News - 11.05.2010

Ces étudiants tunisiens qui ont choisi la Corée, y réussissent-ils?

Daejeon, Corée – De notre envoyé spécial. Karim, Toumadher, Abdelmoumen et les autres font partie du groupe d’étudiants tunisiens qui ont fait le choix d’aller chercher le savoir… jusqu’en Corée. Immédiatement après le bac (au lycée pilote), ils sont partis directement, chacun de sa ville natale, pour plonger à Deajeon, la Sillicon Valley coréenne à 150 km de la capitale Séoul. Dans cet écrin de verdure et de jardin fleuri, le Daedeok Campus rassemble la fine fleure de la recherche scientifique et technologique. En joyau de la couronne, le Korean Advanced Institute for Science & Technologie, véritable temple du  savoir. Il est classé 12ème université spécialisée dans le monde et doit se hisser parmi les Top 10 en 2013 et les Top 5 en 2015. Le président du KAIST est également vice-président de la Science National Foundation, l’organisme officiel de la recherche scientifique aux Etats-Unis (équivalent du CNRS en France) et ex-doyen du célèbre MIT. C’est tout dire.

Sur plus de 5 km2, se concentrent 1362 enseignants pour encadrer 9630 étudiants dont 507 en provenance de 70 pays dont la Tunisie. Magnifiques jardins où sont nichés des bâtiments modernes et intelligents, avec salles de cours, laboratoires, immenses bibliothèques, gymnases, et stades, des foyers accueillants et des restaurants universitaires soigneusement décorés. Ici, jour et nuit, rien ne s’arrête. Comme à Harvard, Berkeley, Stanford ou au MIT, étudiants, chercheurs et enseignants travaillent sans relâche. Ne soyez pas surpris de les voir se diriger, d'un pas alerte, à 4 heures du matin, vers la bibliothèque ou sortir d’un laboratoire pour se rendre à la piscine ou à une salle de sport.

ToumadherTôt le matin, ils se pressent tous pour rejoindre leurs postes, sacrifiant souvent le petit-déjeuner. « Je n’ai même pas le temps de consulter mes mails, dit à Leaders, Toumadher Barhoumi, 20 ans qui en est à sa deuxième année au KAIST. » Jamais ses parents, Charfeddine et Fatma, tous deux enseignants à Bizerte n’avaient imaginé que leur fille chérie s’expatrierait si loin. Ecole primaire Raouabi, collège Hédi Chaker, puis lycée Farhat Hached, le temps de décrocher brillamment son bac et de postuler pour une bourse en Corée. « J’étais à la recherche d’une bourse à l’étranger et quand j’ai appris que le KAIST offrait des places, je me suis empressée d’y déposer ma candidature. Mon bonheur fut immense lorsque j’ai appris mon admission. »

Même parcours pour Karim Charfi, 20 ans, originaire de Sfax. Il commense dans la prestigieuse école primaire de l’avenue d’Algérie plus connue sous le nom de son directeur, Si Mohamed Bali, puis le collège Bourguiba et enfin le lycée pilote. Lui aussi a bien surpris ses parents, Mohamed Salah (Chef d’entreprise) et Selma (Assistante médicale) en leur apprenant sa décision de partir pour la Corée.

Abdelmoumen NoumaQuant à Abdelmoumen Nouma, il vient juste de débarquer, en janvier dernier de sa Téboulbou natale, petite oasis de la banlieue de Gabès. Ses parents, comme ceux de Toumadhour, sont enseignants. Ecole Manara à Teboulbou, lycée Aboulbaba et lycée pilote de Gabès.

L'Ambassadeur aux petits soins

Karim CharfiToumadher et Karim sont bien intégrés. Comme un poisson dans l’eau, ils surfent avec aisance à travers le campus, se concentrant sur leurs études. L’accueil qui leur a été réservé par leur aîné, Amine Mcharek leur a permis d’aplanir, dès les premiers jours, les difficultés d’insertion. A présent, ils s’acquittent de ce devoir de parrainage à l’égard d’Abdelmoumen qui a rapidement pris le pli. Amine continue de les encadrer de près et c’est l’ambassadeur de Tunisie à Séoul en personne qui les suit avec une affectueuse attention. « Il ne se passe pas une semaine sans qu’il nous appelle directement, confie avec beaucoup de gratitude, Karim. Il demande de nos nouvelles et s'intéresse de près à nos cours et  nos notes. Ses conseils sont précieux. Pour les fêtes, il nous invite à Séoul et nous paye même les frais de transport. »

«Jamais, avec son épouse Mme Latifa, ils ne nous laissent partir les mains vides", ajoute Toumadher. "En vraie maman, son épouse, Mme Khammari, nous glisse toujours un petit paquet avec gâteaux, dattes et autres friandises. Particulièrement nous les filles, on se sent très proche d’elle et n’hésitons pas à lui confier nos petits secrets. »

Au KAIST, les études se font en anglais. La première année est organisée en tronc commun, puis on aborde les spécialités dès la deuxième année. Toumadher veut faire Aéronautique. Karim a choisi le génie électronique. Abdelmoumen se décidera bientôt. Les cours commencent à 9h pour se terminer à 18h. Mais, c’est juste la première mi-temps. De 19 h à 21H, ce sont les récitations, classes obligatoires pour les tests et les révisions. A partir de 21 h, le temps de grignoter quelque chose et de continuer les révisions. Ainsi va la semaine. Unique moment de relâche, samedi soir, au resto Ali Baba, tout proche ou chez Pasta, quand on en  a le temps et les moyens.

Le cursus universitaire est de 4 ans pour la licence, 2 ans pour le mastère et 4 ans pour le doctorat. Les études sont gratuites pour nos étudiants et une modique somme leur est offerte en bourse. Elle est de 300 D par mois, juste de quoi payer le foyer (80 D), les livres et les tickets de resto. A leur arrivée, les plus anciens avaient bénéficié d’une aide à l’installation, de 1200 D, de quoi payer couettes, oreillers, fournitures scolaires et livres. C’est vous dire combien les petits paquets de l’ambassade leurs servent d’appoint et combien le complément de bourse consenti par les familles est précieux. Le ministère de l’Enseignement Supérieur ne pourrait-il pas leur consacrer une dotation mensuelle même de 300 D pour améliorer leur quotidien et mettre à la disposition de ce groupe d’étudiants 1000 à 2000 D par an pour des activités sociales et culturelles ? Ce serait merveilleux.

Amine, le dynamo de la petite communauté tunisienne

Outre ces jeunes étudiants tunisiens « under-graduates », notre communauté tunisienne à Daejeon compte d’autres chercheurs post-doctorants. C’est le cas de Habib Zribi, matheux, titulaire d’un doctorat soutenu à l’Ecole Polytechnique de Paris. Originaire de Sidi Morched, au sud de Siliana, Habib, 32 ans, a débuté ses classes à Kanatra, puis le lycée 20 Mars, avant de décrocher sa maitrises en Maths à la Faculté des Sciences de Tunis. En 2001, il partira en France préparer son mastère à Paris 6 et finira par soutenir sa thèse en mathématiques appliquées au sein de la prestigieuse école Polytechnique en 2005. Cap sur la Corée où il achève des recherches post-doctorantes. Son objectif est de revenir bientôt en Tunisie, décrocher un poste d’enseignement et aller encore plus loin dans la recherche.

Le dynamo de toute cette équipe n’est autre qu’Amine Mcharek, chercheur en IT, dépêché par le CERT en Corée. Très apprécié en tant que chercheur, il l’est également en tant qu’animateur de nombre d’activités universitaires et de facilitateur d’échanges avec les institutions tunisiennes spécialisées. L’ambassade le sollicite, le KAIST aussi, comme la communauté. Dans son laboratoire, deux éventails sont croisées : celui de la Corée avec celui de Zarzis. La symbolique est éloquente. Ses collègues se l’arrachent. Son patron, l’éminent Pr Jae Jeung Rho, Directeur du Global IT Technology Programm, ne tarit pas d’éloges à son égard. C’est avec un chaleureux « Asslama, Marhaba bikoum fi koureya » qu’il reçoit, l’envoyé spécial de Leaders avec la représentante de l’Ambassade de Tunisie à Séoul, Mme Souad Gueblaoui, ministre plénipotentiaire. Il connaît bien la Tunisie où il s’est rendu 4 fois, notamment à la faveur de l’ICT Forum à Hammamet dans le cadre du suivi du SMSI et n’épargne aucun effort pour promouvoir les échanges technologiques et universitaires entre les deux pays. « La Tunisie et la Corée, souligne-t-il à Leaders, ont quasiment la même taille, une culture riche et variée et un engagement confirmé pour l’éducation et le savoir. Nous nous sentons très proches de vous et sommes heureux d’accueillir vos étudiants et chercheurs et de développer des programmes communs. »

La voie est bien balisée. Les candidats tunisiens doivent se renseigner auprès du ministère de l’Enseignement Supérieur pour connaître les opportunités d’études offertes en Corée et les saisir. Mais, attention, une bonne préparation est indispensable pour réussir cette injection.