Les moyens de paiement européens traités en Tunisie
Avant d’être compensé, un chèque remis à Tourcoing ou Bordeaux est traité à Tunis, si ce n’est pas à Gabès! En moins de deux heures seulement. Un dossier de prêt bancaire en France, de sinistre à régler par une compagnie d’assurance, transite souvent par la Tunisie pour prise en charge (saisie, vérification, etc.) avant d’être retourné pour validation et décision. L’industrialisation des métiers de la banque et des assurances s’implante en Tunisie, créant de premiers gisements d’emplois qui s’annoncent prometteurs si on sait s’y préparer.
Dans ces locaux feutrés de la Charguia, à quelques encablures de l’Aéroport de Tunis-Carthage, l’ambiance est douillette, sous la brise des climatiseurs. L’accès est ultrasécurisé. Impossible de franchir le seuil sans un badge spécial pour chaque zone. Une plateforme réunit en rangées successives une vingtaine de postes de travail tous équipés d’ordinateurs reliés à de super-serveurs. Silencieux, le regard concentré sur l’écran et les doigts sur le clavier, des jeunes scrutent minutieusement les chèques et bordereaux qui défilent sous leurs yeux. Vérifier, saisir et traiter des actes de gestion, grâce à des applications spécialement développées. Tout est alors repris par les serveurs, mis en cohérence et transmis au client.
Nous sommes dans les locaux d’Allisone, une société spécialisée dans la gestion des opérations back-office des acteurs du secteur financier (banques, assureurs, intermédiaires, mutuelles, IRP ...). «Nous intervenons sur l’ensemble des opérations depuis la gestion des flux jusqu’au traitement des actes de gestion», explique à Leaders son fondateur et directeur général, Pascal Cochard. Notre offre consiste à développer la flexibilité de l’entreprise par la rationalisation des processus opérationnels», ajoute-t-il. Fort de son expérience en France, pour le compte de grandes banques et compagnies d’assurance, il a choisi le Maroc et la Tunisie comme têtes de pont pour son expansion sur le continent africain et le voilà s’implanter également en Côte d’Ivoire.
Une trilogie gagnante
«Le Business Process Outsourcing (BPO) qui est ainsi lancé en Tunisie, dit-il, peut constituer un véritable levier d’emploi et de développement technologique. Les atouts en main sont multiples : une bonne infrastructure de télécommunication et des jeunes, bien formés, qui n’attendent qu’à être perfectionnés dans ces techniques pour offrir un bon rendement et se constituer une bonne expérience pour leur avenir. Plus, l’implantation de pareilles plateformes ne se limite pas uniquement à la capitale, mais bénéficie également à des régions éloignées, comme nous venons de le faire. Après notre première expérience à Tunis où nous employons plus de 60 personnes, en rotation de 3 x 8 heures, 6 jours sur 7, nous disposons à présent d’un centre à Gabès qui emploie actuellement une vingtaine de personnes et pourra monter rapidement en puissance pour doubler ses effectifs». Technologie avancée, process perfectionné et coûts optimisés : la formule ne peut qu’être gagnante. Le client européen aura ainsi moins de temps à passer dans la gestion, temps qu’il pourra consacrer à la validation. Le facteur coût est également important : quand on connaît les charges que représente un gestionnaire dans une banque ou une compagnie d’assurance en France, on réalise l’économie gagnée. En outre, le plus, c’est la compétence des Tunisiens une fois bien imprégnés du process développé par Allisone et attentivement suivis par leurs superviseurs.
Où en est la Tunisie ?
Pour se développer à l’international, l’externalisation des services back office doit d’abord se confirmer en local. Le meilleur argument pour promouvoir le potentiel de la Tunisie et sa compétence en la matière est de montrer la réussite de ces services dans le pays même et leur adoption par les banques et assurances tunisiennes. Or, celles-ci en sont-elles adeptes ? Très peu pour le moment, révèle l’enquête menée par Leaders. Nous sommes encore au premier stade à travers la création d’unités centrales au sein de ces établissements en s’acheminant, au mieux, vers des centres de coûts partagés. Pourquoi ? Manque de sensibilisation ? Vieux réflexes de conservation de ces activités en interne? Peu de confiance ? Tout à la fois, peut-être !
«Double pénalité alors, s’exclame un spécialiste. Les banques et assurances, à commencer par elles, se privent ainsi d’un levier de compression de charges et d’accroissement de performance. Et toute une nouvelle activité de services à technologie avancée, avec une grande capacité d’emploi et d’exportation qui n’arrivera pas à décoller. Notre pays risque de perdre ainsi l’occasion de devenir une grande plateforme spécialisée pour une partie importante de la région et de l’Afrique subsaharienne.»
Un congrès international dédié
Attentif à la question, Mounir Beltaifa, président de Bridgers One, cabinet de consulting renommé à Paris et opérant dans de nombreux autres pays, estime qu’on ne doit pas rater cette opportunité. C’est pourquoi il a pris l’initiative de travailler avec des proches, notamment, Karim Hajjaji, vice-président finance de Conect France, sur l’opportunité de tenir à la rentrée prochaine en Tunisie un congrès international pour l’industrialisation des métiers de la banque et leur intégration avec l’assurance et les TIC.
L’idée serait d’intéresser des banquiers mondiaux, régionaux et tunisiens, en positionnant solidement notre pays dans ce créneau porteur. A partir d’un benchmark mondial des métiers de la banque et des bonnes pratiques innovantes, il s’agit d’identifier les défis de l’industrie bancaire face aux exigences réglementaires et aux risques opérationnels en tenant compte des enjeux de la relation client et de l’optimisation du produit net bancaire.
L’objectif serait alors de définir les contours de l’industrialisation en spécifiant les traitements de masse et les services devant être externalisés.
Le projet initié par Beltaifa fait son chemin et gagne à être soutenu tant par les autorités tunisiennes que par la profession des banques et des assurances. Tout un nouveau secteur en naîtra.
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Alors comment se fait-il que lorsque je fais un virement, en euro, de mon compte français sur mon compte tunisen le délai est au mieux de 7 jours à partir du moment où mon compte est débité ?