News - 20.10.2015
Limogeage du ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aissa : chronique d’une rupture annoncée
D’habitude, Habib Essid n’aime pas chambarder ses équipes, laissant au temps le soin de leur imprimer plus de cohésion. A chaque fois où les médias le pressaient pour savoir s’il envisageait un remaniement ministériel, il avait pris l'habitude de répondre : « Quand c’est nécessaire ! » Le moment est semble-t-il arrivé et le voilà prendre de court les observateurs en limogeant son ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aïssa. Surprise pour certains, mais pas pour tous, tant des signes avant-coureurs laissaient présager cette rupture.
« C’est en fait l’accumulation d’une série d’incidents qui en est à l’origine », explique l’un des connaisseurs du sérail. Le tout dernier en date, son refus de se présenter mardi matin au nom du gouvernement à l’Assemblée des Représentants du Peuple devant examiner le projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature. En a-t-il été prévenu tardivement ? Voulait-il marquer sa désapprobation de tant de révisions apportées en commission sur le texte initial. Il s’en expliquera davantage sans doute mercredi à Midi show sur Mosaïque Fm.
Des tempéraments différents qui auraient pu cohabiter
Ancien doyen de la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, cet agrégé de droit qui bouclera ses 66 ans ce 1er novembre, avait connu une première expérience gouvernementale au lendemain de la révolution. Appelé par Béji Caïd Essebsi alors Premier ministre, il sera nommé, le 1er juillet 2011, secrétaire général du Gouvernement, poste qu’il n'occupera que pendant six mois, cédant la place à la Troïka. Très courte et très spécialisée, cette participation au gouvernement ne pouvait pas lui permettre d’appréhender l’ensemble des enjeux, mais lui en a donné un avant-goût.
Lorsque Habib Essid a été chargé de former son gouvernement, début 2015, plusieurs noms avaient circulé pour occuper le ministère de la Justice. Farhat Horchani, juriste, alors doyen de la Faculté de Droit tenait la corde, mais il ira au ministère de la Défense. Deux de ses prédécesseurs, Ghazi Jeribi et avant lui Rachid Sabbagh, avaient connu la même destination, la Justice, au départ, avant d’atterrir à la Défense. Un concours des circonstances lui vaudra d’être aujourd’hui chargé de l’intérim au ministère de la Justice.
Dire que le courant ne passait pas entre Essid et Ben Aïssa serait excessif. Mais, les tempéraments sont bien différents, même s’ils auraient pu cohabiter si la ligne rouge n'avait pas été franchie. L’économiste et agronome Essid est un homme de l’appareil, issu de la haute administration, qui ne laisse pas exprimer ses états d’âme et ne se prononce qu’en position officielle. Le doyen Ben Aïssa, lui, est très attaché à son indépendance d’universitaire, habitué à ne pas taire ses opinions personnelles et à transgresser s'il le faut, les procédures d’usage.
Entre l’officiel et le personnel
Visitant les prisons, dont il assure la tutelle, c’est beaucoup plus le militant des Droits de l’Homme qui s’indigne en lui que le ministre devant trouver les solutions, galvaniser les équipes et mobiliser les ressources. Interrogé par les médias sur une affaire d’homosexualité, il se prononce pour une dépénalisation et prône la révision de l’article 230 du Code pénal, mettant en difficulté le gouvernement qui n’en avait pas débattu. Le président de la République, en visite au Caire, sera obligé de le désavouer lorsque Lamiss Hadidi, journaliste vedette de CBC lui en posera la question. De crainte de choquer l’opinion arabe très conservatrice sur le sujet, BCE bottera en touche.
Auditionné au Bardo devant des commissions parlementaires, Ben Aissa s’épanche en confidences mentionnant des pressions à peine déguisées qu’aurait tenté d’exercer sur lui l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au sujet de l’accélération de l’adoption de certaines lois.
Un malaise profond
Est-ce suffisant pour constituer de vrais motifs de rupture, allant jusqu’au limogeage ? Les observateurs estiment que ces éléments n’ont fait que s’ajouter à un malaise profond qui règne au sein de l’appareil judiciaire et que le ministre n’a pu expurger. Le mouvement annuel a suscité de vives réactions, les syndicats et associations sont en guerre, les magistrats demandent protection pour pouvoir juger en toute sécurité, les tribunaux attendent mise à niveau et renforts en effectifs et équipements... La justice est malade.
Si personne ne met en cause la compétence et la probité du ministre Ben Aissa, beaucoup fondaient sur lui de grands espoirs. Une page est tournée. L’intérim, assuré par Farhat Horchani risque de durer plus longtemps que prévu. Le temps de désamorcer les tensions, d’apaiser les esprits et ... de trouver le successeur.
Taoufik Habaieb
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2 Commentaires
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Les Commentaires
julien - 21-10-2015 10:50
il a fait bcp de fautes en plus c'est un solitaire il fais pas partie de d'equipe, il travail seul, il a fais des propos contre la nature de l'homme je trouve que c'est une bonne décision de le limoger
godbane lotfi - 21-10-2015 13:55
Un ministre représente la politique du gouvernement, s'il n'est pas d'accord il se tait ou démissionne ( expression utilisée par un ancien ministre français ).
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