Tunisie : Un pays franchement ingouvernable
Tout le monde a bien remarqué, sans doute, la multiplicité des réactions négatives au bref discours du Président de la République tunisienne, dans les journaux, la radio et les réseaux sociaux. Rares ont été les réactions positives. Ce constat étonne et inquiète lorsque les réactions émanent d’intellectuels, d’analystes politiques et d’hommes politiques.
Je ne suis pas de Nidaa mais j’ai voté pour lui. Agé de 73 ans, ou presque, je n’aspire plus à rien. Mon seul vœu est que mon pays se remette de cette crise profonde qui le secoue sur le plan sécuritaire, politique et économique, avant que je ne quitte cette vie d’ici-bas. Je n’adore pas les hommes fussent-ils des Bourguiba. Je les juge sur ce qu’ils ont fait de bien ou de mal à leur pays.
Lorsque vous entendez un « responsable politique » évaluer le temps qu’a consacré BCE aux trois problèmes urgents et graves qu’il a traités, dans son discours, a savoir le terrorisme, la Paix sociale et la crise qui secoue Nida pour lui reprocher d’avoir trop parler de Nida et ne pas avoir faire état des nouvelles mesures concrètes envisagées pour combattre le terrorisme, je demeure pantois.
S’attend-il, sérieusement, à ce que BCE, lise publiquement, les nouvelles mesures qui seraient prises dans peu de temps ?
Concernant l’épineuse question de la crise qui frappe Nida, il lui a été reproché de ne pas respecter la Constitution en intervenant directement dans les affaires d’un parti qu’il a quitté. Hier, on lui demandait pourtant de se dépêcher d’intervenir pour user de sa force morale afin que les frères ennemis s’entendent enfin et nous épargnent leurs querelles publiques.
Lorsqu’il s’agit du premier parti qui a remporté les élections et sur lequel pèse la lourde responsabilité d’instaurer un équilibre des Pouvoirs en vue de parachever le processus démocratique, de s’engager sur la voie ardue du développement et de mener une action de soutien, de mobilisation des énergies et de contrôle de l’action du Gouvernement, il faudrait être, irresponsable ou de mauvaise foi, pour ne pas le faire, car il y va de la stabilité de l’Etat et de sa crédibilité.
N’avons-nous pas intérêt tous, nidaistes ou non, à ce que ce contrepoids à Ennahdha perdure pour la pousser à réaliser plus de concessions sur la voie de sa transformation en parti séparant le politique du religieux et à tenir, à cette fin, son Congrès au plus tôt?
Dans l’opposition nous ne percevons pas de soutien franc à l’action d’un exécutif, issu pourtant d’élections transparentes et faisant de son mieux, sur le terrain, avec quelque lenteur, il est vrai.
Il est vrai que le Pouvoir refuse, à ce jour, de ressusciter le Conseil économique et social qui pourrait réunir toutes les tendances politiques à coté des experts, pour aider, par ses avis techniques consultatifs, et le Gouvernement et l’ARP.
Pourquoi cette opposition se cantonne dans un dénigrement systématique, refuse de mettre la main à la pate et s’évertue à mettre en exergue, publiquement, la moindre défaillance, à des fins électoralistes?
Par exemple, même si le lancement d’un appel d’offres péchait par une certaine défaillance, avait-on besoin d’étaler l’affaire en publique et de traiter un ministre, de menteur, en plein débat parlementaire?
Un élément constitutif de Nida a osé, en cette période délicate, éditer une vidéo, pour ajouter certains éléments qui auraient été retranchés à son intervention dans une série télévisée publique dominicale, pour remettre, à nouveau, en cause la santé du Président, créant ainsi le doute dans l’esprit du citoyen et introduisant un facteur supplémentaire d’incertitude sur la finalisation du processus démocratique ce qui pourrait accentuer la lenteur de certains pays à nous aider franchement à relever les défis qui se posent au pays.
Rappelez-vous que cette même personnalité avait parlé de Brutus côtoyant BCE.
Au «groupe des 31» qui reproche à BCE de n’avoir pas tenu ses promesses électorales en se rapprochant d’Ennahdha, je dis que votre action pourrait cacher, tout simplement, la volonté de certains d’entre vous de préparer l’après BCE, car celui qui sera aux premières loges du Congrès et donc du parti, pourra aspirer, demain, ou en cas de vacances, à mettre la main sur la machine électorale et donc sur le Pouvoir.
Ces frères ennemis qui se disputent, sans aucune pudeur et en public et qui usent parfois de moyens violents sensés être révolus, ont crée l’environnement favorable pour que l’UGET soit battue à plate couture par la partie adverse, chose qui est passée en silence et qui préfigure une défaite de Nida aux élections municipales.
Il faudrait être frappé d’une cécité politique, d’un égoïsme sans borne, d’une irresponsabilité absolue pour laisser Nida descendre cette pente glissante.
Nida n’a pas besoin de nains politiques et il se doit de nettoyer ses rangs. Le plus tôt sera le mieux.
Cette atmosphère délétère ne fait que renforcer Ennahdha à laquelle certains prétendent s’opposer à son hégémonie, suite à sa participation au gouvernement, ignorant, a dessein, que qu’une large frange de l’électorat a voté pour elle.
Les courants extrémistes qui la traversent et qui sont actuellement contenus, resurgiront, en cas de défaillance de Nida, et une fois au Pouvoir, ils mèneront leur politique de « réislamisation » du pays. Ce sera trop tard pour les en empêcher.
Faut-il être un génie pour comprendre ces enjeux?
Pour ce qui est de l’établissement d’une Paix sociale à laquelle BCE porte de gros espoirs, l’UTICA et l’UGTT doivent remettre leurs pendules à l’heure et être au rendez-vous de l’histoire, car le pays est à un tournant difficile et à bout de souffle.
Il faut savoir trancher, courageusement et dans le vif. Cela a trop duré!
Si l’UTICA se réfugie, à tort, derrière le taux officiel de l’inflation, il faudrait être techniquement stupide, ou carrément de mauvaise foi, pour ignorer que le panier et les pondérations qui servent au calcul du taux de l’inflation, ne collent plus à la réalité et gagneraient donc à être actualisés.
Si l’UTICA, aidée par l’INS, faisait ce calcul du taux de l’inflation réel, à deux chiffres je pense, elle pourrait faire un pas vers l’UGTT, nonobstant le fait que la décision a déjà été prise pour servir des augmentations salariales dans le secteur public ce qui était une erreur économique grave.
Par ailleurs, les chefs d’entreprises, adhérents ou non, à l’UTICA, se doivent de prendre pour exemple, un certain entrepreneur, qui a pu investir récemment, à Sidi Bouzid, sans attendre le rétablissement de la sécurité ou, la promulgation du nouveau code des investissements, mu surtout par l’esprit d’entreprendre, le courage et le nationalisme.
Ce déficit dans l’esprit d’entreprendre, créateur de nouveaux emplois, doit être comblé avant de demander à l’étranger d’investir.
En contrepartie, l’UGTT se doit d’œuvrer à mettre, enfin, un frein aux pressions excessives de sa base, traversée par un courant puissant de gauche, et empêcher ces grèves lourdes de conséquences économiques pour nos entreprises ou ne les réaliser qu’à l’intérieur d’un intervalle de temps restreint, pour ne pas freiner, ni la production, ni les services, sans oublier qu’elle doit tout faire pour que la productivité reprenne dans tous les secteurs, publics et privés, car en Tunisie, elle est des plus basses dans le monde.
La Tunisie était, à un moment donné, au même niveau de développement que la Corée du Sud. Voyez ce qu'elle est devenue aujourd’hui.
Oui, ce n’est pas hélas, le même peuple, la même mentalité ouvrière, le même profil d’entrepreneurs et les mêmes dirigeants.
La « révolution » n’a rien modifié sur ce plan!
Enfin, nos médias gagneraient à abandonner la recherche du buzz à des fins de renflouement de leur trésorerie et se concentrer sur les véritables problèmes du pays et de sa renaissance.
L’Etat devrait les aider financièrement pourvu que le secteur entame une action de formation de ses journalistes et s’en tienne, vis-à-vis du public, à une charte déontologique qui respecte, dans les faits, le droit à une information libre, vraie, courageuse et puisée à la source et relève le niveau des débats et donc des animateurs et des intervenants dans plus d’un cas.
Oui, ce pays est difficilement gouvernable.
Ni ce régime parlementaire qui a été imposé, ni ses acteurs politiques et médiatiques, ni sa justice n’ont été au rendez-vous de l’histoire.
Combien avons-nous encore de temps pour remettre les pendules à l’heure, dans un dernier sursaut de patriotisme, avant que les flots n’engloutissent la barque et ses occupants ?
1er déc.2015
Mokhtar el khlifi