News - 31.03.2021

Lorsque Chedli Trifa, aujourd'hui disparu, rendait un hommage posthume à Abdessalem Kamoun (Vidéo)

Chedli Trifa: Abdessalem Kamoun, nous lui devons beaucoup!

Rigueur dans la méthode, précision du chiffre maintes fois vérifié et humour: trois qualités qui résument les traits de caractère d’Abdessalem Kamoun, comme nous le confie son camarade de classe, compagnon de parcours dans les services statistiques tunisiens et ami de plus de 60 ans, Chedli Trifa. «Science et compétence lui était acquises, souligne-t-il, la courtoisie, la convivialité et la bonne ambiance qu’il savait mettre en plus.» Ensemble, ils étaient partis à Paris, au lendemain de l’Indépendance, admis au concours d’entrée à l’Ensae.

«Sleïm» Kammoun avait obtenu une chambre au terminus du métro à Issy-Les-Moulineaux, dans la proche banlieue parisienne. Chedli logera chez l’habitant, d’abord à Saint-Sulpice, puis rue du Faubourg Saint-Honoré. Mais, ils étaient chaque jour ensemble. « Je le rejoignais le soir chez lui pour réviser ensemble, partageant nos rares sorties les weekends», dit-il.

Ensemble, ils sont revenus à Tunis et ont rejoint les services de la statistique, relevant du secrétariat d’Etat au Plan et aux Finances, chacun chargé d’un dossier de première importance. Abdessalem Kamoun s’investira dans les enquêtes agricoles, puis les enquêtes sur la consommation, alors que Chedli Trifa sera embarqué sur la démographie et tous ces recensements de la population et de l’habitat, avec ce qui s’ensuit. Ensemble, ils veilleront, avec le concours d’autres camarades de promotion à l’Ensae, à la mise au point d’un système tunisien moderne de statistiques. Ils seront la cheville ouvrière pour la création de l’INS, et contribueront à la formation et l’encadrement des nouvelles générations passionnées par le secteur.

«Parmi ses qualités maîtresses, témoigne Chedli Trifa, Sleim Kamoun était fidèle en amitié. Jamais l’ombre d’un malentendu, ou même un léger froid. Son urbanité sans fard fait estomper rapidement les différences et tomber les barrières, au-delà des hiérarchies. Il avait un mot gentil et sincère pour chacun et pour tous. Sa modestie naturelle mettait toutes les équipes à l’aise et galvanisait leur énergie.»

La compétence, fondement de l’indépendance

Les difficultés ne manquaient pas tant pour concevoir, conduire et réussir les enquêtes et recensements que pour faire accréditer leurs résultats, se souvient Chedli Trifa. «Nous étions tous conscients de la nécessité de fournir aux planificateurs, mais aussi aux décisionnaires politiques, les données fiables indispensables à l’élaboration des plans de développement économique et social, mais aussi des politiques publiques, nous dit-il. Tous nos efforts étaient concentrés sur la collecte des données fiables et leur traitement selon les normes internationales établies. Cette compétence scientifique et technique devait se conjuguer avec la défense de l’indépendance de l’INS. Or, cette indépendance ne peut être reconnue et respectée que d’après la qualité de ses études et enquêtes.»

«La confirmation de la performance tunisienne vient du système des Nations unies et des institutions financières, notamment la Banque mondiale, le FMI et autres organisations et bailleurs de fonds, poursuit, non sans fierté nationale légitime, Chedli Trifa. Les enquêtes démographiques, avec leurs composantes population, habitat, emploi, revenus, santé, scolarisation, équipement des ménages et autres, sont totalement accréditées et prises en compte. Tout comme celles relatives aux dépenses des ménages, à la consommation et autres. La marque INS est un label de grande confiance et nos méthodes sont largement adoptées à l’étranger. Souvent, à la faveur d’un voyage de travail à l’étranger, d’une mission d’assistance technique ou d’une grande conférence internationale, nous avons l’agréable surprise de découvrir que tel ou tel pays a appliqué notre démarche, suivant rigoureusement ses moindres détails et aboutissant à des résultats fiables. C’est aussi le cas, en lisant des publications et rapports internationaux édités par de prestigieuses agences du système des Nations unies, qui reprennent, en ce qui concerne la Tunisie, nos propres indicateurs, considérés comme effectifs et dignes de confiance.»

Mon père me l’interdit ! بويا ما يحبّش

Combien de fois, de hauts responsables politiques «s’étonnaient» des résultats qui leur étaient fournis ? Combien de fois, avaient-ils «suggéré» de changer la composition du panier de la ménagère ou la liste des produits pris en compte dans l’établissement de l’index des prix? Combien de fois, aussi, des statistiques fournies étaient «détournées de leur vérité» et présentées par des politiques de façons erronée?

A cheval sur les principes, Abdessalem Kamoun ne tolérait le moindre compromis, refusant toute concession, témoigne Chedli Trifa. «Sleim avait une formule magique pour dire non, en toute courtoisie : Mon père me l’interdit بويا ما يحبّش .. Prononcée en arabe et ponctuée d’un large sourire, la phrase tombe comme un couperet. Et c’était suffisant pour désarmer définitivement ses solliciteurs. Il répétait souvent que l’index des prix, c’est comme le thermomètre. Ce n’est pas en le trempant dans de l’eau glacée que la température réelle va tomber. Alors autant connaître la valeur réelle et agir en conséquence.»

Près de trente ans après avoir quitté l’un et l’autre l’INS, ayant pris leur retraite, Chedli Trifa garde-t-il encore confiance dans les résultats fournis actuellement par l’Institut ? «Sans aucun doute, affirme-t-il avec force conviction. Nous avons laissé d’excellentes équipes, sans cesse enrichies par de nouvelles recrues de valeur, de bonnes procédures, et une éthique partagée en ADN.»

Chedli Trif

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