Tunisie : pour que justice passe
On l’a échappé belle ! Fonçant droit dans le mur, la Tunisie s'est rattrapée de justesse. Le diabolique traquenard tendu à El Kamour allait embraser, au-delà de Tataouine, l’ensemble du pays. De tous bords et de toutes accointances, les malfrats se sont ligués pour faire des revendications compréhensibles des jeunes désespérés le feu incendiaire de leurs tristes desseins.
De l’autre côté des frontières, milices sanguinaires et terroristes s’apprêtaient à donner l’assaut pour s’établir sur notre sol. L’interconnexion des contrebandiers, narcotrafiquants, terroristes et agents d’influence constituait un redoutable mélange détonant dont la classe politique, tous partis confondus, et la société civile n’ont nullement réalisé le vrai danger. Face à la situation, l’armée a été exemplaire. Les forces de sécurité aussi. L’Ugtt, par la voix de son secrétaire général, Noureddine Taboubi, a plaidé en faveur de la sagesse, apportant son soutien au chef du gouvernement.
Il fallait désamorcer la bombe, ou plutôt, les bombes, couper les fils de la compromission et barrer la route aux prophètes du chaos. En un seul instant, l’arrestation de gros bonnets a suffi pour changer la donne. Incrédules au départ, les Tunisiens ont compris que le coup de pied donné dans la fourmilière sonne le glas tant attendu des intouchables de la malversation. Loin d’être gagnée, la bataille ne fait que commencer. Longue et pénible, elle le sera sans doute. Incontournable et payante, nécessairement. Le ralliement populaire quasi-unanime en sa faveur ne saurait s’émousser et doit inciter à mener une action persévérante et de longue haleine, jusqu’à l’éradication totale de la corruption, de la contrebande et de la malversation.
Maintenant que la boîte de Pandore est ouverte, la justice doit s’exercer dans la sérénité et le respect du droit. L’entrée en fonction ces jours-ci du Conseil supérieur de la magistrature sera un atout majeur. L’engagement du gouvernement, le soutien de la classe politique et sociale et la mobilisation des médias ne sauraient faiblir.
La plus lourde responsabilité reste celle du pouvoir en place. Si Youssef Chahed vient de sauver son gouvernement, il n’a pas pour autant sauvé tous ses ministres. Neuf mois après leur investiture fin août dernier, chacun et tous doivent défendre leur bilan. Sans la moindre indulgence, les défaillants n’ont plus de place au sein du gouvernement. Leur remplacement est urgent, alors que les plus méritants sont à féliciter. Nécessaire recentrage pour faire face à la nouvelle séquence qui commence à mi-parcours du mandat présidentiel.
Face à tant de défis sécuritaires, économiques et sociaux, tout s’accélère en Tunisie. Les risques sont élevés, mais les opportunités fort prometteuses.
Comme un peu partout ailleurs, le vieux système a vécu. En France, Macron en a été tout récemment le fossoyeur. Plus personne ne pourra le revivifier. Un monde nouveau s’invente. Se crée. De nouvelles générations émergent et s’installent aux commandes, imposant un mode opératoire novateur et des pratiques d’immédiate efficience. Telle est l’attente des peuples. Telle doit être la réponse des politiques.
La démocratie, comme la justice et la prospérité, n’ont de valeur que si elles sont irréversibles. En Tunisie surtout, dans le contexte actuel.
Vivre n’est qu’avancer dans le droit chemin de la certitude.
Avec tous les meilleurs vœux à l’occasion du Ramadan.
Taoufik Habaieb