Mohamed Sayah et la boutade Kairouanaise
A 85 ans, Mohamed Sayah, personnalité politique de la Tunisie postindépendance nous a quittés.
Je me rappelle :
Quelques mois après le changement «salutaire» du 7 novembre 1987, le collègue journaliste et non moins ami, Abdelaziz Barouhi rentrait des States où il a potassé un essai intitulé «DEMAIN LA DEMOCRATIE», sous la supervision du Massachusetts Institue of Technology (MIT), un temple prestigieux du savoir pluridisciplinaire.
Dans la foulée de ce changement opéré à la tête de l’Etat par l’ex premier ministre (du 6 Octobre au 6 Novembre) Zine Ben Ali, la quasi majorité des Tunisiens était sur le nuage de» l’ère nouvelle» et sa logomachie «démocratique», d’autant qu’en dépit des signes d’essoufflement de sa santé, le combattant suprême continuait à marteler jusqu’à la veille de sa destitution qu’il » continuerait à consacrer le restant de sa vie pour combattre la corruption »… L’histoire en a voulu autrement et le même mal persiste à gangrener la société…
Alors président de l’Association des journalistes tunisiens (AJT), Mohamed Ben Salah me propose d’introduire en débat public l’ouvrage de Barouhi.
Lieu: Le PALMARIUM, au cœur de la capitale. La salle du cinéma est archicomble. (politiciens de tout bord, des intellos, étudiants et autres curieux …)
Feu Sayah, libre de ses mouvements était de l’assistance. C’est la première fois que je le rencontre en chair et en os bien que son nom-plutôt sa réputation de faucon – ait-été sur toutes les lèvres depuis que nous étions jeunes lycéens puis étudiants. Bref. N’étant ni politicien ni affilié à aucun parti politique, le propos ne permet pas à ce que je puisse porter un quelconque jugement sur son parcours politique ni sur le mal qu’il a infligé aux opposants du régime Bourguibien. D’ailleurs, il avait -de son vivant -exprimer ses remords et demander pardon!
Toutefois, dans un bref échange avant la présentation, il nous a rapporté avec un sourire narquois l’anecdote du barbier de Kairouan. Ce dernier a affiché à la porte de son officine l’écriteau suivant: «DEMAIN ON RASE GRATIS». Si bien que chaque fois que le crédule passager veut profiter de l’offre, le barbier le renvoie à l’enseigne.
N’as-tu pas lu ,imbécile que le rasage gratuit, c’est pour demain.
Que dalle! Dut-il faire la navette des 365 jours de l’année, le quidam ne pouvait en vouloir qu’à …sa barbe.
Moralité: Par cette boutade, Sayah voulait-il insinuer subtilement que la «démocratie» et la «république de demain» promises par «l’artisan du changement» relevaient des calendes carthaginoises?
Avec le recul historique, les 23 ans du pouvoir de Ben Ali n’étaient que flop et sa république de demain ne serait-elle qu’un avatar de la 2ème République post-révolution?...Dans tout cas de figure, l’essai de
Barouhi préfigurait la conjoncture du possible. Il devrait s’intituler en 2018: «Aujourd’hui la démocratie». A toute fin utile, les hommes périssent ,la Tunisie résiste et persiste.
Habib Ofakhri