Riadh Zghal: Questions à Mansour Moalla au sujet de son livre « Sortie de crise » (Photos et Vidéo)
J’aimerais tout d’abord poser ces questions à si Mansour:
• Vous utilisez souvent le mot courage dans vos articles. On peut en déduire que des forces adverses s’opposent à la prise des bonnes décisions. Quelles sont aujourd’hui ces forces adverses ? Sont-elles maîtrisables ?
• Que pensez-vous de l’absence de leadership encadrant le mouvement de révolte de 2011 et la période de transition que l’on vit depuis?
• « on s’est préoccupé de politique » écrivez-vous, mais ne pensez-vous pas que c’est une approche juridique qui a plutôt dominé, que la préoccupation par les formes politiques dans l’ignorance des forces politiques en présence qui est à l’origine de la crise économique et sociale qui dure en s’aggravant?
• Après le juridisme dont le paradigme fallacieux qui consiste à croire que « l’on peut changer la société par décret », voilà que se profile à l’horizon une vague d’économisme. Cela peut-il réussir à endiguer la crise au moment où la société et les partis sont en effervescence, aux prises avec leurs conflictualités, sans pouvoir dépasser les rancœurs tues durant des décennies ni apprivoiser les égos démesurés des acteurs politiques et faire prévaloir le commun dans l’action politique?
• Comment, à votre avis, attaquer, aujourd’hui, conjointement les problèmes d’ordre institutionnel, économique en tenant compte de la complexité du paysage sociologique?
La lecture de votre livre « Sortie de crise et union nationale. Pourquoi et comment ? » m’a motivée à revenir à votre précédent livre « De l’indépendance à la révolution. Système politique et développement économique ». Ce que je constate c’est que votre approche, sans que vous la nommiez expressément, est une approche systémique car, en abordant les questions de développement, ou en relatant votre illustre trajectoire, vous associez l’économique, au politique, au culturel et au philosophique dans sa dimension éthique. J’aimerais ici relever quelques uns de vos propos dans ce livre :
• Le régionalisme : « je détestais le régionalisme exacerbé… Les Sfaxiens dont j’étais étaient tolérés, les gens du Sud et de l’Ouest le « quart monde » tunisien, étaient ignorés ou presque » pp. 235 et 323
• Le développement rural : « de 1973 à 1981 création ou amélioration de 133.000 emplois grâce au PDR » p. 226
• La reconnaissance : « Il est vrai que « se souvenir » et respecter la mémoire des anciens n’est ni dans les mœurs ni dans la tradition tunisiennes. On ne cultive pas le sentiment de reconnaissance. Le réflexe le plus fréquent est plutôt d’effacer le passé pour se mettre en valeur, surtout lorsqu’on n’en a guère ou peu. C’est vrai dans le pays, dans les entreprises, dans les familles. » p.322
• La création de l’IACE : « Je venais de sortir d’une période politique tumultueuse et je connais la puissance destructrice de la politique dite politicienne. Il fallait à tout prix éloigner le plus possible le futur institut de toute agitation. » p. 345
• L’obligation de démissionner : (21 mai 1993) « Je suis ainsi dépouillé de tout. Je dois dire que j’ai tenu le coup au milieu de cette tempête. Je n’étais pas particulièrement triste, quelque peu ému et c’est normal. Je n’aurai pas en tout cas de dépression nerveuse, par orgueil peut-être, en me disant que ma liberté et mon indépendance valent plus et mieux que toutes les fonctions dont on vient de me délester. » p. 356
• L’indépendance : « On me reproche d’avoir fait publier par les éditions Cerès ma thèse de Doctorat en droit sur « L’Etat tunisien et l’Indépendance » … où je démontrai, contrairement à la doctrine soutenue par beaucoup que l’Etat tunisien et l’indépendance n’ont existé que depuis la fin du protectorat français en 1956, que la Tunisie au contraire a su préserver son indépendance depuis la lutte héroïque de Carthage contre l’impérialisme romain et que la fin du protectorat n’est qu’une des restaurations multiples de l’indépendance durant le trois millénaires contre Rome puis contre Damas, Baghdad, Le Caire, Marrakech, les Espagnols, les Turcs…pour reconstituer chaque fois un Etat indépendant, aghlabide, fatimide, ziride, hafside, husseinite et républicain. » p.357-358
Ce sont des passages que j’avais marqués en lisant votre livre dès sa parution.
Merci si Mansour pour tout ce que vous avez fait pour notre pays, merci de toutes les institutions que vous avez créées, merci de votre sensibilité pour le monde rural qui nous nourrit et la politique que vous avez initiée en sa faveur, merci de vos analyses et recommandations si pertinentes pour ceux qui les écoutent, merci d’avoir consigné et partagé votre riche expérience avec le grand public et bien d’autres choses encore…
Riadh Zghal
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