COVID-19: Sous nos cieux, Il y aurait lieu d'être rassuré…
Je suis animé par une envie de comprendre ce qui se passe, mais surtout par un besoin quasi irrépressible de rassurer, par le truchement de mon humble expertise, le plus grand nombre de personnes, entre autres celles averties et sensibles aux argumentations rationnelles et scientifiques autour de cette maladie, aux contours flous et très peu maîtrisés.
Je me suis lancé à détecter, compiler et surtout à analyser statistiquement un certain nombre de facteurs et de paramètres explicatifs de ce phénomène nouveau qui nous inquiète.
Ces constats sont soit inspirés soit corroborés par des études et des données scientifiques plus ou moins récentes sur le sujet, des données de l'OMS, etc...).
Sans vouloir être dans un déterminisme exclusif du phénomène, les variables exposées ci-dessous sont de nature à agir très probablement fortement sur la propagation rapide et l'évolution de la pathologie ; l'actualité le démontre de jour en jour.
Cette synthèse émane d'une réflexion évolutive menée depuis quasiment le début du confinement le 22 mars 2020 dernier.
L'impact climatique et environnemental
Il m'a paru d'emblée qu'une certaine corrélation/redondance était frappante entre les grands incendies de végétation en Australie et l'émergence d'épidémies souvent postérieures de quelques mois à ces derniers, je cite comme exemples des 20 dernières années :
Entre fin 2001 et début 2003: près de 2 millions d'hectares de végétation brûlés : émergence du SRAS en Chine.
Fin 2006: près de 2 millions d'hectares de végétation brûlés: forte vague grippale en Europe.
Début 2009: près de 2 millions d'hectares de végétation brûlés: émergence du H1N1.
Entre fin 2011 et début 2012: plus de 800.000 hectares brûlés: émergence du MERS-CoV.
Fin 2019: 20 millions d'hectares ravagés (l'équivalent de 2 fois la superficie de l'Islande), près de 1 milliard d'animaux décimés.
En effet, la littérature scientifique a déjà établi que la déforestation était l'un des facteurs favorisant l'émergence de virus et surtout leur propagation via des vecteurs comme les particules fines, le dioxyde d'azote, la charge carbonée,...
Les conséquences climatiques du denier épisode Australien ont à mon avis été ressenties au début de cette année 2020, avec un anticyclone des Açores qui a duré plus 50 jours, et un mois de février qui a été le moins pluvieux et le plus chaud sur la station de Tunis depuis 17 ans c.a.d. depuis 2002.
La pollution, certainement exacerbée par cet incendie couplé aux vents dominants à l'échelle du globe, mais surtout par le dérèglement climatique et les facteurs endogènes propres à chaque pays, a certainement joué un rôle majeur dans la propagation du covid-19 (comme le souligne une étude Italienne récente à ce sujet concernant la région Lombarde).
Une étude de l'Université de Harvard publiée le 07 avril 2020 considère que Manhattan aurait pu éviter 248 décès liés au virus si le territoire avait réduit sa pollution aux PM 2.5 (les plus petites particules) d'un microgramme par mètre cube d'air sur les 20 dernières années.
En dehors de la ville de Wuhan, si on se penche sur les villes de Mulhouse, Madrid, Qom et Bergame, véritables foyers qui ont certainement enregistré à eux quatre près de 30.000 décès, on constate la présence de communs géographiques, à savoir un caractère continental, haut (altitude >250 mètres au dessus du niveau marin), encaissé et entouré de montagnes, avec une hydrographie particulière (fleuves ou lacs). L'altitude et l'hydrographie agissant très probablement sur les facteurs température & humidité impliqués dans la propagation virale.
Fait surprenant, ces monts et montagnes (jouant le rôle de barrière et donc de piégeage des particules) sont toujours situés au nord-est de la ville (Massif des Vosges pour Mulhouse, les Alpes pour Bergamo , la Sierra de Guadarrama pour Madrid et les monts Zagros pour Qom), comme si les vents dominants propulseurs venaient du sud-est c.ad. d'Asie.
L'autre commun de ces 4 villes est bien sûr un territoire particulièrement pollué (déjà par le caractère industriel respectif) avec des pics enregistrés en l'occurrence en décembre 2019 (les écoles ont été fermées vers le 15 décembre 2019 à Téhéran à cause de l'air irrespirable). La ville de Bucarest a récemment rejoint un taux galopant de mortalité pour ces mêmes raisons (encaissée par les Carpates, polluée).
A cela s'ajoute naturellement l'effet patent du mouvement des hommes sur la propagation et la contamination. Le mouvement aérien mondial a connu un boom entre 2009 et 2019 (plus de 100% d'accroissement du nombre de passagers contre seulement 45% entre 1999 et 2009).
L'impact des spécificités-pays
Il est aussi à constater que 12 pays sont en train, de façon récurrente, de totaliser plus de 80% du total mondial des décès) avec surtout les plus forts taux de mortalité (nombre de décès par rapport à la population) : Italie, Espagne, France, Royaume-Uni, Allemagne, USA, Norvège, Suisse, Suède, Pays-Bas, Autriche et la Belgique.
Ces pays en particulier, tous à revenu élevé (plus de 3000 dollars de revenu mensuel moyen par habitant) connaissent ces dernières années une montée de la mortalité due aux broncho-pneumopathies chroniques & infections des voies respiratoires basses (données OMS : 175 décès pour 100.000 habitants contre 100 décès pour 100.000 pour les pays à revenu faible et intermédiaire). Le cas Algérien est malheureusement particulièrement concerné par ces pathologies (un rapport de l'OMS a déjà publié en septembre 2016 un rapport inquiétant sur la qualité de l'air en Algérie).
Dans ces 12 pays occidentaux, des facteurs objectifs sont bien sûr en cause comme le tabagisme, le mode de vie souvent citadin et sédentaire, une alimentation riche et déséquilibrée engendrant souvent une obésité.
Un autre phénomène semble également toucher ces pays, à savoir l'antibio-résistance (l'apparition de ''superbactéries" multirésistantes) due, entre autres, à un recours excessif aux antibiotiques en santé humaine & animale (c'est en particulier le cas de l'Espagne & l'Italie, notamment en agriculture et donc en alimentation).
Sur un autre registre, une étude toute récente (Institut Pasteur de Lille & Inrae, mars 2020) met l'accent sur la relation entre le microbiote intestinal (micro-organismes qui colonisent notre intestin) et l'état grippal, en ce sens qu'une alimentation riche en fibres (légumes & fruits, mais aussi aliments fermentés et légumineuses) pourrait aider à avoir une meilleure immunité pulmonaire en cas de surinfection bactérienne grippale (tableau qui doit être fréquent pour covid19) via la molécule d'acétate présente dans ces aliments. Des pays privilégiant ce genre de nourriture comme le Japon et la Grèce par exemple, voire même l'Italie du sud et l'Andalousie sont à l'heure actuelle plus ou moins épargnés (La Grèce est l'un des pays européens les moins touchés).
Par ailleurs, des pays d'Amérique latine connaissent des comportements opposés bien que géographiquement voisins, je cite le cas du Costa Rica (pays résilient du point de vue de la biodiversité et de la vitalité écologique) qui enregistre 2 décès (5 millions d'habitants) et l'Equateur (avec un taux d'antibio-résistance élevé et une pollution avérée) avec 220 décès (17 millions d'habitants). A cet égard l'hémisphère-sud beaucoup moins polluant (et globalement plus résilient) semble jusque-là moins touché.
Sur 12 pays d'Europe occidentale (y compris les pays nordiques), plus l'indice de résilience (indicateur calculé chaque année par l'Université américaine de Yale pour juger de l'état de santé environnementale d'un pays) du territoire est élevé moindre est la mortalité causée par covid-19. Egalement la faible démographie minimisant la multi-contamination semble privilégier les pays nordiques et l'Irlande (moins peuplés que les autres, autour de 5 à 6 millions d'habitants).
Pour illustrer encore cet effet de l'environnement, on note à ce jour (le 08 avril 2020) un taux de mortalité de Tunisiens de la diaspora basée en France et en Italie qui est au moins dix fois plus important que le taux national.
Pour conclure, je pense qu'au regard de ces constats, il y a lieu d'être optimiste.
la Tunisie présente à ce jour un taux de mortalité (nombre de décès par rapport à la population, taux permettant une comparaison inter-pays plus fiable étant donnée l'inégalité au niveau des tests de détection) de 0.22% contre une moyenne mondiale de près de 5% (c.a.d. 5 décès pour 100.000 habitants). De plus, dotée somme toute d'un bon mix entre un système de santé jugé comme le 2ème meilleur en Afrique (après l'Afrique du sud) et d'un indice de performance environnementale satisfaisant (38ème sur 180 pays au classement de l'Université de Yale en termes de santé environnementale), elle sera inch Allah en mesure d'endiguer cette pandémie.
A travers ce micro-organisme, la planète nous lance certainement un SOS pour dire "Je ne suis pas votre apanage, alors calmez-vous !
Mourad Ben Slama
Docteur en Sciences Alimentaires
Statisticien - Enseignant-chercheur à l'Insat - Tunis