Mohamed Ali Chihi: Arrêtons de stigmatiser les Tunisiens à l'étranger
Maintenant que les esprits se sont calmés, après les récentes attaques verbales à l'encontre des binationaux tunisiens, il est temps de mettre un terme à cette polémique et rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Pourquoi continuer à stigmatiser nos compatriotes résidents à l'étranger en se fondant sur des clichés erronés et des préjugés véhiculés dans notre mémoire collective depuis plusieurs décennies. Pour quelle raison nous les accusons de tous les maux et faisons fi de leur contribution très bénéfique aux efforts de développement de notre pays. Arrêtons donc de douter de leur patriotisme et de les blesser dans leur amour propre. Il est nécessaire de chasser définitivement cette image négative des esprits et de réhabiliter nos compatriotes de l'étranger en les reconnaissant à leur juste valeur. Nous devons comprendre, une fois pour toute, que les Tunisiens à l'étranger sont de vrais patriotes. Qu'ils soient musulmans, juifs ou chrétiens, ils partagent tous un énorme amour pour La Tunisie. Faut-il rappeler, à juste titre, que les transferts de nos concitoyens ont atteint près de cinq milliards de dinars en 2017, soit à peu près cinq pour cent du PIB et représentaient la quatrième source de devises pour l'économie nationale.
Cette récente polémique à propos de notre diaspora doit nous pousser à repenser notre politique vis-à-vis de nos concitoyens à l'étranger. Nous ne pouvons plus nous servir d'une approche caduque qui a montré ses limites et ses incohérences. Il faut arrêter de considérer le Tunisien de l'étranger comme une vache à lait et ne voir en lui qu'une source de devises. Il impératif de renforcer nos liens avec la deuxième et troisième génération de notre diaspora et éviter les offenses par des mesures absurdes. Sinon, comment leur expliquer les tarifs exorbitants pratiqués par nos compagnies nationales de transport lors de la période des congés et le coût surréaliste des transferts d'argent imposé par nos banques.
La nouvelle approche devra évidemment prendre en compte la transmutation de notre diaspora , l'évolution des statistiques liés aux flux migratoires des tunisiens vers l'étranger et les nouvelles destinations de ces flux. En effet, le profil des cinquante mille immigrés tunisiens qui quittent annuellement d'une façon légale notre pays et choisissent de s'installer ailleurs, est différent du profil des premiers immigrés partis vers la France et l'Allemagne dans les années soixante et soixante-dix.
D'autre part, il est primordial d'adopter une nouvelle stratégie pour nouer des liens avec nos compétences résidants à l'étranger à l'effet de les impliquer davantage dans les prises de décisions et les choix stratégiques du pays. Ces compétences, dont certaines occupent des postes politiques et économiques très importants dans leurs pays d'accueil, peuvent jouer un rôle majeur dans la consolidation des liens de la Tunisie avec ces pays. Il est de notre devoir de les encourager et de les aider à s'intégrer davantage dans leurs milieux socioprofessionnels et gravir les échelons politiques et sociaux pour qu'ils puissent mieux contribuer à l'effort national de développement. Les actions liées au lobbying moderne de notre pays au niveau international doivent reposer impérativement sur un rôle prépondérant de nos concitoyens résidants à l'étranger.
L'office des tunisiens à l'étranger, qui joue un rôle important dans ce domaine, a besoin de plus de moyens pour mettre en œuvre une approche plus ambitieuse en la matière. Il est vrai, qu'un grand pas a été franchi par la création du conseil national des tunisiens à l'étranger mais le chemin est encore très long. Il est temps d'entamer une vraie démarche collective pour arriver à une réconciliation définitive avec nos concitoyens de l'étranger.
Mohamed Ali Chihi
Membre de l'association Tunisian Smart Cities
Chargé de la diplomatie citoyenne et de la diaspora