Hommage à ... - 01.02.2010

Guelbi : … et le cœur cessa de croquer !

Billettiste tranchant, Mohamed Guelbi (68 ans), a rendu l’âme, dans la nuit du samedi à dimanche, après un long combat contre la maladie. Rien ne prédestinait cet agencier, journaliste à l’Agence Tunis-Afrique de Presse, rompu à la rigueur des dépêches informatives strictes, à une brillante carrière de billettiste, sur les traces de Robert Escarpit du «Monde», ou encore, sur un autre registre, d’André Frossard et Adel Hammouda.

Flânant, dans les années 70, sous les ficus de l’avenue Bourguiba où se trouvait le siège de l’Agence TAP, sa tournée des grands ducs accro au café et au tabac, le conduisait de groupes en groupuscules, jusqu’à atterrir, rue 18 janvier, au siège du journal Ech-Chaab, organe de la centrale syndicale. Il y remettait à son directeur, feu Hassan Hammoudia, sa célèbre « Harboucha », une pilule explosive, difficile à avaler pour ceux qui en font les frais, et véritable délice pour les masses ouvrières.

« Gardez-moi au poste de police »

En quelques mots d’une intelligence exquise, il affutait les flèches les plus incisives. Tout y passait, le Tunisien et son caractère, la société et ses égoïsmes, la politique et son hypocrisie, la vie et ses surprises. Brides abattues, il ne se privait d’aucune liberté. Sans être iconoclaste, il savait se tenir irrévérencieux, percutant, toujours d’aplomb. Sans jamais avoir été inquiété, même si son angoisse légendaire (le stress positif des véritables créatifs), lui faisait craindre mille représailles de tous bords, surtout du temps des extrémistes.

Surpris un soir de couvre-feu, en plein centre de Tunis, il n’a pas trouvé mieux que d’aller se réfugier dans un poste de police, implorant d’y être enfermé jusqu’au matin. Les policiers qui l’avaient reconnu et apprécient son humour, n’avaient pas manqué, pour le taquiner un peu, de lui rendre la pareille en s’excusant de pouvoir l’héberger et l’invitant à jouir de sa liberté. Il finira par passer la nuit avec eux, en hôte bien chouchouté et fort amusant.

Les épices de son Cap-Bon natal

Secoué par ces évènements, mais toujours irréductible, il traversera l’avenue Bourguiba pour aller au quotidien Assabah où le fondateur Habib Cheikrouhou lui réserva un bon accueil. Savourant ses coups de griffes, il installa son billet à la Une sous le titre de « Lamha » (Flash), qui deviendra rapidement le complément indissociable du café matinal. Longtemps, il y croquera avec talent et inégal jeu de mot, tout ce qui lui tomba sous l’attention, jusqu’à devenir une véritable institution.

Beaucoup de rédacteurs de discours, de slogans publicitaires et de confrères pensent à lui avant d’écrire leur prose, redoutant de se retrouver dans son collimateur et de s’y faire épingler. Puis, au fil des ans, la maladie rongeante, il se fera moins assidu, plus rare, passera en page intérieure et finira par se réfugier dans le silence. D’autres s’essayent à présent sur son registre. Il leur manque encore le piment de son Cap-Bon natal. Les Tunisiens adorent les épices, la presse aussi. Mohamed Guelbi manquera à l’intelligence, à l’humour, à la presse.
 

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4 Commentaires
Les Commentaires
azaiez nasser - 03-02-2010 08:26

ALLAH yar7mou il etait un grand homme!!il va beaucoup nous manquer

Tijani Haddad - 03-02-2010 21:47

J'ai pleuré Mohamed guelbi autant que ses proches,ses collègues,ses amis et ses fans. Seulement ma peine est d'autant plus immense qu'il a été,il y a trois décennies, mon complice dans le lancement du magazine pour enfants "Kaous Kouzah" .Il s'est embarqué avec moi dans cette grande aventure journalistique aux côtés de si Taieb Triki, Habib Bouhawel,Chedly Belkhamsa, Abdelkader Chelbi et Tahar Fazaa. Ce fut grâce à cette belle entreprise que Mohamed Guelbi s'est révélé un grand scénariste pour dessins animés ralliant l'art du verbe à la pédagogie enfantine. Repose-toi ,cher ami ,dans ta dernière demeure ,tes empreintes dans "Kaous Kouzah" sont encore vivantes et témoignent de l'un de tes innombrables talents.

jabri mariem - 04-02-2010 11:43

je n'est pas connu si MOHAMED GUELBI en personne,mais suffit de lui lire"Lamha" pour comprendre de qui on parle. je suis au courant de quelques petits détails à travers sa famille. "meme enterré tu merites tout le bonheur":pour tous ceux qui t'aiment tu est encore vivant.

Olfa Youssef - 04-02-2010 16:56

Un hommage du coeur de la part d'une lectrice admiratrice parmi tant d'autres...Repose en paix...

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