Houda Ben Amor: Tunisia by now
«Les destinées d’une nation ne sauraient dépendre d’un chef que le hasard a placé à la tête du pays. Il est donc nécessaire que les cadres atteignent un niveau tel qu’il soit impossible aux médiocres d’assurer les responsabilités suprêmes de la nation. Et si, par malheur, une conjoncture propice amène au pouvoir un homme insuffisant, il ne devra pas pouvoir s’y maintenir longtemps. C’est le signe des peuples mûrs. Se heurtant aux forces vives du pays, il devra alors soit se soumettre, c’est-à-dire gouverner en fonction de l’intérêt national, soit se démettre.»
Habib Bourguiba, discours à Carthage le 31 Janvier 1967.
Paroles censées d’un Chef d’Etat, visionnaire. Vous me direz, il ne s’est pas démis de ses fonctions non plus.
Mais qu'en est-il aujourd’hui, plus de 40 ans après ? Notre Tunisie ne dépend pas d'un chef que le hasard a placé à la tête de notre pays, mais de sous-chefs que les tunisiens crédules que nous sommes, avons élus ! Un régime parlementaire où des apprentis sorciers jouent aux députés comme on jouerait au Monopoly. Des discours niais et des prises de position / d'opposition justifiant le cumul de mauvaises décisions par-ci, incriminant par là. Des courbettes et des plateaux TV pour un parti criminel, coupable et soutenu, que l'on place sous les projecteurs au nom du droit de réponse et du devoir d'information. Des débats pour faire de l'audimat où l'on se gargarise de la médiocrité des hauts cadres et de l'inertie des ir-responsables suprêmes.
Une société civile qui se substitue à l'Etat, défaillant en tout point, et gère pour compte ce qu'ils se sont mis à nommer tous en chœur, «la crise ». Le système de santé en grande souffrance ; visiblement satisfaite du retour de l’abandon scolaire, l’éducation nationale offre en prime une année blanche ; des fous furieux de djihadistes de retour de Syrie en « bons citoyens tunisiens libres» (et qui serait encore étonné si demain on les applaudit) et une arabisation de la Tunisie pour un retour vers l’occident, sauf quand nous faisons, au même moment, allégeance à l’Arabie Saoudite pour renflouer nos caisses vides. Ce n'est plus un homme mais une horde de pantins insuffisants et qui se maintiennent très bien. L’image du jour : la Tunisie avance à reculons ! Même la météo nous fait faire un bond de plus de trente ans en arrière.
«- Depuis quand neige-t-il en Tunisie, … le pays du soleil ? - Eh bien, depuis que nous sommes en démocratie!» Et Si Beji Caid Essebsi, notre cher Président compte rempiler pour 5 ans ? Si c’est vrai, ce n’est pas très grave finalement, nous pourrons toujours nous consoler en nous disant qu’il n’est pas centenaire. Et même à la fin de son mandat, il sera comme ses concurrents à la Présidence : il aura encore un âge à deux chiffres. Et ce cirque va durer jusqu'à quand à votre avis ? Jusqu’aux prochaines élections ? Mais qui va voter cette fois et pour qui ? Et ce sera quoi la Tunisie «d’après»? Toutes ces questions que se pose la jeunesse tunisienne, trouveront-elles réponses ? Qui peut lui répondre ? Qui en est capable ? La cherté de la vie, le taux de change vacille, l’alphabet s’oublie, les forces vives s'éparpillent, les cerveaux fuient, les capitaux aussi… et les désespérés préfèrent mourir en mer que de rester en Tunisie. Et pendant ce temps, de l'intérêt national, on nous sert des rôles et des fonctions. Et de l'action pour les intérêts du pays, on nomme et on démet de leurs fonctions : Ministres, PDG, Secrétaires d’Etat et tutti quanti.... des petits soldats de plomb. Un cri du coeur, des manifestations ou des émeutes, et un ras-le-bol général, finalement, c’est un peu « normal » non ?! Pourrait-il en être autrement ? Oh que oui ! Nous sommes filles et fils de Tunisie et nous ne lui faisons plus honneur. Pire : nous la trahissons tous les jours un peu plus. Cette belle et vive Tunisie a engendré des cerveaux et des compétences. Où sont-ils ? Que font-ils ? Des tunisiens vont jusqu’à investir en Estonie avec tout un programme de E-Residency, les médecins quittent le pays, les ingénieurs, à défaut de se faire chasser, sont chasseurs d’opportunités outres frontières. Et qui peut les blâmer ? Notre mère patrie mérite et exige mieux que ce ramassis : de l’UGTT à Ghannouchi ! Est-ce cela le prix à payer pour «la démocratie » ? Permettez-moi d’en douter. La Tunisie n'est pas Slim Riahi, ni les Caïd Essebsi père et fils, ni Youssef Chahed et encore moins Ennahdha et sa secte politico-islamico-démocratico-sanguinaro-libérale… et encore, j'en passe. La Tunisie c'est nous tous. Et chacun de nous, à son niveau, peut renverser des situations, à commencer par ne pas laisser la médiocrité prendre ses aises. Envers et contre «l’idiocratie» ambiante.
Houda Ben Amor