Opinions - 25.02.2010

Etre jeune tunisien aujourd'hui

Mourad DaoudNotre héritage, parmi les nations, réside dans la force de nos bras,
Des bras aussi durs que le roc de cet imposant édifice,
Et qui portent haut l'étendard du pays.


Ce n’est pas de moi, bien sûr, mais c’est une partie de moi. Comme cela est le cas pour toute âme de cette patrie. Un couplet que j’ai entendu chaque matin dans la cours de l’école jusqu’à finir par en comprendre le sens. Tel un texte sacré, je lui trouvais au fur à mesure une explication plus profonde. Dans mon imaginaire d’enfant, je voyais des bras musclés tenir un drapeau bien haut. Une vision toujours d’actualité sauf que je ne l’interprète plus de la même manière.
   
L’héritage est précieux et nous avons le devoir de le perpétuer. Cette force cumulée à travers les interstices du temps et l’espace est notre plus grande richesse. Notre bonne terre si elle n’abonde pas de quelques fossilités, elle a toujours regorgé de valeureux bras pour faire sa gloire. Au change, elle a gagné à troquer toutes les richesses non renouvelables contre cette énergie inépuisable. Et si certains reprochent à la Nature son avarice, ils oublient que l’Histoire a été bien généreuse avec nous.

Pas d’inquiétude, je ne vais pas vous refaire les 3000 ans d’Histoire. Juste un rappel de ce que nos aïeuls directs ont accompli suffira. La République.

Notre génération est venue au monde trouvant écoles, hôpitaux et routes. Khobz makhbous o zit fil kouz (du pain pétri et de l’huile plein les amphores). La population n’était pas aisée certes, et le confort rudimentaire. Mais l’essentiel y était. On mangeait et s’instruisait à sa faim. Le pays évoluait et nous avons eu la chance de vivre sa mutation vers le meilleur. Et si nos grands-pères ont enfanté la république, nos pères sont nés avec, nous avons grandi dans sa nouvelle ère. Une ère basée sur le renouveau continuel. Tel était l’esprit qu’on nous a inculqué. Le changement n’est pas une affaire ponctuelle. C’est au quotidien qu’on doit travailler à le concrétiser. On nous a également été éduqué à la culture des étapes. Tout doit prendre son temps, pas de précipitation, des décisions réfléchies et des actes solides.

Une seule recette pour relever les défis: le travail

Telle est notre formation.

Aujourd’hui nous sommes ces bras, cerveaux et esprits préparés pour maintenir l’étendard bien haut. Ce ne sont pas là de mots négligeables. Sérieusement… c’est à nous jouer.

Les défis de taille ont changé, il ne s’agit plus de libérer le pays ni de combattre l’analphabétisme ni de vacciner les nourrissons. Les bases sont déjà établies. Le devoir de notre génération est de continuer la construction de cet édifice inébranlable.
Comment ?

C’est éternellement la même recette: le travail.

Travailler sous toutes les formes et coutures sans relâche. Tout type de sain labeur est le bienvenu. Quel que soit son niveau, d’où l’on vient, ses ambitions, ses connaissances,… On a le devoir de laisser sa trace pour sa patrie. Du méga geek à celui qui réinventera la gargoulette magique. De celui qui apprend le civisme à ses enfants à celui qui veille sur la cité. Agriculture, culture, culturisme et moult autres cultes. Dans tous les domaines, chaque bonne contribution compte. De son lorgnon, on ne voit pas forcément l’impact. Alors que, cumulé, celui-ci est formidable. Et puis, nul besoin d’être philanthrope, parce que chaque individu en bénéficiera in fine. Le progrès et la réputation d’un pays profitent à ses citoyens, et inversement. Vous-même, vous faites confiance aux produits de tel pays plus que d’un autre. Vous tenez spontanément en estime les individus d’une telle nationalité plus que d’une autre. Semblable à un nom de famille, notre origine peut devenir un label. Et comme se faire un nom, on donne un renom à son identité.

Bnedem ‘alih el harka o rabbi ‘alih el barka
(à l’homme d’agir, à Dieu de bénir). Et je rajouterai à ce proverbe « à l’Etat de garantir ». Puisque tout effort serait vain si la Liberté, l’Ordre et la Justice n’étaient pas garantis. Tel est le défi de notre génération, bénie soit-elle : agir et garantir. Le combattant suprême n’a-t-il pas appelé au Grand Combat celui de l’action pour le développement, encore plus ardu que celui de la lutte pour l’indépendance. L'homme du Changement n’a-t-il pas, à juste titre, prononcé ce verset parmi ses premiers mots de chef de l’Etat ; « Et dis, oeuvrez, car Dieu va voir votre oeuvre, de même que Son messager et les croyants ». Les pères de notre nation ont eu la clairvoyance d’exhorter l’effort de chacun pour le salut de tous. Nous ne comptons pas sur la bienveillance de la Nature, de la Providence ni de qui ou quoi que ce soit d’autre.

Lorsqu'un jour le peuple veut vivre, force est pour le destin, de répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper, force est pour les chaînes de se briser


Pareils à nos prédécesseurs nous devons consolider les acquis et en procurer de nouveaux pour nos successeurs. La République, cet édifice imposant puise sa vigueur dans l’engagement qu’on lui consacre. Notre premier devoir sera de le maintenir et de renforcer. Caution de la sécurité, assurance de l’égalité et gage de l’agrément de vivre. Cela peut paraître évident comme réflexion mais il est de notre devoir solennel de perpétuer ces droits républicains basiques.

L’école, la santé, l’égalité homme-femme, l’infrastructure,… sujets épars mais tous liés. Aucun d’entre eux n’a cessé de connaître une évolution linéaire. Notre ambition doit être de persévérer sur ces sujets. Arrêter d’évoluer, c’est réellement régresser. Car les autres nations sont en course soutenue vers le progrès. Nous ne nous contenterons pas d’être dans le sillon, nous avons le devoir de tracer le nôtre.

Le Maghreb, ce doux rêve d'union

Alors, évidemment, exit tout nationalisme exacerbé. De toute manière, ce n’est pas des préceptes que nous avons reçus. Nous avons toujours été un peuple ouvert, accueillant et bien accueilli. Nous avons su intégrer les migrants et nous intégrer en immigrant. Là aussi, nous nous devons de conserver ce crédit. D’ailleurs, et l’Histoire le prouve, se renfermer n’a jamais réussi à quelque peuple.

Particulièrement à notre époque où être en dehors de la bien fameuse mondialisation, c’est être "out" tout court.

L’ouverture doit commencer, sans surprise, par resserrer les liens avec nos voisins. Le Maghreb Arabe, un doux rêve d’union qui ne ferait que formaliser l’unité existante. Nous partageons avec nos voisins un vécu et un présent commun; nous avons souvent même été une seule contrée au fil des époques. Aux frontières, les tribus sont cousines et l’accent si proche à se confondre. Tout cela pour dire que les prédispositions ne manquent pas et que les murs qui nous séparent aujourd’hui doivent être démontés brique par brique pour en bâtir un espace commun. Et au-delà de la portée supra patriotique du projet, il y est aussi un grand bénéfice économique. Il est indiqué qu’en 2006, la part des échanges intermaghrébins n’a représenté que 2,6% du total des échanges de l’UMA (Union Maghreb Arabe) avec le reste monde. La même année, la Banque Mondiale a estimé que « l’absence d’intégration économique au Maghreb représentait un manque à gagner qui ferait perdre aux pays de la région 1 à 2% de leur PIB ». Foultitude de chiffres, mais la réalité ce sont les entrepreneurs ou simples individus qui en témoignent le mieux. Cet artisan tunisien qui a atteint sa limite de production et qui se heurte à mille et un obstacles pour vendre sa production outre Khemir. Ce marocain qui, petit, faisait directement Oujda-Tunis en train, doit maintenant parcourir terre et air puis payer bien plus cher.

Notre génération doit continuer le travail entrepris jusqu’ici pour accomplir l’union de sorte à réaliser ce Maghreb gaillard qui interagira à son tour avec des partenaires de tous bords. Ce n’est pas une mince affaire et les considérations réelles dépassent la douceur du rêve. Mais cette idée n’est pas utopiste non plus. Puis, dans tous les cas, nous sommes condamnés à s’unir sinon à en pâtir. Nous serons maghrébins, ou nous serons malingres.

Au final, malgré ce qu’est avancé, nos challenges et nos ambitions ne sont pas bien différents de ceux de nos ascendants. La barre est juste plus haute. Rien de surprenant puisque tout se fait dans la continuité chez nous, même le renouveau.

Cet étendard qui fait notre fierté et qui est lui-même fier d'être porté par nous.
Des bras qui nous propulsent vers les plus hauts sommets
De la gloire et de la grandeur,
Qui nous garantissent la réalisation de nos vœux


                                                                                                                                                                Mourad Daoud
 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
2 Commentaires
Les Commentaires
Mayess MARRAKCHI - 01-03-2010 10:25

L'union du Maghreb Arabe, sur tous les plans, est une nécessité absolue pour un développement économique considérable. Merci Mourad. Mayess MARRAKCHI

Braiki ahmed - 01-04-2010 00:55

Si on va parler de l'effort de l'état pour les jeunes dans tous les domaines, il nous faut écrire des pages et des pages mais je veux parler du domaine de l'éducation et de l'enseignement qui a amélioré la situation de beaucoup de familles de la pauvreté à la richesse par la grâce de Dieu et les efforts consenties de l'état (qui ne sait pas remercier un bienfaiteur ne saura pas remercier Allah). Les jeunes tunisiens depuis 1956 ont eu beaucoup d'attention de l'état tunisien.Personnellement je suis allé à l'école aux années 60 et on prenait notre petit déjeuné gratuitement à l'école avant d'entrer en classe et nous disposions des différentes aides surtout les fournitures scolaires(on était issu de milieu pauvre).L'état veillait à notre réussite.A l'université au début de l'année 1973 nous bénéficions de bourse de 30 dinars qui représentait à l'époque un salaire important certains d'entre nous aidaient leur famille avec cette bourse.Le pays à cette époque avaient besoin de cadres moyens ce qui fait que la réussite aux universités était moyenne surtout pour le 1er cycle.La 2ème république avec Ben Ali a gardé ses acquits de la jeunesse qui sont un lourd fardeau pour tout état de l'envergure de la Tunisie ;les pays riches n'ont pas fait ce sacrifice;et a opté pour l'amélioration de la réussite estudiantine,chaque année de milliers de lauréats sortent des universités munis de diplômes;lancement de programmes de formations ,de mise à niveau et surtout ces dernières années encouragement des jeunes à créer leur propre société.Le remerciement de ces jeunes à la Tunisie consisterait à bien penser à donner plus pour ce pays par l'abnégation au travail à favoriser le le devenir du pays avant le profit personnel qui n'est pour autant oublié,depuis plus de quinze ans , bon an mal an ,nous avons des augmentations salariales chaque année.

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.