Les leçons de l'affaire Pétrofac
Petrofac a repris ses activités mardi 26 septembre, marquant ainsi la fin d'un conflit social qui a duré six mois et qui aurait pu déboucher sur le départ définitif de la campagnie, n'eut été l'obstination des émissaires du gouvernement et la compréhension des représentants des protestaires. La catastrophe a, ainsi, été évitée de peu. Nombreux étaient les Tunisiens qui s’étaient réveillés le jeudi 22 septembre 2016 avec la gueule de bois, comme pris de remords après l'annonce du départ de cette compagnie. Ni les employés, ni les syndicats n’avaient eu le courage de s’opposer aux sit-inneurs comme dans le bassin minier. Si prompte à défendre ses adhérents, l’Ugtt s’était gardée de réagir pendant des mois avant de demander la reprise des négociations entre le gouvernement et les protestataires. Quant au personnel de Petrofac, il s’était contenté de critiquer...le gouvernement «pour ne pas avoir réagi à temps.
Cette affaire, c’est la confirmation de l’extrême faiblesse de l’Etat. Le président de la République a beau insister dans la plupart de ses discours sur le prestige de l’Etat, rien ne semble arrêter, ni même freiner, sa déliquescence. Sous les tirs croisés d’une Ugtt qui n’a rien perdu de sa ferveur revendicatrice et qui a bien du mal à se dégriser après son prix Nobel, des journalistes à l’affût du moindre faux pas d’un dirigeant, des professions libérales plus corporatistes que jamais, d’une extrême gauche accrochée à ses vieilles lunes, rêvant du dépérissement de l’Etat et du Grand soir et même du citoyen lambda, qui ne respecte pas les feux de signalisation, s’absente de son travail et se permet de squatter les terres domaniales, l’Etat tunisien se délite inexorablement. Né il y a trois mille ans avec Carthage alors qu’un pays comme la France n’était qu’une expression géographique, il a traversé sans encombre les âges, mais a trouvé toutes les difficultés du monde à chasser quatre pelés et trois tondus. C’était le scénario-catastrophe que personne n’avait prévu. Au fond, Petrofac aura été le révélateur de nos dérives, de notre incivisme. Le ciment de l’unité nationale s’est effrité sous la pression des égoïsmes. La révolution a libéré les vieux démons qui sommeillaient en nous. Il a suffi de gratter un peu pour qu’ils remontent à la surface. Le désenchantement gagne jour après jour du terrain. Le patriotisme est frappé de ringardise. C’est l’anarchie qui s’installe. Des appels à la sécession se font même entendre. Le scénario syrien n’est pas aussi improbable qu’on le croyait. On parle comme d’une fatalité d’une deuxième révolution.
Mais tout ce beau monde a-t-il pensé au jour d’après ? Les férus d’histoire n’hésitent pas à faire le rapprochement avec la révolution française de 1789 et le printemps des peuples européens en 1848 qui se sont terminés par la restauration des monarchies. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’était sans doute ce qui nous attendait s'il n'yavait pas eu ce dernier sursaut et cet instinct de survie qui nous a permis une fois de plus d'éviter le pire.
Hédi Béhi