Champs-Elysées : Daech vote Marine !
Jeudi 20 avril, aux alentours de 21 heures, à trois jours du premier tour des élections présidentielles françaises, pendant que les onze candidats répondaient aux questions des journalistes de France 2, sur l’avenue des Champs-Elysées, un policier a été tué et deux autres grièvement blessés lors d’une attaque terroriste revendiquée dans la soirée par Daech.
Un acte terroriste surprend toujours lorsqu’il a lieu, ne serait-ce que par l’endroit et l’heure jamais prévus car dans le cas contraire l’acte est déjoué et il ne fait pas (hélas !) l’événement. Mais en l’occurrence, la surprise reste très limitée. Etat d’urgence et campagne présidentielle obligent, les services de renseignement mais aussi la police, la gendarmerie et l’armée se sont mis sur le pied de guerre et s’attendent à tout surtout après l’arrestation cette semaine à Marseille de deux hommes soupçonnés d’avoir planifié des attentats. Hélas, comme chacun le sait, il n’y a pas de risque zéro.
Le déferlement des événements
Ce qui surprend cependant, c’est la rapidité des événements. L’attaque selon les témoins n’aurait duré que 30 à 40 secondes. Ces secondes dérisoires, mais ô combien tragiques, ont déclenché une avalanche d’événements successifs : la réplique et la mort de l’assaillant ; l’intervention des forces de sécurité et le bouclage du quartier ; l’arrivée des secours ; les déclarations des autorités : celle du Premier ministre, du Ministre de l’intérieur et du Chef de l’état ; la condamnation de l’attentat par les candidats en direct sur France 2 ; l’identification du terroriste et la perquisition à son domicile, chez sa mère à Chelles et enfin la revendication de l’attentat par Daech.
Ce rythme accéléré et infernal fait penser immédiatement à Paul Virilio et à ses travaux et réflexions sur la vitesse(*). Les victimes, le terroriste, les témoins, les forces sécuritaires, les responsables politiques, les candidats et les citoyens sont « pris de vitesse » et par la vitesse de telle sorte que « la vitesse devient la réalité ». Nous nous trouvons selon les termes de l’essayiste en présence d’une succession de « temps accidentels » rendus « inhabitables » du fait de leur vitesse.
En temps réel
Ces événements ultra rapides se sont succédé et se sont déroulés sous l’œil des caméras et des témoins et ont été vus instantanément au moyen des TV, des smartphones et autres ordinateurs, donnent le sentiment d’avoir été vécus en direct par tout un chacun. Le sentiment d’être présent sur les lieux du drame se trouve accentué par la condamnation en direct de l’attentat par candidats et par l’annulation de leurs ultimes déplacements, modifiant ainsi immédiatement la campagne qui ne devait prendre officiellement fin que vendredi à minuit. Cette instantanéité, ce « présentisme » gomme le temps mais abolit aussi l’espace et les distances et amplifie le sentiment de peur et d’insécurité. Tout ce que rentre parfaitement dans la stratégie de Daech.
De l’usage de la terreur
Comme d’habitude, le groupe terroriste Etat islamique recherche le plus de publicité possible et pour ce, il soigne diaboliquement sa communication en choisissant le lieu et la victime de sa terreur. En l’occurrence : d’une part les Champs-Elysées dont la renommée est universelle et qui symbolisent ce qu’il y a de mieux en France et Occident : « la plus belle avenue du monde » ; d’autre part, la police nationale qui symbolise l’ordre républicain. Pour commettre ses actes odieux censés démoraliser les démocraties et épuiser les pouvoirs publics avant leur effondrement dans « la sauvagerie », le groupe terroriste choisit ses agents parmi les plus paumés de la minorité musulmane car plus maniables et manipulables à l’image de ce Karim Cheurfi, cet ex-taulard, ce délinquant violent et voyou récidiviste qui, si cela se trouve, n’a de musulman que le nom qu’il ne mérite pas et que l’origine des parents dont il est indigne.
Mais hélas, il a beau être français, né et élevé en France, son nom, sa prétention à parler et à agir au nom des Musulmans et sa reconnaissance par ce groupe de criminel EI, ne permettent pas le discernement et ne facilitent pas les nuances. En effet, à deux jours du premier tour des Présidentielles françaises, cet acte odieux risque d’exercer une pression sur les électeurs et les pousser dans les bras de l’extrême droite en leur faisant ainsi franchir un pas périlleux vers la discorde, la division, la haine, bref vers « la sauvagerie » daéchienne. Pour déjouer le vulgaire piège de Daech et contrecarrer ses plans machiavéliques, les Français musulmans d’origine, de culture ou de croyance savent ce qu’il leur reste à faire ce dimanche 23 avril mais aussi le dimanche 7 mai.
Salheddine Dchicha
(*) Vitesse et Politique : essai de dromologie, éd. Galilée, 1977.
(*) Le Grand Accélérateur, éd. Galilée, 2010.