La Maison rouverte de Bourguiba (Photos et Vidéo)
Mais où avait habité Bourguiba, après son retour de Paris en 1927 ? Nous connaissons la maison familiale de Houmet Trabelsia à Monastir où il est né, les palais de la rue du 1er Juin, de La Marsa et de Carthage, après son accession au pouvoir. Mais, y a-t-il une maison Bourguiba à Tunis? Et qu’est-elle devenue?
La famille et les vieux militants s’en souviennent encore: celle de la Place du Leader ( ), anciennement place aux Moutons. Elle est encore là, superbe, bien conservée, transformée en musée, récemment retapée et qui s’apprête à rouvrir ses portes, grâce aux équipes de l’Institut national du patrimoine (INP). De grandes dates de l’histoire du mouvement national y sont associées. Le 9 avril 1938, alité, corrigeant de son style à l’encre verte l’épreuve du journal l’Action Tunisienne publiant à la Une son article «Le Budget tunisien», c’est ici que la police française viendra le cueillir pour le conduire en prison. Le 18 janvier 1952, après tant d’années de prison, d’exil et de périple à l’étranger, c’est encore dans cette maison qu’il sera arrêté pour être envoyé à Tabarka en route vers l’île de La Galite. Le 1er juin 1955, rentré triomphalement de France, après la proclamation de l’indépendance interne, c’est toujours ici que le cortège historique formé à La Goulette le portera au milieu d’une marée humaine. La symbolique est forte: la maison Bourguiba de la place du Leader est un haut lieu de mémoire nationale.De retour à Paris avec sa jeune épouse Mathilde (Moufida) et leur bébé, Bibi Jr, Bourguiba installera provisoirement sa famille chez son frère, Si Mahmoud, qui avait acquis une villa meublée au Kram, en prévision de son mariage (il finira par y renoncer). Puis, ils emménageront pour une courte durée à La Marsa, avant de se décider à élire domicile au centre-ville de la capitale. C’est sur cette charmante petite maison de la place aux Moutons, (elle sera acquise par le pharmacien patriote Mohamed Habib Ben Hammouda qui en fera don à l’Etat le 18 juin 1967), qu’il portera son choix. Sophie Bessis et Souhayr Belhassen nous en instruisent dans leur excellent livre Bourguiba (Ed. Elyzad, 2012). L’emplacement, l’architecture, la décoration et le petit jardin intérieur en expliqueront les raisons.
En quittant le boulevard du 9 Avril pour aller vers La Kasbah et la Médina, contournez ce qui reste du fort, empruntez la rue qui mène derrière le ministère de la Défense, vers le château d’eau, prenez la première à gauche et laissez-vous descendre la pente vers Beb Mnara. La place du Leader s’offre à vous. A gauche, la faculté de la Zitouna et un lycée, à droite la mosquée El Haoua, au centre, un square en face duquel la Maison Bourguiba qui s’élève sur deux niveaux.
Comme si Bourguiba y habitait encore
La façade est dans le pur style néo- mauresque de l’époque, avec des murs en blanc, les ouvertures ornées de sculptures, la petite porte d’entrée en marron, alors que pour les fenêtres, le bois est en bleu et le fer forgé en noir.
Vous êtes chez Bourguiba. Qui mieux que Saloua Khadhar Zangar, directeur de recherche à l’INP, pour nous y accompagner en visite guidée. Au rez- de-chaussée, on trouve une petite pièce où a été installé le bureau que le Zaim utilisait dans son cabinet d’avocat, Boulevard Bab Souika, les chambres de Habib Bourguiba, de son fils Bibi et de son frère, Si Mahmoud. Les meubles sont bien conservés: lits, tables de nuit, armoires et autres fauteuils sont là. Des photos et copies de diplômes sont accrochées aux murs. Comme si Bourguiba y habitait encore, comme s’il allait y revenir tout de suite, se retirer dans sa chambre à coucher pour y faire sa sieste habituelle.
Les chambres ouvrent sur un petit salon donnant sur un jardin en guise de patio. Un petit couloir mène vers la cuisine où est aménagé un coin repas. Des escaliers mènent vers l’étage, réaménagé en espace d’exposition.
Les gardiens du temple
Saloua Khadhar Zangar connaît chaque coin et recoin et s’y est attachée. Cette femme est une battante!
Historienne, titulaire d’un doctorat obtenu à Bordeaux, elle aligne près de 40 ans de recherche.Elle a fait de la conservation du patrimoine national un devoir, une raison d’être. Quitte à sortir ses griffes, telle une maman qui protège ses enfants. On l’a vue à l’œuvre après 1987, puis encore lors du décès de Bourguiba, et récemment depuis 2011.
Tout ce qui relève de son périmètre est soigneusement inventorié et confié à son destinataire légitime: bijoux et cadeaux précieux à la Trésorerie générale, documents spécifiques aux Archives nationales et ce qui est de la compétence de l’INP. Avec des bons de livraison dûment signés. Mais, ce n’est pas son unique mérite. La préservation des lieux, leur restauration et leur mise en valeur constituent pour elle une véritable mission qu’elle accomplit avec la qualité du chercheur et la passion du patriote. Ses publications resteront précieuses. Une jeune historienne Sameh Srarfi est nommée conservatrice du musée. L’INP et ses équipes successives méritent hommage.
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