Opinions - 26.08.2010

Je suis et je serai de tous les combats qui font progresser l'égalité entre les sexes

Le 2 juillet 2010, l’Assemblée Générale des Nations Unies a acclamé à l’unanimité la création de la nouvelle entité «ONU Femmes» qui n’honore pas seulement les femmes mais l’humanité toute entière.

La fusion de plusieurs programmes et fonds dédiés à l’égalité entre les sexes ne peut que renforcer l’action de l’ONU et permettre une vision commune pour la cause des femmes. Nous connaissons les progrès faits, au cours du mandat de Monsieur Ban Ki-moon, pour l’autonomisation des femmes et surtout son engagement à éradiquer les fléaux qui portent atteinte aux droits élémentaires de la femme tels que stipulés par la Charte des Nations Unis sur les droits de l’homme.

C’est pour me joindre à ces efforts, que je me présente avec l’appui du gouvernement tunisien, au poste de secrétaire générale adjointe de «ONU Femmes».

Mon pays, la Tunisie, est un pays musulman moderne et tolérant qui a fait son développement en intégrant les femmes dans tous les secteurs de développement, en se basant sur un code du statut personnel qui a consacré l’égalité entre les sexes dès 1956. Notre voeu aujourd’hui, c’est que d’autres pays suivent cet exemple.

J’ai moi même lors de mes mandats de responsable politique, scientifique et associatif contribué à lever de nombreux obstacles qui, du fait des mentalités ou des enjeux de pouvoir, empêchaient la pleine participation des femmes.

En tant que médecin, la santé maternelle et infantile a toujours été ma priorité. Je suis une militante de terrain qui a consacré une partie de sa vie à se mobiliser pour un meilleur accès des femmes tunisiennes, africaines et arabes et de leurs enfants aux services des soins de santé de base.

Mon action en tant que première responsable de l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP), institution que je dirige actuellement est de réduire les inégalités d’accès des femmes aux services de santé de la reproduction, de lutter contre la mortalité maternelle tant en Tunisie que dans les pays d’Afrique sub-saharienne où j’ai mené de nombreux programmes dont celui au Niger qui a été considéré par la Banque Mondiale comme « un modèle à suivre ».

En tant que Secrétaire d’Etat à la femme, j’ai pu donner plus d’ampleur à mon action militante auprès des femmes et agit sur les fondements même du statut de la femme en formulant une politique ayant abouti à de nombreuses mesures législatives qui ont amélioré le code de statut personnel de1956, en attribuant plus de droits aux femmes en matière de tutelle, de garde de leurs enfants, de nationalité et en créant un fonds de garantie au profit des femmes divorcées. De même, j’ai contribué à faire adopter une loi sur le harcèlement sexuel et un programme national de lutte contre la violence à l’égard des femmes.

Au niveau institutionnel, j’ai appelé à la création du Centre tunisien de recherche et de documentation sur la femme (CREDIF), ainsi qu’a l’intégration de programmes pour les femmes dans les plans de développement socioéconomiques du pays adoptant une approche basée sur le genre.

Cependant, les inégalités restent profondément ancrées dans les mentalités, en Tunisie et dans le monde.

Comme l’a souligné le 2 juillet dernier, M. Ban Ki-moon, la mortalité maternelle constitue une véritable honte pour l’humanité. Ayant moi-même parcouru les villages et enquêté sur les causes de cette mortalité, je pense que la mort d’une femme en couche n’est pas une fatalité, les solutions existent pour que chaque femme vive sa maternité sans risques. Il faut que la communauté mondiale apporte la contribution nécessaire à la baisse substantielle de ce fléau.

Je me réjouis des résultats du dernier Sommet du G8 tenu à Muskoka les 25 et 26 juin 2010 au cours duquel les dirigeants de ces pays se sont mobilisés pour apporter des engagements financiers permettant aux pays en développement d’améliorer la santé maternelle, néonatale et infantile.

Le sommet de l’Union Africaine à Kampala en juillet 2010 a été aussi une étape clé par l’engagement des pays africains à atteindre les objectifs 4 et 5 des OMD pour chaque pays. La Tunisie a au cours de ce sommet réitéré sa disposition à mettre son expérience au profit de ces pays.

De même, stopper le fléau de la violence serait à notre portée, si homme et femme, d’intelligence, conscients qu’il s’agit là d’un droit élémentaire inscrit dans la charte des droits de l’homme, se solidarisaient pour dire non à cette injustice, cette question ne demande pas tant des fonds complémentaires qu’une véritable stratégie de mobilisation à l’échelle mondiale, dans laquelle les organisations non gouvernementales joueraient un rôle clé. Les gouvernements seraient a cette fin, encouragés à voter des lois pour empêcher l’impunité de cet acte.

C’est en renforçant l’implication des femmes dans le domaine économique et en favorisant leur insertion dans les secteurs compétitifs, qu’elles gagneraient leur autonomie. Car des femmes trop pauvres ou économiquement exploitées ne pourront empêcher les discriminations qu’elles subissent.

Des réformes conduisant à des mesures incitatives pour l’intégration des femmes dans les sphères de décision politique pourront contribuer à apporter des changements substantiels à la condition des femmes dans le monde.

Consciente de l’importance de l’implication des femmes dans la vie associative pour le renforcement de ces acquis, je soutiens sans faille l’action des ONGs et agis pour leur intégration effective dans la dynamique de promotion des femmes et leur autonomisation.

Pédiatre, chargée de la pédiatrie préventive et sociale à l’université de Tunis, j’ai très tôt pris conscience du sort réservé dans les pays en développement aux petites filles (leur mortalité est plus élevée) et aux jeunes filles (sorties trop tôt de l’école, ou exploitées sexuellement). J’ai initié l’enseignement de l’adolescentologie et je viens de créer des centres de services de santé sexuelle et reproductive pour les jeunes dans tous le pays y compris dans les régions les plus reculées. Ces centres dispensent des consultations médicales mais aussi d’écoute et de guidance. Les jeunes filles sont les plus nombreuses à les fréquenter. Elles y trouvent soins et réconfort.

Issue d’un pays musulman qui a su démontrer qu’on peut faire avancer les lois vers l’égalité en se basant sur l’Islam, appartenant à une société tolérante et modérée, j’ai compris que nos jeunes filles et nos femmes ne doivent pas rester au banc de la modernité. Ce n’était pas facile de faire adopter ces politiques, mais progressivement j’obtenais un large consensus grâce à la négociation, au dialogue, et au renforcement des groupes favorables à ces politiques parmi lesquels on compte des leaders religieux ainsi que de nombreux journalistes.

Je suis et je serais de tous les combats qui font progresser l’égalité entre les sexes.

Les plaidoyers que j’ai mené de part le monde en tant que présidente du partenariat Sud-Sud en direction de l’exécutif, du législatif, des médias et des professionnels, ont abouti à la mobilisation de fonds importants.

C’est avec ces financements que j’ai pu contribuer en partenariat avec plusieurs instances gouvernementales et non gouvernementales, à la formulation de politiques globales et à la mise en oeuvre de programmes favorables aux femmes.

Mon combat à la tête d’«ONU Femmes» consacrera beaucoup de temps à l’écoute de tous les acteurs favorables à l’éradication des discriminations dans le monde.

La lutte contre la violence sera au centre de mon action, celle commise à l’égard des femmes dans des situations de conflits aura ma priorité. En effet si la guerre est injuste, ses conséquences sur la situation de la famille et en particulier sur les femmes sont si intolérables que l’on ne peut accepter que s’y ajoutent, des actes horribles tels que les abus sexuels ou les maltraitances physiques et morales.

Je serais à l’écoute de l’équipe et ferais beaucoup d’efforts pour faire de «ONU Femmes», l’axe le plus solide d’un réseau de solidarité qui devra se tisser progressivement pour mieux lutter contre les discriminations à l’égard des femmes.

Je laisserais l’initiative s’exprimer là où elle naît, pourvu qu’elle aboutisse à des résultats concrets en faveur de la cause des femmes. Je serai à la recherche des «success stories» et ferais en sorte que les bonnes pratiques soient partagées conformément à mon engagement dans la promotion du partenariat Sud-Sud.

A ce poste, j’apporterais l’expérience acquise dans l’établissement d’un dialogue et d’un large consensus pour atteindre des objectifs communs impliquant tous les acteurs, de la base communautaire jusqu’au plus haut niveau de décision en passant par la société civile, les experts et les professionnels et ce afin d’ouvrir la voie et de permettre à «ONU Femmes» de relever les défis.

Je peux vous assurer que si le choix de Monsieur Ban Ki-moon considérait ma candidature comme la plus appropriée pour ce poste, mon mandat en tant que secrétaire générale adjointe de «ONU Femmes», serait des plus avantageux pour la cause des femmes et nous aurons ainsi contribué à l’avancement de nos sociétés.

Il saura aussi démontrer, par son choix, qu’une femme issue d’un pays en développement, africain, arabe et musulman, peut être à la tête d’une Institution oeuvrant pour l’égalité entre les hommes et les femmes partout dans le monde.

Nebiha Gueddana