Tout sur le projet de décret-loi ''solidarité nationale et soutien aux entreprises''
Le gouvernement planche actuellement sur un projet de décret-loi portant mesures de renforcement des bases de la solidarité nationale et de soutien des entreprises lésées des répercussions de la propagation du coronavirus Covid-19. Le texte en projet doit être examiné en conseil des ministres, prévu ce jeudi 21 mai en début d’après-midi. Selon une version qui circule dans des cercles initiés, le décret-loi porterait notamment sur :
- une baisse du taux du premier acompte provisionnel en le ramenant de 30% à 15% pour les entreprises lésées,
- l’enregistrement des contrats d’acquisition des logements auprès des promoteurs immobiliers dont le prix ne dépasse pas 500.000 DT au droit fixe,
- l’amnistie de change et du cash, et
- l’augmentation des taux de retenue à la source sur les dividendes distribués et les revenus des dépôts à terme.
En attendant la publication au Journal Officiel du texte final du décret-loi tel qu’il sera adopté en conseil des ministres et dument signé par le chef du gouvernement, Leaders a sollicité des spécialistes les invitant à faire part à nos lecteurs des premières remarques ainsi que de leurs constations sur la base du projet en circulation.
1- Au niveau du fondement du décret-loi
La procuration donnée par la loi 2020-19 du 12 avril 2020 a habilité le gouvernement à prendre des décrets-lois dont l’objectif est de faire face aux répercussions de la propagation du Coronavirus Covid-19
Le présent projet de décret-loi comprend une série de mesures qui n’ont aucun lien avec les répercussions du Covid-19Ces mesures visent plutôt :
- la mobilisation de ressources supplémentaires pour couvrir un besoin résultant du décalage entre les prévisions (surestimées) et les réalisations.
- La réconciliation avec les opérateurs du secteur informel à travers l’institution d’une amnistie de cash et une amnistie de change
- La clarification de certaines dispositions ambigües ayant donné lieu à des difficultés d’application, en l’occurrence la notion de restructuration prévue par l’article 15 de la loi transversale
Ce n’est pas en indiquant dans chaque article que la mesure est prise pour faire face aux répercussions de la prorogation du coronavirus (COVID 19), qu’on peut justifier le recours à ladite mesure en conformité avec les dispositions de l’article 1er de loi 2020-19 et établir le lien entre la mesure et les répercussions de la prorogation du coronavirus (COVID 19).
Les dispositions qui nous paraissent sans lien avec les répercussions de la prorogation du coronavirus (COVID 19), et ne pouvant pas par conséquent être prises dans un décret-loi sont prévues par les articles 4 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 11 ; 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16 ; 17 ; 18 ; 19 ; 21 et 22.
Seuls les dispositions des articles 1er ; 2 ; 3 ; 5 ; 10 ; 20 et 23 peuvent être prévues dans le cadre du décret-loi.
2- Au niveau des dispositions
2.1 – Article 4 : Baisse du taux du premier acompte provisionnel en le ramenant de 30% à 15% pour les entreprises lésées.
Ces entreprises ne peuvent en aucun cas réaliser des bénéfices au titre de l’année 2020, leur demander un acompte sur l’impôt sur les bénéfices de 2020, calculés sur ceux de 2019, est réellement insensé. Il faut carrément supprimer les deux acomptes et ne garder que le troisième si une situation intermédiaire fait apparaitre un bénéfice de la période au titre de 2020.
2.2 – Article 9 : Enregistrement des contrats d’acquisition des logements auprès des promoteurs immobiliers dont le prix ne dépasse pas 500.000 DT au droit fixe
Cette mesure sera appliquée selon l’article 9 du décret-loi à partir du premier octobre 2020, cela signifie que les promoteurs connaitront au arrêt total des ventes de la date de publication du décret-loi jusqu’au 30 septembre 2020.
Aussi le plafond du prix de vente (442 MDT hors TVA) ne permet pas de dynamiser le marché de l’immobilier comme il se doit.
2.3 – Les amnisties de change et du Cash
Outre le fait que ces mesures ne peuvent pas être prises dans le cadre d’un décret-loi, il y a lieu de signaler que :
- Ces mesures peuvent conduire vers un retour à la liste noire du GAFI, il n’est rien prévu en ce qui concerne les dispositions à prendre pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une opération de blanchiment, la seule déclaration sur l’honneur ne répond pas aux exigences de diligences minimales prévues par le GAFI.
- Ces mesures ne prévoient pas le sort des fonds déposés, les conditions de leur utilisation, les sanctions en cas de non respect des dispositions la régissant, les modalités d’ouverture de compte et de retenue à opérer par les banques.
2.4- Article 20 : Augmentation des taux de retenue à la source sur les dividendes distribués et les revenus des dépôts à terme
Ces augmentations vont affecter négativement l’épargne. La retenue à la source sur les dividendes qui passera de 10% à 15% sera appliquée pour les distributions faites à partir de la date de publication du décret-loi. Autrement dit les dividendes déjà distribués en 2020 ont subi une retenue à la source de 10%, ceux distribués (en 2020 également) après la date de publication du décret-loi seront soumis à une retenue à la source de 15%. Ce qui est insensé et injustifié.
Aussi, la retenue à la source libératoire de 35% sur les dépôts à terme, mettra fin à un instrument financier ô combien important qu’est les SICAV.