Bons baisers de la Finlande: Destination l’étoile du Nord
Un lundi à 8h du matin au centre de Helsinki, on serait d’abord surpris par la grande taille et la position basse du soleil naissant dues à la latitude. Ensuite, on serait surpris par le calme qui y règne. Pas d’embouteillages dans les rues ni de bousculades dans les transports publics. Et pourtant, la dynamique capitale est bel et bien réveillée. Car outre l’excellence des réseaux de transport, il paraît que le télétravail s’y généralise, ce qui soulage les bureaux et la circulation mais ne trouble en rien l’activité économique. Bienvenue en Finlande où la performance se fait dans la discrétion.
Et à 5heures de route au Nord-Ouest de Helsinki, cette première impression du pays suomi se vérifie à Vaasa. Le visiteur qui descend le Vaasanpuistikko, son artère centrale enneigée, jusqu’au golfe de Botnie complémentent gelé, ne se doute pas d’emblée que cette ville d’une centaine de milliers d’habitants est la capitale nordique de l’énergie.
Autrefois petit village suédophone vivant du commerce de la poix, Vaasa est devenue en un siècle un cluster régional réunissant 140 entreprises, 13 000 étudiants et 1 400 postes en R&D, le tout collaborant efficacemen pour générer un chiffre d’affaires total de 4,4 milliards de dollars. Soit l’équivalent du PIB de l’agriculture tunisienne. L’histoire de cette réussite aurait commencé au début du 20e siècle avec Johannes Wickström qui, rentré des Etats-Unis avec une expertise en ingénierie mécanique, a fabriqué à Vaasa avec son frère Jakob des moteurs, notamment pour les bateaux. Des moteurs robustes et performants qui ont fait la renommée de la ville et dont certains tourneraient encore aujourd’hui !
La suite de la petite histoire a été forgée par la grande. La Seconde Guerre mondiale a poussé les industries finlandaises à déménager vers l’extrême ouest pour fuir l’ennemi russe et l’après-guerre a obligé les Finlandais à payer un lourd tribut à leur puissant voisin. Mais de contrainte, le peuple finlandais en a fait un leitmotiv pour perfectionner sa productivité et réussir en peu d’années à s’affranchir de sa dette. Vaasa en a donc profité et le secteur de l’énergie a connu un développement majeur et rapide où grandes entreprises et PME rivalisaient d’efficacité et d’innovation. La ville s’est alors fait une place de référence dans ce secteur, non seulement parmi les pays nordiques mais aussi mondialement car on y est fier d’avoir exporté des produits de systèmes électriques dans tous les pays de la planète. En somme, la première énergie inépuisable de cette étoile du Nord, à l’instar de toute la Finlande, n’est autre que ses habitants !
Des habitants qui s’enrichissent continuellement de populations venues des quatre coins du monde. En discutant avec un jeune homme d’origine pakistanaise ayant fait ses études à l’université de Vaasa et décidé de s’y installer une fois naturalisé, on comprend que la détermination finlandaise s’acquiert aussi bien qu’elle se transmet.
C’est l’esprit ainsi chargé d’enseignements qu’un Tunisien quitte la Finlande. Des enseignements qui poussent inévitablement à la comparaison. Car cette nation, avant d’être aussi prospère, avait traversé trois siècles d’épreuves d’une ampleur dont la nôtre a été comparativement épargnée. Famines dévastatrices, peste noire, exode massif, guerres destructrices et ennemi dévastateur. C’est un calvaire de Sisyphe qui n’a pourtant pas découragé le peuple de remonter la pente après chaque dégringolade en perfectionnant et en faisant mieux à chaque fois pour finir par conjurer le sort et atteindre le sommet des classements positifs dans bien des domaines. Exactement tel que l’avaient prédit voilà des siècles les poètes suomis dans l’épopée de Kalevala ou dans l’hymne Maamme :
Notre amour fera ressurgirton espoir, ton triomphe dans leur splendeur.
Et un jour ton hymne, ô patrie, au plus haut retentira.
Notre poésie nationale ne dit-elle pas à son tour:
Celui qui n’aime pas gravir les montagnes
Vivra éternellement dans les fossés
Alors qu’attendons-nous pour suivre la bonne étoile de nos amis finlandais?.
Mourad Daoud