Finances locales: Une haute instance si indispensable
La décentralisation effective et l’octroi des ressources correspondantes aux compétences attribuées aux communes, régions et districts en dépendent largement. Toute la finance des collectivités locales attendait une autorité à vision globale, analysant la situation financière, veillant à sa modernisation, sa gestion et, d’une manière plus générale, la bonne gouvernance. C’est ce qui a présidé à la création de la Haute instance des finances locales, comme l’explique à Leaders sa présidente, Amel Elloumi Baouab.
L'architecture institutionnelle est bien définie. Il y a d’abord la nouvelle constitution de 2014 qui, en son chapitre VII, a fondé le pouvoir local sur la décentralisation et a doté les collectivités locales de la personnalité juridique, de l’autonomie administrative et financière. La loi organique n° 2018-29 du 9 mai 2018 relative au Code des collectivités locales a notamment inscrit dans le marbre la solidarité. Elle engage l’État «à aider les collectivités locales à atteindre l’équilibre financier et à jouir de l’autonomie administrative et financière effective moyennant des investissements et des transferts de crédits de péréquation spécifiques accordés par le fonds d’appui à la décentralisation, de péréquation et de solidarité entre les collectivités locales financé par le budget de l’État.»
Elle a également institué le Haut Conseil des collectivités locales et créé, en son article 61, la Haute instance des finances locales (HIFL), fondée sur l’indépendance. C’est aujourd’hui chose faite, non sans difficultés comme pour tout démarrage.
Naissance au forceps
Sur l’avenue Jugurtha, le siège de la nouvelle instance s’anime. L’équipe est encore embryonnaire, mais le premier rapport (2017-2019) est d’ores et déjà publié, signe d’efficacité. Le mandat s’énonce entre neuf attributions.
Le travail porte ses premiers fruits. D’abord, l’état des lieux des 350 municipalités dont 86 sont de création récente, ainsi que des 24 conseils régionaux. Parmi les questions-clés, une répartition plus équitable et en toute indépendance des transferts financiers à travers un nouveau mécanisme dédié à l’appui à la décentralisation et à la solidarité, en proposant l’enveloppe à allouer et en définissant la clé de répartition. Il s’agit notamment de définir les moyens à même de favoriser la discrimination positive au profit des collectivités les moins nanties. «Proposer en toute objectivité et indépendance», souligne Mme Amel Elloumi Baouab.
En attendant la création du Haut conseil des collectivités locales, devant désigner ses représentants à la HIFL, composée par ailleurs de neuf 17 membres dont la présidente, il fallait s’ingénier à mettre en place un organe qui respecte les principes de gouvernance, et c’est le Conseil qui a engagé la mission. Son point de départ, c’est d’instaurer relations constructives et confiance avec les collectivités locales ainsi que les autres parties prenantes.
Des indicateurs édifiants
Les premiers constats sont édifiants. La finance locale ne représente que 4,7% du total des finances publiques. Les ressources humaines, au nombre de 32 272 agents de diverses catégories, ne sont qu’à 4% du total des agents publics.
Les chantiers sont immenses : renforcer les effectifs et les ressources, mettre en place, partout, le nouveau système comptable approprié, veiller au dispositif de contrôle, engager un système d’information et la numérisation des indicateurs de gestion et instituer l’indicateur le plus adéquat pour la mesure de l’indépendance financière. Actuellement, ce taux est de 38,8% pour l’ensemble des collectivités, avec 41,15 pour les conseils régionaux et 57,2% pour les municipalités.
Que de chemin à parcourir. Mais, à cœur vaillant… Sans lâcher prise, la HIFL est à l’œuvre. Plus encore, elle entend prendre l’initiative de contribuer aux réformes nécessaires à introduire sur l’arsenal juridique en vigueur. Pour la présidente Amel Elloumi Baouab, cette exaltante mission d’ensemble consacrera la HIFL dans son statut d’institution crédible et à valeur ajoutée.
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