Leila Ouled Ali (députée) : La RSE, un changement de modèle de développement en Tunisie
Le modèle de développement économique tunisien a atteint ses limites, non seulement, il n a pas réussi à améliorer la qualité de vie de l'ensemble des tunisiens et l'ensemble des régions, mais aussi certaines couches sociales et certaines régions ont connu un déséquilibre traduisant un niveau de vie très bas et une détérioration de leur conditions de vie.
Depuis la révolution, les tunisiens marginalisés et victimes des externalités des activités industrielles, essentiellement du bassin minier et les villes industrielles associées, étaient en continuelle manifestation et résistance, entrainant le pays dans un cercle vicieux : manifestations sociales, arrêt des activités industrielles, augmentation du chômage, détérioration du niveau de vie et reprise des manifestations.
Les revendications des tunisiens ont été prises en considération et traduites dans la nouvelle constitution au niveau de ses articles 12, 45 et 129 stipulant la justice sociale, le développement durable, l'équilibre entre les régions, et le droit des citoyens à un environnement sain et équilibré.
Néanmoins tous les gouvernements successifs ont essayé de répondre aux besoins des régions affectées par le chômage et la pollution afin d'arrêterla tension sociale et ce en consacrant des fonds destinés à l'amélioration des conditions de vie des habitants de ces régions, mais sans succès et sans résultats tangibles et apparents,à causenotamment,de la mauvaise gouvernance et l'absence de transparence.
C'est pour cela qu'avec mes collègues députés,j’ai jugé nécessaire d'agir en promulguant une nouvelle loi sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE)comme une des réponses, d'une part, à la mauvaise gestion des fonds alloués par les entreprises publiques notamment, comme la CPG, le GCT et l'ETAP, qui ont dépensé jusqu'à ce jour environ 500 million de DT en tant que contributions à l'amélioration de la qualité de vie des habitants des régions défavorisées, et d'autre part comme contribution aux efforts de réconciliation entre l'entreprise et son environnement social à travers l’allocution par ces dernieres des fonds finançant des projets sociétaux.
Selon la loi, ces fonds, s'inséraient dans le cadre du principe de la responsabilité sociétale des entreprises, seraient destinés au financement des projets principalement dans le domaine du développement de l'employabilité des jeunes et du développement durable.
La loi parue au journal officiel sous le numéro 35-2018 du 11 juin 2018 présente six articles dont principalement :
- L’article 2 incitant les entreprises publiques et privées et tout autre institution à consacrer des fonds pour financer des projets dans le cadre de la RSE, des projets permettant le développement de l'employabilité des jeunes et le développement de l'économie verte.
- L’article 4 concerne la création des commissions régionales comme structure de proposition d'idées de projets appropriés au régions et comme comité d’orientation et de gestion de projets RSE;
- L’article 6 concerne la création d'un observatoire national RSE au sein du gouvernement pour le suivi et la coordination des activités RSE dans le pays
Grâce à cette loi, avec des petites contributions, les entreprises vont pouvoir réaliser des grands impacts sur les tunisiens. Cette loi devrait aussi permettre à nos entreprises d'adhérer à un processus international comme le Pacte Mondial des Nations Unies, lancé par le Secrétaire Général des Nations Unies afin de pousser les entreprises à contribuer au développement durable dans le monde entier.
Ce processus est actuellement volontaire mais nous avons remarqué qu'au niveau international, une dynamique et une rapidité dans la pratique des principes RSE par les structures économiques (industriels, banques, sociétés pétrolières ...) qui ont vu, augmenter leur profit mais aussi l'amélioration de leur environnement social, le développement de l'esprit de l'appartenance de leurs employés, la réduction des tensions sociales et l'amélioration de leur rentabilité.
Cette loi n'est qu'une étape permettant aux entreprises tunisiennes de se préparer à cette dynamique internationale qui a un impact direct sur leur compétitivité commerciale, car il y a une grande probabilité de voir appliquer la norme internationale ISO 26000 relative à la RSE comme critère d'échange commercial international.
Cette loi serait un mécanisme innovant pour un financement durable des projets à vocation sociale et environnementale en dehors des financement classiques (budget de l'état ou dans le cadre de la coopération internationale)
Cette loi sera notre contribution au changement du modèle de développement tunisien, un modèle ou se développe des entreprises citoyennes, qui en assurant pleinement leur responsabilité sociale garantissent la durabilité de leurs profits. Un modèle ou le développement humain est au centre de l'action prenant aussi en considération le droit des générations futures aux richesses du pays.
La responsabilité sociétale des entreprises connue sous la norme internationale ISO26000 est « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui – contribue au développement durable.C’est-à-dire être économiquement viable, avoir un impact positif sur la société mais aussi mieux respecter l’environnement.
Leila Ouled ali
Membre de l'ARP
Membre de la commission énergie, industrie, équipement et environnement
coordinatrice du réseau parlementaire pour le développement durable