Sortir de la crise, une urgence ! Le coup de gueule de Hichem Skik
Il faudra bien en sortir un jour, cette foutue crise, non ?!
Une crise aigüe, lourde de graves menaces:
• politiques (instabilité, insécurité... mises à profit par le terrorisme, les trafiquants de tous genres)
• économiques et financières (effondrement de la production déjà haletante, aggravation des déficits budgétaires, de l'endettement... mettant en cause notre souveraineté nationale...),
• sociales (c'est déjà le cas, les jeunes et les familles déshéritées sont sur le point d'exploser)
• et, surtout, sanitaires, (avec l'épidémie qui ne cesse de s'amplifier, des hôpitaux saturés, les vies de nos proches et de nos amis, fauchées par milliers, une vaccination qui s'annonce pour le moins incertaine, tant sur le plan de l'acquisition et des livraisons que sur celui de la logistique)
...Et c'est cette terrible conjoncture que nos responsables choisissent :
• Pour opérer un très large remaniement ministériel, touchant entre autres des ministères en première ligne pour faire face à ces dangers;
• Pour politiser ce remaniement, en éliminant des noms supposés appartenir au "camp adverse" et en incluant des personnes appartenant à certains partis politiques ou proches d'autres, changeant sans hésitation la nature d'un gouvernement qui avait pourtant obtenu la confiance de l’Assemblée en tant que "gouvernement de compétences indépendantes";
• Pour ignorer les diverses mises en garde et les doutes sur certains noms proposés (même si certains de ces doutes sont imprécis et fondés sur de simples soupçons ou rumeurs, ils méritaient d’être examinés sérieusement);
• pour encourager à opérer un passage en force à l'ARP, afin de créer un fait accompli de nature à "coincer", voire à défier l'adversaire;
• Pour afficher un "soutien massif" aux ministres proposés et offrir au gouvernement une "ceinture" plus confortable qu'espéré, toujours pour damer le pion à la partie adverse;
• Pour profiter de la réunion d'une instance chargée de tracer la politique de sécurité des Tunisiens, dont les participants ont été choisis sur mesure, et comprenant des militaires, pour proférer des dénonciations et des mises en cause de la moralité de certains noms proposés, réitérant des attaques et des menaces, toujours par insinuation et sans aucune précision, adressées publiquement à la partie adverse, bafouant sans hésiter toute obligation de réserve, de sauvegarde de la neutralité de l'armée;
• Pour utiliser les insuffisances et les ambiguïtés de la constitution pour refuser la prestation de serment de "trois ou quatre ministres ( sans plus de précision ), soupçonnés de conflit d'intérêt ou d'implication dans des affaires de corruption, quitte à créer un blocage institutionnel et politique, avec toutes les conséquences que ce blocage peut avoir sur les fronts économique et sanitaire.
Face à cette situation déplorable, où chacun campe sur ses positions, ne se souciant que de marquer des points contre l'adversaire et consolider sa propre position au pouvoir, de nombreuses voix se sont élevées (dont, notamment, l'UGTT et les 150 personnalités politiques et intellectuelles...) appelant à un large dialogue national pour rechercher un consensus minimal sur une issue à la crise.
De multiples solutions pour sortir de l'impasse sont proposées: remplacement des ministres concernés ( mais lesquels?); renoncement volontaire de ces ministres( toujours lesquels??); prendre acte de l'impossibilité d'organiser la cérémonie de prestation de serment auprès du président de la république et l'organiser devant l'ARP; se passer de toute prestation et permettre aux nouveaux ministres de prendre leurs fonctions; demander l'avis du tribunal administratif, etc.
Même si certaines de ces solutions sont plus ou moins innocentes et neutres par rapport aux parties en conflit et plus ou moins praticables dans l'atmosphère délétère qui règne actuellement, elles expriment, cependant, le désarroi des politiciens et de l'opinion publique, et surtout, la nécessité, urgente et impérative, de ne pas laisser notre pays s'embourber plus dans ce marécage et lui éviter de tomber dans la paralysie totale et le chaos.
De nombreuses solutions existent donc! Laquelle choisir?
Par désespoir et non sans dérision grinçante, on est tenté de dire (à la manière de "qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse"!): « qu'importent les habillages juridiques, politiques, diplomatiques, moraux, les ententes et compromis officiels ou conclus "sous la table".. ! La seule chose qui nous importe aujourd'hui, la seule chose dont ont besoin la Tunisie et les Tunisiens, c'est que cette situation malsaine, en tout point dangereuse, ne perdure pas plus longtemps.
Notre pays, en particulier sa jeunesse et ses catégories fragiles- en ont assez de ces chamailleries pour le pouvoir entre des parties qui ont montré que l'intérêt national n'est pas leur principal souci.
Ces parties- et plus précisément le président de la république, le chef du gouvernement, les députés et leur président- n'ont été élus ou désignés que pour résoudre les problèmes du pays. Au lieu d'en créer de nouveaux chaque jour, il leur incombe impérativement, l’un ou l’autre ou les uns AVEC les autres, de trouver une issue urgente à la situation catastrophique actuelle. C'est leur devoir impérieux et l'occasion pour eux de montrer qu'ils sont, devant l'imminence du danger, capables de mettre l'intérêt supérieur de leur pays et de leur peuple au-dessus de leurs propres calculs et intérêts!
Le peuple, la société, la jeunesse vous observent et ne sont pas de simples spectateurs!
Si vous n'assumez pas ce devoir, ils vous tiendront tous pour responsables de la dégradation de la situation. Vous serez jugés, d'abord lors des prochaines élections et, surtout devant le tribunal implacable de l'histoire; pour non assistance à pays en danger et mise en danger de la vie d'un peuple!
Hichem Skik
Universitaire et militant politique