Tunisie: Tous coupables !
Par Hédi Béhi - C'est à croire que la révolution est née sous une mauvaise étoile. Jour après jour, cette décennie aura été marquée par les attentats et les catastrophes en tous genres. Il ne se passe plus un jour sans qu’on n’enregistre des homicides, des braquages ou des viols. A se demander ce que cette satanée révolution a fait de notre peuple pour que notre pays devienne une véritable cour des miracles.
C’est dans ce climat anxiogène que le pays s’apprête à célébrer le dixième anniversaire de la révolution, une décennie noire où on en a vu de toutes les couleurs. On piaffait d’impatience pour avoir droit à une vie politique évoluée, fondée sur le principe des trois pouvoirs, une justice indépendante et équitable, des élections libres et transparentes, un paysage politique pluriel comme toutes les démocraties. On les a obtenues, sans bombes lacrymogènes et avec si peu de victimes, mais on en a usé et abusé.Nous n'avons pas le sens de la mesure. Quand la chose parvient à son terme, elle se retourne en son contraire, comme dit le vieux proverbe arabe.
Pendant dix ans, on a confondu liberté et anarchie au point de clochardiser l’Etat comme ce fut le cas récemment à El-Kamour et ailleurs où des brigands n’ont pas hésité à humilier les représentants de l’Etat et leur imposer des accords léonins dont ils savent qu’ils ne seront pas en mesure de les honorer. Le responsable ? Inutile de chercher un bouc émissaire. Nous sommes tous coupables : les gouvernants, les gouvernés, les élites, la presse et pour corser le tout, une classe politique surgie d'on ne sait où, qui par son incompétence, son populisme, sa corruption, a mis le pays à genoux au point de nous faire regretter l'ancien régime, malgré tous ses défauts.
Que faire alors : se résoudre au suicide collectif, tout en se faisant accompagner par un orchestre symphonique comme l’ont fait les passagers du Titanic ? Traverser la Méditerranée pour s'installer sous des cieux plus accueillants ? Le problème est que personne ne veut de nous. Là ou nous passons, nous ne laissons que de mauvais souvenirs. Et puis, ce serait de l'ingratitude envers ce pays qui nous a bien aimés au point de nous passer nos caprices que de le laisser entre les mains des nouveaux barbares, une résignation à la fatalité.
Il y a pourtant une alternative : un travail d'introspection, une catharsis, au lieu de nous confiner dans le discours victimaire et de faire endosser nos échecs aux autres. Nous avons nos faiblesses. La culture de la mort et de la violence, une propension à l'autoflagellation. Heureusement, nous avons des atouts non négligeables : un peuple homogène, une vieille tradition de pacifisme et une inclination pour les compromis.
Il est grand temps de se rssaisir. Ne nous laissons pas glisser sur la pente savonneuse du fatalisme, purifions-nous de nos passions. On sauvera la révolution.
Hédi Béhi