Dr Rachad Ladjimi: Un précurseur, à l’aube de la médecine tunisienne (Photos et Vidéo)
C’est un pan peu connu de la lutte des médecins tunisiens précurseurs, par le mérite et l’excellence, pour occuper, du temps du protectorat français, le rang et les fonctions qu’ils méritent. Premier médecin tunisien nommé, non sans grande peine, chef de service, le Dr Rachad Ladjimi (1908 -1998), l’un des pionniers de la dermatovénérologie, fut, à la fois, l’acteur et le témoin d’une période historique. Dans un ouvrage que dédie à sa mémoire son fils fidèle, le Dr Adly Ladjimi (spécialiste en endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques), on découvre, au-delà d’une réussite scientifique et médicale, la reconnaissance du génie tunisien. L’auteur n’avait pas la tâche facile, devant s’abstenir de tout commentaire personnel, pour laisser les témoignages et les documents s’exprimer. Son travail était cependant facilité par ce que son père lui avait laissé : de précieuses archives soigneusement conservées et attentivement classées. Dans la profusion des documents, tous intéressants, il fallait cependant opérer le bon choix et tout mettre en musique. L’ensemble, sous une plume très raffinée. Le récit, agrémenté de photos, de coupures de journaux, de lettres et de discours, nous restitue un illustre personnage et toute une époque.Ce récit biographique relatant le parcours de ce jeune médecin tunisien sous le Protectorat nous permet de percevoir les relations qui prévalaient, d’une part, entre les médecins issus des différentes communautés et, d’autre part, entre les autorités coloniales et les médecins tunisiens. En effet, à partir de nombreux documents conservés- et annotés - par le docteur Rachad Ladjimi, cet ouvrage nous révèle les obstacles auxquels il se heurta pour parvenir aux plus hautes responsabilités hospitalières. Sa candidature en 1938 - sans précédent pour un Tunisien- le projette au-devant de la vie politique tant elle fut jugée audacieuse. De fait, l’importance de l’enjeu n’échappait à personne : ni aux autorités du Protectorat, ni à l’élite intellectuelle tunisienne, ni à la presse qui s’empara de la question.
Mesurant l’importance de l’enjeu, Rachad Ladjimi se montra opiniâtre et déterminé pendant les douze années (1938-1950) au cours desquelles l’administration coloniale manœuvrait pour lui dénier le droit de présenter sa candidature au concours de chef de service des hôpitaux, dans son propre pays.
En 1951, il savoure enfin son succès en ravissant la première place au concours qui eut lieu à Paris devant un prestigieux jury présidé par le professeur Henri Gougerot, père de la dermatologie française. Cette première nomination fera date et sera saluée par tous les médecins de Tunisie, tunisiens et français. En conservant de tels documents, le docteur Rachad Ladjimi aura indéniablement voulu perpétuer le souvenir et rendre hommage à ceux qui auront contribué à forger son parcours. Parmi eux, les docteurs Antoine Cassar, Lucien Chattelier et Mohamed Ben Salem.
Cassar et Chatellier lui témoigneront une émouvante empathie, se révélant tour à tour de véritables mentors. L’un comme l’autre n’hésiteront pas à braver, voire à défier le Résident Général pour faire accéder leur jeune confrère aux plus hautes responsabilités hospitalières. Le docteur Ben Salem s’empara de l’épineuse question dès sa nomination en 1950 à la tête du ministère de la Santé en modifiant les textes réglementaires afin de permettre aux médecins tunisiens d’accéder aux plus hautes fonctions.
Rachad Ladjimi assuma également des responsabilités syndicales en qualité de président du syndicat des médecins tunisiens (1944-45) et manifesta son engagement politique par son adhésion à l’Association des étudiants musulmans nord-africains de France (Aemna) et par son rôle primordial au sein de la Société de bienfaisance musulmane «El Khayria Islamya» en qualité de membre du bureau exécutif à partir des années 1940. Il présidera avec brio la Société des sciences médicales en 1956 et sera le président fondateur de la Société tunisienne de dermatovénérologie (1980-1987).
Reconnu comme étant le doyen des dermatologues tunisiens, ce parcours le désignera comme un «précurseur à l’aube de la médecine tunisienne».
Les origines de la famille Ladjimi
D’origine ottomane, la famille Ladjimi a fait souche à Mazdour, dans le gouvernorat de Monastir. Cette ascendance ottomane est attestée par plusieurs documents.
- Le patronyme Ladjimi est un surnom «konya» dérivé du mot Ajami qui désigne, dans la péninsule arabique, les musulmans non arabophones, tels les Perses et les Turcs. L’arbre généalogique (*) établi en 1904 fait apparaître le patronyme originel de l’aïeul: Ahmed Duglum Elajeimy (ou Ladjimi selon la transcription française)
- Un décret(*) datant de 1855 et portant la signature du souverain Sadok Pacha Bey reconduit les prérogatives à tous les membres de la famille Ladjimi, originaire de Mazdour, en raison de leur qualité d’attachés à la Cour (Makhzen)
- Un document (*)signé en 1878 à Constantinople atteste d’une souscription personnelle faite par le général Wannas Elajeimy (grand-père de Rachad) au profit du Croissant rouge ottoman au terme de sa participation à la guerre russo-turque dans le contingent tunisien.
* Source : archives personnelles
Dr Rachad Ladjimi - Un précurseur, à l’aube de la médecine tunisienne
Du Dr Adly Ladjimi - Editions Glyphe, Paris, 192 p. février 2019
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Salut Moi je suis algérien kabyle berbère amazigh je cherche la famille ladjimi en Tunisie Merci