Tunisie-Libye: un Haut comité, la fausse bonne idée de Mohsen Marzouk
L’idée de Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nidaa Tounés de mettre en place un « Haut comité » pour prendre en charge les relations de la Tunisie avec la Libye, en raison de la «complexité du conflit libyen» est-elle dictée par des considérations personnelles en lien avec les rapports difficiles qu’il entretient avec son prédécesseur au sein du parti au pouvoir et ministre des affaires étrangères Taïeb Baccouche. Car elle est basée sur une critique à peine voilée à la diplomatie tunisienne qui, dit-il sans détours «n’a pas mis en place une stratégie globale, cohérente et équilibrée sur le conflit libyen» en même temps qu’elle présuppose que la crise libyenne «ne relève pas uniquement de la diplomatie», allant jusqu’à affirmer que «les relations non diplomatiques peuvent se révéler plus efficientes que la diplomatie».
Enfonçant le clou, il estime que le Haut comité proposé doit outrepasser le ministère des affaires étrangères puisqu’il insiste pour qu’il inclue les ministères de la défense et de l’intérieur avec la participation d’hommes d’affaires. D’ailleurs selon certaines sources, le président de l’UPL, parti de la coalition gouvernementale et homme d’affaires ayant fait sa fortune en Libye, Slim Riahi serait pressenti pour présider ce Haut comité.
Il faut dire que l’idée de Mohsen Marzouk n’est pas une nouveauté dans les relations tumultueuses entre la Tunisie et la Libye tout au long du règne du colonel Mouammar Kadhafi. Après l’accord mort-né de Djerba en janvier 1974 prévoyant une fusion pure et simple des deux pays en «une république arabe islamique» avec un « seul drapeau, un seul gouvernement », il a fallu improviser pour tempérer les ardeurs unionistes du bouillant colonel libyen. Après les deux épisodes peu glorieux de rupture des relations diplomatiques, la première fois fin janvier 1980, suite à l’attaque de Gafsa par un commando préparé, entrainé et financé par la Libye et la seconde fois en septembre 1985 en conséquence à l’expulsion dans des conditions humiliantes de dizaines de milliers de travailleurs tunisiens de Libye, il a été décidé de créer au cabinet du ministre des affaires étrangères, une cellule de suivi des relations avec la Libye confiée à un diplomate chevronné connaissant les dédales des relations tuniso-libyennes. Pour lui permettre d’agir auprès des autres départements avec l’efficacité requise le chef de la cellule de suivi avait rang de secrétaire d’Etat.
Le premier chef de cette cellule fut M. Ahmed Ben Arfa, auparavant secrétaire d’état à la coopération internationale auprès du ministre des affaires étrangères.
De fait, un comité chargé des relations avec la Libye serait une bonne idée dans la mesure où il serait placé sous l’autorité du ministre des affaires étrangères pour assurer la cohérence requise avec les autres volets de la diplomatie tunisienne à l’échelle régionale ou mondiale.
Que de représentants d’autres départements comme l’Intérieur, la Défense nationale mais aussi le Commerce, la Coopération et d’autres en fassent partie quoi de plus normal. L’apport des hommes et femmes d’affaires ainsi que d’autres corporations comme les avocats ou les médecins serait un atout supplémentaire pour lui permettre d’embrasser tous les domaines concernés par les relations tuniso-libyennes.
La fausse bonne idée de Mohsen Marzouk peut se révéler intéressante si ces conditions sont réunies.
Raouf Ben Rejeb
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