Hommage à Jacques Diouf, ancien Directeur général de la FAO et défenseur des paysans du monde
Par Majid Chaar, ancien directeur des Médias à la FAO - L’homme politique et diplomate sénégalais qui fût Directeur général de la FAO (Organisation des Nations Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture) de 1994 à 2011, est décédé hier, à l’âge de 81 ans, a annoncé le Président sénégalais Macky Sall.
Le dernier des « Tiers –mondistes »
L’Afrique et le monde en développement viennent de perdre un de leurs plus valeureux défenseurs qui a apporté une contribution notable à l’amélioration de la sécurité alimentaire mondiale. Dix huit ans durant, alors qu’une crise chasse l’autre et les urgences du jour éclipsent la priorité de la veille, j’ai pu côtoyer, au quotidien, ce militant infatigable de la lutte contre la faim et les inégalités sociales dans le monde.
Cet illustre pionnier de la recherche agronomique au Sénégal, Ministre de la recherche scientifique du Président Léopold Senghor, a été le premier africain à être élu à la tête de la FAO.
Au palais de marbre blanc, aux Thermes de Caracalla , à Rome, il a apporté une chaleur communicative , un sens aigu de l’importance de l’ « humain » dans le développement et surtout, une vision stratégique de la lutte contre la faim à laquelle il a associé les Chefs d’Etats des pays nantis et démunis , en convoquant quatre sommets mondiaux sur cette tragédie humaine qui touche plus d’un milliard de personnes.
Pour lui, il était essentiel que « la volonté politique » puisse se traduire dans les faits, notamment en accélérant la mobilisation des ressources nécessaires pour l’accès de chaque pays à la sécurité alimentaire, tant en quantité qu’en qualité.
Le sens d’une mission impossible
Pendant 18 ans, à la tête de la FAO, ce natif de Saint Louis du Sénégal, docteur en sciences rurales, a eu comme seul credo, le lutte contre le plus grand scandale du monde, la faim.
Durant nos périples à travers le monde, et alors que la famine sévissait en Afrique, il m’avait dit « ne pas supporter cette image d’un enfant squelettique qui meurt toutes les six secondes à cause des problèmes liés à la malnutrition ! Nous ne souhaiterions pas ce sort à nos enfants, et je ne vois pas pourquoi on accepterait çà pour les enfants des autres ».
Traduire la volonté politique en action concertée
Devant les Chefs d’Etats participant aux G8 successifs ou s’adressant aux ministres et représentant des 196 pays membres de la FAO, Jacques Diouf a toujours plaidé pour un franc–parler politique, même quand il est assimilé, par certain pays riche, comme un « J’accuse ! ».
« La faim est un problème politique et économique, conséquence d’une répartition inéquitable des richesses. Aujourd’hui, la planète produit suffisamment d’aliments pour que tous ses habitants puissent se nourrir convenablement. Ce qui manque c’est la volonté politique.»
Aujourd’hui, force est de constater que, sur 6.3 milliards d’hommes, 2 milliards ne mangent pas à leur faim.
Un sage africain, un « gourou » moderne
En « Globe trotter », il n’a épargné aucun effort pour mobiliser le secteur privé, sensibiliser les Chefs d’Etats et les célébrités mondiales pour plaider la cause des pauvres et lancer des opérations médiatiques spectaculaires pour récolter des fonds.
Admiratif de la Tunisie de Bourguiba, fervent croyant et citoyen du monde, cet humaniste universel a – indéniablement – apporté une contribution notable à l’amélioration de la sécurité alimentaire mondiale, et la communauté internationale, lui rend aujourd’hui, un hommage particulier, pour se conduite remarquable, son engagement personnel et son infatigable plaidoyer en faveur du premier des droits de l’homme, celui de manger à sa faim.
Majid Chaar, (FAO)