News - 18.08.2010

25 heures de pub sur les 4 chaînes Tv tunisiennes durant la 1ère semaine du ramadan: l'overdose

Course à l’audience, quitte à bousculer les us et coutumes et heurter quelques sensibilités,  course aux annonceurs avec des packs massifs en promo, unique moyen de survie et adieu les campagnes d’intérêt public pour l’économie d’énergie et autres nobles causes : les quatre chaînes TV tunisiennes, publiques et privées n’y sont pas allées d’une main morte ce ramadan. Rien que durant les 7 premiers jours, Canal 7, Canal 21, Hannibal TV et Nessma TV ont totalisé pas moins de 25heures 27 minutes de publicité. Soit près de 3H30 par jour entre écrans classiques et sponsoring.

Les estimations présentées en exclusivité pour Leaders par Médiascan, pionnier en Tunisie de la mesure d’audience et des études médias, et en exclusivité Leaders également par son challenger Sigma Conseils, ne signalent pas de grands écarts significatifs. Juste près de 500 000 D en recettes, 26 minutes de diffusion et 170 spot de différence.

Pour Médiascan, les 4 chaines ont engrangé 3967 spots de divers formats, totalisant 90981 secondes et générant des recettes publicitaires théoriques de 11 977 929 Dinars (HT). Seul le dépouillement final, après le ramadan, des ordres de passages et des factures établira les investissements publicitaires (IP) effectifs consentis par les annonceurs.

Les premières estimations recueillies accordent 41% des recettes à la chaine historique (Canal 7), avec de bonnes percées pour Hannibal TV (35%) et Nessma (21%). Seule Canal 7 demeure pénalisée malgré la qualité de sa programmation, ne récoltant que 7% des IP.

Chaînes             Nbr des passages        %      Total durée en secondes      %           Budget théorique avec  sponsoring     %

Tunisie 21            110                                 3%      2854                                         3%           371 338                                                    3%
Hannibal Tv        1117                              30%    28518                                       31%       4 163 244                                                  35%
Nessma Tv         1366                              37%    30880                                       34%       2 553 252                                                  21%
Tunis 7                 1104                             30%    28729                                       32%       4 890 095                                                   41%
Total général      3697                           100%    90981                                     100%     11 977 929                                                 100%
 
Que faut-il retenir de ces estimations ? D’abord, face à la massification de l’audience TV durant le ramadan, les annonceurs croient, fautes d’outils scientifiques modernes de médiaplanning, profiter de cette aubaine pour programmer un maximum de spots et de passages. Ce faisant, ils oublient un élément majeur et déterminant dans la communication publicitaire, à savoir la mémorisation. On ne communique pas pour communiquer mais pour faire regarder (lire, écouter, voir, etc.), mémoriser et influer.

Evidemment, les investigations scientifiques le démontrent : au bout de 2.5 minutes l’attention se relâche et la mémorisation s’étiole. Que dire alors de ces longs tunnels interminables bourrés de spots ?

Organiser les écrans publicitaires, fixer leur durée, réserver un quota aux campagnes d’intérêt public constituent autant d’impératifs que le Conseil Supérieur de la Communication a certainement pris en charge. En concertation avec les chaines TV, les annonceurs, les agences-conseils en communication et les régies publicitaires, un dispositif consensuel d’autorégulation urge à se mettre en place.

Deuxième série de commentaires : jusqu’où peut mener cette course effrénée à l’audience et ces packs massifs pour conquérir les annonceurs ? Inéluctablement à un système mercantile qui ne favorise guère une télévision de qualité. La voie est largement ouverte aux dérapages de tous genres et nous en avons eu récemment quelques regrettables spécimens.

Certes l’aspect financier est vital. Si les chaines publiques bénéficient des recettes de la redevance sur la télévision et de la dotation d’équilibre consentie par le budget de l’Etat pour boucler leurs fins de mois, les chaînes privées n’ont que la pub pour se financer. Il est légitime à toutes les chaînes de solliciter les annonceurs qui par leurs investissements témoignent de l’audience et finance les télévisions. Mais des balises sont indispensables pour encadrer les aspects commerciaux, notamment pour ce qui est des conditions générales de ventes.

Troisième et non négligeable aspect, le système de mesure d’audience en Tunisie.
Que vendent les chaines TV en fait : des durées ou des audiences qualifiées. Evidemment, leurs téléspectateurs. L’annonceur cherche des clients potentiels et peine à les identifier. Or, le dispositif actuel de mesure d’audience n’est ni étalonné, ni mis à niveau, se limitant à un niveau basique, servant uniquement à réduire les facteurs d’incertitude.

La pratique actuelle en Tunisie repose sur l’interview. Médiascan reconnaît humblement, en s’appuyant sur la rigueur des techniques de sondages et la fiabilité de ses enquêteurs, n’opérer que sur le Grand Tunis, sur une base de 450 personnes, interviewées par 5 équipes qui tournent chaque jour d’un quartier à un autre, à raison de 50% dans les foyers et autant dans la rue. Prétendre élargir la base de sondage et monter à 1400 personnes exigerait un call center avec au moins 40 positions, ce qui n’est pas le cas actuellement chez aucun sondeur sur la Tunisie. La taille de la population enquêtée et la technique utilisée demeurent bien rudimentaires et ne sauraient fournir les indicateurs fiables requis.

En effet, seule une mesure automatique d’audience, fondée sur le recours à une télécommande spéciale pour chaque membre du foyer sélectionné, reliée à distance par wifi à un serveur dédié capable de capter l’exposition réelle à la télévision, minute par minute et de restituer les courbes effectives d’audience, offre aujourd’hui les outils modernes et performants requis. Le projet avait bien été initié en études par la Tunisie depuis plusieurs années, sans se concrétiser. Décider d'un modèle, élaborer un cahier des charges, lancer un appel d'offres, sélectionner un opérateur et s'y lancer.

Pour cela, il faut une union des annonceurs capable de ficeler le projet, mobiliser le financement nécessaire et garantir une supervision scientifique rigoureuse. Ceux qu'i l'ont fait dans la région en ont tiré un excellent bénéfice. Leurs recettes se sont améliorées, leurs programmes et leurs audiences aussi. Nous y reviendrons.
 
Taoufik Habaieb 

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