Dossier • Palestine - Israël: Un conflit de 100 ans
Par Samir Gharbi - L’idéologie sioniste est née de la répression féroce subie par les Juifs européens durant plusieurs siècles. Elle se nourrit depuis plus de 100 ans de sa haine des... Palestiniens. Retour sur une tragédie humaine et une grande injustice.
Quand le serpent se mord la queue
L’idée était initialement de traiter la démographie de ce territoire à deux Etats ou à double identité qui est en fait triple, car il faut compter les Arabes chrétiens qui se battent eux aussi pour leurs droits historiques pas en termes d’Etat mais d’espace (préserver leurs lieux sacrés de culte et leurs biens immobiliers), même si leur combat est discret entre les trois parties prenantes (l’Etat hébreu et ses organisations religieuses contre le Vatican et l’Etat français qui possèdent des droits historiques à Jérusalem).
Très vite, je me suis aperçu que je ne pouvais déconnecter la démographie et son évolution de l’histoire mouvementée de ce territoire (toute la Palestine) qui est passé sous la coupe de plusieurs colonisateurs ou envahisseurs : les Egyptiens (à l époque des Pharaons), les Assyriens, les Babyloniens, les Romains, les Byzantins, les Ottomans, les Arabes, les Britanniques… Habité à ses origines par les Philistins et les Phéniciens, des tribus nomades, des commerçants de passage, qui n’adoraient pas un dieu unique, le territoire voit sa physionomie se modifier avec l’émergence de la première religion monothéiste : la religion juive.
Plusieurs tribus se convertissent à cette nouvelle croyance, elles se battent contre les païens, elles fondent des mini-royaumes. Elles sont attaquées par des ennemis païens qui les obligent à se disperser. Certains iront en Egypte, pays prospère à l’époque, pour fuir la misère et propager leur religion et leurs pratiques. La Palestine se vide de ses Juifs vers le 5e siècle avant l’ère chrétienne. Puis des Juifs fuyant la persécution en Egypte reviennent disent-ils à la Terre que leur Dieu leur a promise. C’est la parole d’une infime minorité —15 millions de croyants, dont grosso modo 6 millions en Israël et 6 millions aux Etats-Unis— contre celle du monde entier non juif (7,7 milliards de croyants et non croyants).
Les Juifs d’Egypte reviennent en Palestine et se remobilisent. L’un deux, Jésus, sortira des rangs et lancera, à l’appel de Dieu, une nouvelle religion: le Christianisme, dont le succès est fulgurant. Les Juifs sont réduits et finissent de nouveau par être dispersés par les nouveaux chrétiens, les Romains puis les Byzantins. Ils iront s’établir dans le Vieux monde, l’Europe, le nouveau monde n’étant pas encore connu, l’Amérique…
Les générations passent, les identités nationales juives se multiplient : Russe, Polonais, Roumains, Français, Allemand, Autrichien, Italien, Américain, Canadien, Chilien, Argentin… Chacun sa culture, chacun sa langue, même si tous gardent la même religion. Il vint un moment où les Européens les prennent en grippe : ils commencent à les maltraiter, à la persécuter, à les isoler dans des quartiers bien précis, puis à les spolier et à les tuer (pogroms). Vers la fin du 19e siècle, l’élite juive commence à se réveiller et à vouloir exister non plus au sein de plusieurs Etats mais dans un seul Etat, un Etat bien à eux : de cette idée est né le mouvement sioniste (Retour à Sion, Aliyah). Les Juifs du monde entier se mobilisent pour financer, organiser, vulgariser l’idée, la propage...
Une idée qui plaît évidemment aux Européens. Dont certains diront même «Bon débarras aux Feuj». L’antisémitisme, ce ne sont pas les Musulmans qui l’ont inventé, ce sont les Européens. L’expulsion des Juifs de Palestine, ce ne sont pas les Musulmans qui l’ont orchestrée, mais les Romains, les Byzantins… Le roi perse les avait même aidés et encouragés à revenir quand ils étaient à Bagdad… L’Histoire, quand on ne la falsifie pas, elle parle la vérité. Les Arabes palestiniens des années 1900, de 1948, de 1967, de 1973… ont été les victimes des nouveaux venus après deux mille ans d’absence…Des Juifs mal éclairés disent, dans leur propagande, que les Palestiniens n’existaient pas en Palestine, mais qu’ils sont venus d’ailleurs… Drôle de façon de faire retourner les événements… Mais cette propagande pénètre dans le cerveau des Européens qui considèrent les Juifs « victimes» non pas de leurs frères européens, mais des Arabes qui les avaient accueillis à bras ouverts quand ils étaient chassés d’Espagne par les reines et les rois catholiques, entre autres.
Bref, dotés de moyens financiers et humains conséquents, les premiers sionistes organisent méthodiquement, inlassablement, le retour progressif de leurs congénères en Palestine, « un pays sans peuple pour un peuple sans terre », un slogan qui aura la vie dure. Alors que tout le monde sait bien – les Chrétiens en premier – que la Palestine n’est pas restée « vide » avec la dispersion historique des Juifs. Oui, la Palestine a continué de vivre avec ses peuples anciens enracinés dans leurs terroirs (juifs, chrétiens, arabes) autour de leur ville Jérusalem trois fois sainte par ses trois religions monothéistes, et pas seulement par la première d’entre elles, la religion hébraïque.
(A suivre)
Samir Gharbi
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