Chaker vu par trois anciennes collaboratrices : Boutheina Ben Yaghlane, Mériem Mizouni et Sonia Ben Cheikh
Ben Trois fois ministre, trois fois Slim Chaker se retrouvait avec une femme secrétaire d’Etat nommée auprès de lui. Ce fut Meriem Mizouni à la Jeunesse et aux Sports, Boutheina Ben Yaghlane aux Finances et Sonia Ben Cheikh à la Santé. S’il ne les avait pas choisies lui-même, il les avait toutes adoubées de son attention. Rarement les relations entre ministre et secrétaire d’Etat ont été à ce niveau d’excellence, reconnaissent tous.
«On était comme frère et sœur, affirme Meriem Mizouni. Dans la simplicité totale et la recherche de l’efficacité. Je lui apportais ma connaissance du sport, il se distinguait par de grandes qualités de gestionnaire et une large vision d’avenir. Si Slim tenait à sillonner le pays et écouter les jeunes. On ne partait pas en voiture, mais en minibus avec des directeurs généraux. Le départ se faisait souvent à 3 heures du matin et lorsqu’il fallait passer la nuit, c’était à la maison des jeunes la plus proche».
Il était de Nidaa et elle était d’Ennahdha, le clivage politique d’origine n’avait aucun impact sur leur collaboration. «Ensemble, nous avons formé un duo merveilleux qui a fonctionné sans le moindre hiatus, souligne Boutheina Ben Yaghlane. Il m’associait à toutes ses réunions, à tous ses déplacements et me chargeait souvent d’aller sur les plateaux médias expliquer l’action du ministère et les décisions et de partir en mission à l’étranger. Nombre de mes autres collègues m’enviaient ! C’était un modèle !»
«Ce fut très court, trois semaines seulement, regrette amèrement Sonia Ben Cheikh. Mais, trois semaines très intenses et dans une entente totale. C’était comme si on se connaissait de longue date. Dès le premier jour, il m’avait dit qu’il comptait beaucoup sur moi et me donnait carte blanche.»
Ce respect pour tous, et encore plus pour la femme, Slim Chaker l’a hérité de son éducation dès sa prime enfance. La gent féminine a toujours été significative dans son milieu familial. Il y avait son arrière-grand-mère, Fattouma Kharrat épouse Haj Ahmed Ben Farhat, sa grand-mère Rekaya Chaker (la sœur du leader Hédi Chaker), épouse Mohamed Ben Farhat, sa maman, Leïla, ses tantes maternelles, Labiba, Najet et Rafiaa, sa tante paternelle Fathia Baccour, sa sœur, Asma Fendri, sa belle-sœur Ahlem, son épouse, Amel, ses deux filles Meriem et Hajer, et bien d’autres, cousines et parentes...Chacune et toutes avaient une place particulière dans son cœur, leur réservant une attention personnelle, ne ratant aucune attention pour la leur témoigner. Et elles le lui rendaient bien. Tout comme ses assistantes, et ses collègues dans les diverses fonctions.
Boutheina Ben Yaghlane: Slim Chaker, l’inoubliable ministre
Le jour où j’ai prêté serment pour ma prise de fonctions dans le gouvernement Habib Essid 1 en tant que secrétaire d’Etat auprès du ministre des Finances, je ne savais pas que j’étais très chanceuse de me retrouver auprès d’un grand Monsieur avec qui j’ai travaillé durement pendant une année très difficile. Je ne savais pas que j’allais rencontrer une personne au patriotisme inégalé, de surcroît petit-fils du martyr Hédi Chaker. Ce n’est pas une surprise!
Je ne savais pas que j’allais collaborer avec un grand homme ayant des valeurs humaines exceptionnelles, ayant du respect pour l’autre, quelles que soient ses pensées, et respectant surtout les femmes !
Je ne savais pas que j’allais coopérer avec un ministre qui sanctifie le travail, avec des journées longues de 6h du matin jusqu’à minuit. Ce qui est sûr, c’est que c’est lui qui ouvrait et fermait tous les jours les portes du ministère ! Sans oublier les charrettes qu’on avait passées pour préparer la loi de finances complémentaire de 2015 où toute l’équipe du ministère travaillait en sa présence jusqu’à 3h du matin. Je ne savais pas que j’allais travailler avec un ministre qui avait interrompu ses trois jours de congé (et Dieu sait qu’il n’en avait pas trop !) pour rebrousser chemin le premier jour de son arrivée à Budapest, rien que parce qu’un douanier a été victime d’un acte terroriste. Je ne savais pas que j’allais apprendre de Si Slim autant de choses dans des moments innombrables, un leadership accentué, une capacité d’écoute énorme, une rigueur et surtout une humble personne généreuse et très simple …
Paix à son âme le Grand Slim Chaker… le coéquipier, l’ami et le frère !
Meriem Mizouni: Lorsqu’on avait fait ensemble de l’autostop...
Tout était en lui : modestie, simplicité, compétence et patriotisme. Les exemples vécus ne manquent pas. Nous rentrions par une journée de forte chaleur de Monastir où le ministre Slim Chaker et moi étions allés rendre visite à l’équipe nationale qui préparait un grand match. Il y avait avec nous dans la voiture un directeur général du ministère. A un certain moment, j’ai senti la voiture ralentir, elle commençait à surfer. Panne sèche. Par inadvertance, le chauffeur avait omis de faire le plein d’essence.
Contenant sa colère, Si Slim lui demande de se garer à droite sous le premier pont qui était devant nous. Il était pressé de rentrer au bureau où beaucoup de travail l’attendait et dut alors se résoudre à l’unique solution qui s’offrait : faire de l’autostop. Sans hésiter, il descend de la voiture avec le directeur général et essaye d’arrêter une voiture. En vain.
Je me suis dit alors que je devais tenter ma chance. Et ça a marché. Un minibus s’arrête et le chauffeur accepte de nous embarquer tous les trois. Tout au long du chemin, le chauffeur ne cessait de regarder Si Slim dans le rétroviseur puis de se retourner vers lui pour lui dire: «Vous, je vous connais. Je ne sais plus où je vous ai déjà vu». Modestement, le ministre lui répond: «Zaama? Je ne suis qu’un humble Tunisien.» Jamais il ne se prévalait de sa descendance d’un grand leader martyr ou de son statut.
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