L’eau, sa rationalité et ses usages
Notre ami le professeur Larbi Bouguerra est un des auteurs de l’ouvrage collectif publié sous la direction du doyen et des chercheurs de la Faculté de philosophie de l’Université Jean Moulin Lyon 3 sous le titre « Usée, sale, impure. Rationalités, usages et imaginaires de l’eau » dans la collection « Transversales philosophiques » des Editions EME, Louvain-la-Neuve (Belgique), 2015).
Dans ce livre, les différents auteurs interrogent la façon dont se traduit, culturellement, à l’égard de l’eau, l’appartenance de l’homme à la nature, et la façon dont cette appartenance se coordonne dans ses versants épistémiques et pratique au sein des sociétés.
Dans sa contribution intitulée «L’eau et sa symbolique dans l’espace urbain arabo-musulman», Larbi Bouguerra a abordé l’organisation de l’espace arabo-musulman par l’eau dont la symbolique imprègne et structure les préceptes coraniques et la vie des musulmans. L’auteur revient ainsi sur l’histoire de la construction des villes arabo-musulmanes dont la problématique réelle de la rareté de l’eau s’est finement articulée avec le rôle symbolique qu’elle joue dans le Livre Saint. L’eau, rare, sacrée, purifiante, est ainsi le centre névralgique à partir duquel s’est construite la vie sociale et politique musulmane. On relève dans l’article de Larbi Bouguerra que Cordoue, capitale de l’Espagne arabe, pouvait pourvoir aux besoins d’une population de plus d’un million d’habitants grâce à l’agriculture irriguée à l’époque où la ville la plus importante au nord des Pyrénées était Londres qui ne comptait guère plus de 35 000 habitants. L’auteur cite le grand voyageur et géographe marocain Ibn Battûta (1304-1377) visitant la Syrie qui écrit: «Homs est une ville charmante dont les environs sont plaisants, les arbres verts, les rivières pleines, sa mosquée est particulièrement belle et renferme un réservoir d’eau. Je partis ensuite pour Hamâ, une des métropoles importantes de Syrie et une de ses villes merveilleuses dont la beauté est charmante et la grâce exquise. Elle est entourée de jardins et de vergers où tournent des roues hydrauliques pareilles à des astres. La ville est traversée par un fleuve important al Âsi (l’Oronte)». Aujourd’hui, hélas, Homs et Hamâ n’offrent plus que ruines et désolation.
Les jeux du pouvoir et de la politique pimentent fortement, bien entendu, la circulation et la distribution de l’eau dans la ville arabo-musulmane du Caire à Damas et de Fès à Bagdad en passant par Kairouan et Marrakech. Larbi Bouguerra cite un hydrologue connaissant bien l’Afrique du Nord qui affirme: «L’eau, au Maghreb, est l’amie du puissant».
Signalons pour conclure que, sur le thème de l’eau, Larbi Bouguerra a déjà publié notamment «Les batailles de l’eau. Pour un bien commun de l’Humanité» (traduit en arabe, anglais, espagnol et portugais), «Symbolique et culture de l’eau» (traduit en anglais), «Il y a loin de la coupe aux lèvres. Quand l’accès à l’eau devient un enjeu de gouvernance» (avec Khadija Darmame et Moussa Diop), «Travailleurs de l’eau», «La société civile mondiale à l’épreuve du réel» (avec Martin Vielajus)….Il a en outre préfacé ou introduit plusieurs thèses et ouvrages sur la problématique Eau.