Journées de l'Entreprise 2018 - Slim Zghal nous devons réformer, encore plus en année électorale
Port El Kantaoui – De l'envoyée spéciale de Leaders, NajehKharrez. D'emblée, Slim Zghal, coordinateur des 33emes Journées de l'Entreprise qui ont démarré ce vendredi matin, a cadré la thématique et surtout mis les balises. Aujourd'hui, plus que jamais, à l'orée d'une année électorale déterminante, de surcroit, nous pouvons, nous devons oser les réformes, plus, les accélérer., dira-t-il en substance. Le chef du gouvernement Youssef Chahed venu donner le coup d'envoi de cette grande messe, devant plus de 800 participants y puise réconfort. L’audience, avec en premières rangées nombre d'ambassadeurs étrangers et de chefs de partis, est acquise. Les Yassine Brahim, Mehdi Jomaa et autres Elyes Fakhfakh abondent dans le même sens. La Tunisie ne saurait attendre davantage : son économie, ses finances, ses ménages et sa jeunesse sont au bord de la rupture. Les fractures se creusent dangereusement
Youssef Chahed lance un nouveau concept : la transformation. Estimant que la notion de réformes risque d'être galvaudée et vidée de son sens, il se positionne en transformateur. De l'administration, des finances publiques, des comptes de la nation, de l'économie, de l'entreprise. Il en fera sans doute son concept de programme 2019.
La détermination de l'IACE, exprimée par son président Taieb Bayahi, puis étayée par Slim Zghal est ferme : réformer ou transformer, l'essentiel est d'y aller.
Texte intégral
Notre thème cette année: l’entreprise et les réformes de rupture.
• Nous allons le décliner en 3 volets:
- Change et politique monétaire
- Fiscalité
- Marché du travail & métiers de demain
L’exposé des motifs vous a été fait. La situation économique du pays nous positionne maintenant comme un pays fragile
Il y a bien sûr des réformes sur lesquelles l’exécutif planche déjà. Nous avons voulu focaliser ici sur les réformes où l’on entend souvent « oui, mais! ». C’est compliqué, ce n’est pas le moment…
Notre thème commence par l’Entreprise, l’entreprise reste au cœur de nos préoccupation à l’IACE.
L’entreprise privée est et doit être le moteur de l’économie. Le chancelier Helmut Schmidt (qui était social-démocrate!) avait énoncé son fameux théorème:«Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain»
Il est sain que les entreprises gagnent de l’argent, même si le modèle capitaliste semble s’essouffler aujourd’hui, avec l’accroissement des inégalités.
Je ne vais pas me faire des amis peut-être en citant Thomas Piketty et sa théorie qu’une rémunération du capital supérieure à la croissance exacerbe les inégalités.
Les chiffres de l’ONG Oxfam nous montrent que ceci n’est plus soutenable. Que dire alors des profits d’une économie parallèle qui échappe à l’impôt, qui précarise les salariés et qui prive notre secteur bancaire de sa liquidité?
Nous parlons ensuite de réformes
Certains nous diront qu’il n’y a pas lieu de réformer. Il faut juste appliquer la loi Post-révolution, nous avons tous constaté un certain relâchement. Peut-être que la situation sécuritaire y était pour quelque chose. Mais, pour rappeler les mots du Président Mitterrand: «Gouverner, ce n’est pas plaire». Et laissez-moi vous dire, réformer, ce n’est pas plaire non plus.
Une réforme est toujours porteuse de changement, de risque…
La nature humaine est averse au changement: On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne…
Bien sûr, idéalement, il faut procéder par étapes – Siyasset El Marahel que tout tunisien connait.
Le Président Bourguiba avait dit « Être réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible »
Cela lui a permis de réformer le pays sur le plan sociétal avec en particulier l’éducation, la santé, le planning familial & le statut de la femme.
Quel est le projet tunisien pour le 21e siècle? Quelle est notre vision? Et puis, avons-nous encore le temps?
Ce temps que le progrès scientifique a accéléré. On a entendu post-révolution des discours où on nous disait:
Pour le moment, c’est le temps du politique, l ’économie viendra! Mais nous le savons tous, l’économie n’attend pas. Nous la respirons, nous la mangeons, c’est notre vie.
Ce temps perdu nous rattrape maintenant avec une marge de manœuvre qui s’est encore plus réduite. Les risques sont peut-être plus grands, mais comme a dit Ghandi: «vous ne connaitrez peut-être jamais les conséquences de vos actes, mais, si vous ne faites rien, il ne se passera rien!»
Nous parlons enfin de rupture. J’aimerais vous citer un exemple du monde de l’entreprise, un cas du Harvard Business Review. A un moment, Tata Steel avait des difficultés. Le Dirigeant nouvellement désigné pour la diriger a constaté qu’il avait une faible productivité et un nombre d’employés au-delà du nécessaire.
Un licenciement massif n’était pas une option acceptable. Il a proposé un plan de départs où il maintenait aux partants leur salaire jusqu’à leur retraite! Cela est totalement contre-intuitif, mais cela lui a économisé toutes les hausses futures sur une partie de la masse salariale.
Si nous transposons à notre fonction publique… 1/3 de 6% de 16 M/an…
Quand on parle de rupture. Un pays dans le monde aujourd’hui tire toute son énergie de sources renouvelables: le Costa Rica.
Il me semble que 60% de notre consommation de devises est pour payer la facture énergétique. Ceci pèse aussi lourdement sur notre balance commerciale. La puissance électrique actuelle installée est de l’ordre de 5.5 GW.
Si nous tablons sur une capacité future de 10 GW, combien faudrait-il mobiliser pour tout (ou presque tout) faire en solaire & éolien?
Cela stabiliserait le dinar, mobiliserait des capitaux privés en PPP et développerait un éco-système d’avenir pour notre pays
Nous pourrions aussi faire de la finance carbone 2.0 avec les crédits générés, dont il faut négocier la vente dans l’EU ETS dans le cadre ALECA. Cela impacterait notre image et notre tourisme…
Quid des véhicules électriques?
Notre Président vous a rappelé notre contexte national difficile. Le contexte international n’est pas plus simple:
- Instabilité forte de notre région
- Montée des nationalismes
- Coups durs pour le multi-latéralisme
- Accroissement des inégalités
- Problématique mondiale du danger climatique
- Disruption technologique
Nous devons agir! Et vite!
Quand on parle de nationalismes, il faut penser ALECA et changement de gouvernance à l’Union Européenne en 2019.
Est-ce que nous aurons les mêmes possibilités avec une nouvelle équipe qui sera sans doute moins ouverte sur son voisinage? Le Multi-latéralisme s’effrite, et le barycentre économique du monde se déplace à l’est. En 2030, la Chine, l’Inde et l’Afrique représenteront chacune 1.5MM de personnes et collectivement la moitié de la population mondiale.
Sommes-nous positionnés par rapport au projet pharaonique du Président Xi Jinping de nouvelle route de la soie? Train vers l’Afrique de l’Ouest?
Sans vouloir dévoiler ce que nous allons débattre, j’aimerais tout de même insister sur ce qui suit:
• Pour réussir, il nous faut un changement profond d’état d’esprit:
- Passer du contrôle a priori au contrôle a posteriori
- Plutôt que tout est interdit et voila ce qui est autorisé, préférer: tout est permis et voila ce qui est interdit
- Pour réussir, il faut « faire »
- Les constats, on les a, on est tous plus ou moins d’accord
- Savons-nous et pouvons-nous appliquer les remèdes préconisés?
- Avons-nous formé les agents publics? Avons-nous fixé des objectifs?
- Savons-nous communiquer pour avoir l’adhésion, vaincre les résistances, instaurer la confiance et ne plus avoir de lignes rouges?
Pour conclure
Nous sommes de ceux qui veulent voir le verre à moitié plein! Nous sommes de ceux qui croient que nous pouvons réformer même dans ce contexte difficile et en année électorale.
J’aimerais inviter sur scène un groupe de lycéennes de Kasserine. Prix de musique du Ministère de l’Education. Porteuses d’un message d’espoir pour ce pays
Porteuses de l’énergie de la jeunesse et de la femme tunisienne.
Grâce au travail de l’association Tunisia 88 que j’aimerais saluer. Un travail qui reflète un partenariat inédit entre le Ministère de l’Education, l’association ADS dirigée par Radhi Meddeb et la BEI à travers son représentant en TU, M. Ulrich Brunhubber (qui a un don caché de saxophoniste!)
Merci Mme la Vice-Présidente! On n’attendait pas la BEI sur ce terrain! Cette révolution musicale a impacté 24 Gouvernorats, 9000 Lycéens, et mérite notre soutien à tous!
Einstein a dit: l’imagination est plus importante que la connaissance!
Alors, je les laisse nous transporter et je vous laisse imaginer… Imaginer une Tunisie qui sera un modèle de pays émergent. Qui aura réussi sa transition démocratique. Qui aura redressé son économie. Qui aura apaisé ses tensions internes. Cette Tunisie que nous aimons tous!