Crise de l’enseignement : Réflexions de la mère et de l’enseignante que je suis !
Je me joins aux nombreux citoyens indignés par cette grève des enseignants du secondaire. Par cette rubrique,je souhaite apporter ma réflexion et mon témoignage en tant que mère d’enfants scolarisés et en tant qu’enseignante.
Nul ne peut nier la situation dégradée de l’enseignant en général, ou alors c’est regarder avec des œillères. La situation est ce qu’elle est, résultat de l’accumulation de manquements et ce n’est pas le fait d’une seule partie.
D’abord les enseignants aux abonnés absents quand il s’agissait de défendre leur profession sous la dictature. Mal payés, ils ont trouvé pour certains la possibilité d’améliorer leurs émoluments en assurant le service minimum et en partant à la quête d’heures supplémentaires dans les institutions privées ou en cours particuliers ; cela ce faisant au détriment de leurs tâches pédagogiqueset de leurs investissements dans l’amélioration des programmes et l’encadrement des enfants, élèves et étudiants. Pour d’autres, la léthargie qu’a connue le système éducatif les a démotivé et rendu aigris et d’autres plus contestataires ont été marginalisés.
Pour leur part les parents ont contribué à la fragilisation de l’enseignement public et à l’éclosion du commerce des institutions privées (écoles, lycées ou facultés).Les parents les moins bien lotis observentla situation avec désolation sans pouvoir être d’un secours à leurs progénitures.Rajouter à cela les conditions difficiles des familles des zones rurales qui ne pouvant subvenir aux besoins de leurs enfants, mettent un terme à leurs scolarisations. Le résultat de l’iniquité dans l’éducation a été la cause de la panne de l’ascenseur social que bien des tunisiens ont pris et dont l’actuel ministre de l’éducation,dans une émission,a déclaré avoir été un heureux bénéficiaire ; on attend donc de lui qu’il travaille à le remette en marche.
La brise des libertés, acquis de la révolution, a permis aux institutions universitaires de se structurer par la voie démocratique c.à.d. par voie d’élections (même si à mon avis la loi électorale est à revoir). Le système éducatif a sans équivoque profité de la phase constituante. Les bénéfices ont étéla constitutionnalisation de l’éducation,de l’âge minimum d’instruction des jeunes,du droit de grève et des libertés académiques. A la charge des législateurs de mettre en place les lois réformant le système éducatif, au staff éducatif, ses structures et la société civile intervenant dans ce domaine, de penser cette réforme, au staff administratif et éducatif de l’appliquer et aux parentsde se regrouper dans des associations de parents d’élèves par le biais desquelles ils peuvent intervenir dans le processus. Mais, ces réformes tardent à venir !Au point ou les étudiants du supérieur (les élèves ingénieurs) ont observé récemment plus d’un mois de grève demandant une meilleure formation et l’harmonisation des accès aux cycles d’ingénieurs entre les formés du public et du privé. Ces tâches et réflexions d’habitude dévolues aux corps éducatif (enseignants et leurs structures) et au ministère de tutelle, ont été saisies par les étudiants, les concernés ayant tardés à étudier la question.
Les programmes sont absolument à revoir et en premier lieules programmes des branches scientifiques qui contribuent à former de la chair au djihadiste. Il faut repositionner le jeune dans son environnement, dans sa culture, l’amener à la maitrise du savoir et pallier au manque de culture générale.
Mais qu’en est-il de l’élève ? Entre public ou privé son quotidien est le même : une surcharge horaire et de travail individuel rendant difficile toute autre activité sportive ou culturelle et réduisant son éveil a minima. Le jeune passe les journées, les semaines, l’année stressé par le poids des attentes des parents et un rythme effréné avec des enseignants pas tout le temps au meilleur de leur forme.
Alors oui il faut que tout cela change.
Il est temps d’arrêter ce nivellement par le bas!
Il est temps que les enseignants retrouvent la joie d’exercer leur métier et les apprenants celle d’être formés tout en s’épanouissant.
Les réformes sont à engager avec courage même si elles ne servent pas le corporatisme de certains.
Mais aujourd’hui est aussi l’heure de lareconstruction dupays.
Face aux caisses vides et à la situation financière difficile, il estindécent de parler augmentation de salaire.
Trouvons une solution raisonnable au conflit actuel en attendant des jours meilleurs et surtout épargnions un surplus de stress à nos jeunes.
Nihel Ben Amar
Professeure, en Génie Chimique
Docteur en Génie des Procédés Industriels, Ingénieure énergétique
Membre du bureau exécutif de l’Association Tunisienne des Valeurs Universitaire, ATDVU
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