source de leurs malheurs? C’est sans compter sur l’attachement de tout palestinien à sa cause et à la terre de ses ancêtres.

Les implications de la normalisation

Au-delà du rétablissement des relations diplomatiques et économiques avec l’entité sioniste, la normalisation implique clairement l’acceptation du fait accompli israélien:

Accepter et reconnaitre de facto Jérusalem comme la capitale administrative d’Israël et son intention de forcer les autres pays de faire autant au risque de perdre leur accréditation

Rejeter le souhait et les revendications du peuple palestinien de faire de la ville d’Al-Qods la capitale éternelle de son Etat

Nier le caractère arabe et islamique de la ville

Abandonner la Mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l'Islam, à son triste sort

Laisser le champ libre aux archéologues juifs d’effacer l’héritage millénaire arabe de la ville

Laisser figurer le Golan, terre syrienne, sur les cartes comme territoire israélien

Délivrer un blanc-seing à l’armée aux colons juifs d’user et d’abuser des droits inaliénables du peuple palestinien

Ignorer les résolutions des Nations unies concernant le conflit arabo-israélien

Fermer les yeux sur la violation des Accords d’Oslo de 1993 : arrêt de l’implantation de colonies et retrait des enclaves juives de la Cisjordanie.

Rétablir des relations avec Israël c’est plus profond et dangereux pour la région. Ces craintes doivent être formulées et discutées dans toute tentative de réconciliation pour ne pas affaiblir ni la résistance ni minimiser les chances d’une paix durable. Les ignorer c’est agir au nom de l’Etat palestinien sans avoir été mandaté. Le peuple palestinien n’a pas besoin de tutelle, sa voie est le combat qu’il mène tous les jours en offrant sa jeunesse, ses hommes et ses femmes. Le sang pur qui coule abreuve les sillons de la terre sainte bénie par les trois religions. Laissons ces âmes reposer en paix et gardons-nous de pactiser avec le sionisme.

La fin tragique du boycott arabe

Grand corps malade, la Ligue arabe, est affaibli par la division. Un tiers est invalide, incapable de se défendre, rangé par la normalisation avec l’entité sioniste. Elle ne doit en aucun cas se faire au détriment de la cause palestinienne. Le monde arabe et musulman n’y revient pas. Ce club fermé n’a pas encore brandi la menace de rompre ses relations avec Israël après dix jours d’hostilité effrénée pour pousser l’Etat sioniste à cesser ses attaques sur la population gazaouie. Ils ne bougeront pas le petit doigt. Ils sont trop timides, ils ne cherchent pas à se faire détrôner. Si la théorie du complot est vraie, ils rechignent à être sur les prochaines listes.

C’est aussi la fin de l’embargo que la Ligue des Etats arabes a mis en place avant même la création d’Israël. Le boycott arabe de produits, de marchandises et de sociétés entretenant des relations commerciales ou autres avec Israël fait perdre au trésor israélien chaque année 3 milliards de dollars, l'équivalent de l'aide annuelle américaine à Israël. Les accords d’Abraham vont renflouer les caisses publiques israéliennes. Les entreprises jadis sur les listes noires reprennent espoir. Le schisme entre adeptes et opposants de la normalisation sert les intérêts des pays et des institutions jadis hésitants. Tous reprendront petit à petit leurs négoces avec l’Etat hébreu. Les petits royaumes du Golfe, mais très grandes plateformes financières internationales, penseront dorénavant à investir en Israël, une valeur sure. C’est le retour en Israël des investisseurs et des industriels qui ont fui le printemps arabe. Pour qui sonne le glas de la fin du boycott ?

Les larmes, le sang et l’encre couleront toujours dans les rues et dans les villes de la Palestine occupée tant que les deux communautés, arabes et juives, n’auraient pas fait pencher la voie de la raison à la haine et au pouvoir destructeur des armes.

Mohsen Redissi