Opinions - 08.05.2014

Le syndrome Karboul

L’arrivée intempestive, tempétueuse de Mme Karboul au gouvernement provisoire a causé dès les premières heures une agitation névrotique  politico-médiatique.

La «Karboul-mania» se le dispute depuis à  la  «Karboul-psychose»,dans un délire qui s’apparente aux troubles bipolaires maniaco-dépressifs qui se seraient emparés de l’humeur politique. Il est bien connu que les maniaco-dépressifsoscillent par alternance entre  euphorie et mélancolie.

Un syndrome qui semble décrire en épiphénomène les symptômes del’inconséquenced’unesociété bousculée  qui se cherche sur le chemin chaotique d’une démocratie en genèse. En creux, le malentendu  persiste à produire entre modernité et réaction,la cacophonie  des dérangés du changement. En crête culmine,  la figure symbolique de la femme en «nue -propriété» pour l’Eternel masculin, en «sainte-ni- touche» pour les pas francs du collier.

Mme Karboul, est décriée jusqu’à l’insulte par  les uns, adulée jusqu’à l’idolâtrie par d’autres. Pourquoi ?
Rappelons qu’à la  veille de  sa prise de fonction au ministère du tourisme elle  a été mise en cause. Le procès d’intention était bien là.Plusieurs débarqués du néo-ancien régime  ont été assaillis par  «la tourista» à en vomir. Sitôt nommée,  une polémique éclata autour d’un voyage en Israël où elle s’est rendue en 2006. Certains députés de l’ANC l’accusèrent d’agir pour la normalisation avec les sionistes. Il ne fallait pas plus d’arguments pour que les mêmes députés empruntent la voix criarde  et insolente de Gassas  appelant à sa démission des suites de la visite de croisiéristesisraéliens en Tunisie. Comme un seul homme  81 députés - dont des femmes-  déposent une motion de censure  prévue pour le 9 Mai à son encontre en raison de l’entrée en Tunisie de pèlerinsisraéliens à destination de la Ghriba. Faut-il rappeler que sous le gouvernement de la Troïka des israéliens ont pu faire ce pèlerinage sans  que cela ne remue ni ménage, ni  méninges : Un manège.

Il faudra donc chercher ailleurs ce qu’on lui reproche. Elle est une femme, diplômée, jeune, avec de la prestance, a dirigé une entreprise internationale, n’a pas froid aux yeux, bouscule les codes guindés de la baronnie politique jusqu’aux signes vestimentaires, parle sans langue de bois et s’est autorisée dès sa prise de fonction de congédier un homme: le directeur de l’office du tourisme.Elle a été à la tête d’une délégation à Djerba pour initier une campagne de propreté  en djean et tee shirt. Elle se permit  en plus d’interpeller les responsables locaux,  dont le gouverneur  venus l’accompagner en costards et  cravates en leur disant: «Vous êtes habillés pour un mariage ou pour nettoyer ?». Une insolence de trop, encore une, à l’ encontre des  hommes.L’humour, la vivacité d’esprit ne sont synonymesni de frivolité ni,d’irrévérence, ils sont compatibles avec la gravité de la fonction si tant est la compétence disponible. Personne n’a encore entamé un procès en incompétence à Mme Karboul. L’on ne pourrait pas en dire autant des autres ministres qui l’ont précédée.

Le femme qui dérange

C’en est trop pour des député(e)s conservateurs (trices) qui n’ont pas gobé sa sortie remarquée  lors du festival «libertaire» de musique électronique de Nefta aux coté de Jacques Lang. Elle représente tout ce que l’imaginaire conservateur abhorre: l’insolence de la liberté incarnée par une femme tunisienne alors que d’autres victimes «consentantes» se soumettent au  Jihad Ennikah en Syrie. La contradiction est intenable, donc : comportement condamnable. La piste antisioniste est bien balisée depuis des lustres dans les pays arabes où la liberté de blâmer se limite à désigner Israël comme unique source de tous nos maux. Un fonds de commerce que tous les dirigeants arabes ont fructifié sans vergogne sous l’empire de leur indigence, incurie,  incompétence,duplicité, corruption et autoritarisme. Que les nahdhouis s’offusquent de la prétendue «Normalisation» avec Israël conduite en sous-main par Karboul, c’est "Normal ", en omettant de dire que la Turquie leur référent islamo-Califal a normalisé ses relations avec Israël. M. Erdogan très proche de M. Ghannouchi sera en visite officielle  dans les prochaines semaines  à Tel Aviv, invité par  la colombe Netanyahou. Faut-il aussi déposer une motion de censure contre le 1 er ministre Jomaa qui est allé  déguster un «Fricassé» à Belleville, fief des juifs tunisiens  chez Gabin (un restaurant tenu par un juif tunisien à Paris). Dans le même sillage,  aussi paradoxalement que cela puisse paraitre des femmes tunisiennes modernes et supposées progressistesn’ont pas cessé de critiquer le style Karboul, trop décontractée, trop «m-a-t-on-vue». Cela ne se fait pas quoi!

Mme Karboul dérange  certaines femmes parce qu’elle va là où elles n’ont pas pu aller, là où elles ont composé avec la domination masculine, là où il ne faut pas transgresser les codes phallo-misogynes. Libres!  D’accord,   mais point trop n’en faut. Le compromis qu’ont trouvé certaines de nos compatriotes avec leurs maris, grands frères, fiancés pour compromettant, il permet néanmoins  de sauver les apparencesd’une modernité biaisée par une liberté  admise et non totalement acquise. Mme Karboul  est de trop dans une transition bégayante qui n’est pas que politique, elle est profondément sociale, sociétale, psychologique. Mme Karboul est le reflet d’un  miroir déformant, contredisantune image trop belle  qui se devait  de rester dans l’intimité privée, privative des hommes, cloitrée de l’autrecôté  noir du miroir. Il n’était pas convenable  de parader dansl’espace public où une fille voilée se cache un peu, une femme niqabée n’existe pas, engloutie dans le noir. Dans l'hystérie «anti-Karboul » on retrouve les mêmes accents des vociférations qui ont voué la nudité d’Amina Sboui aux gémonies. Le corps de la femme, ses cheveux, sa voix, sa parole au-delà d’un certain seuil, dérangent les conservateurs, irritent certaines  femmes qui se veulent -sincèrement- modernes  tout en étant acculées au  respect des limites acoustiques acceptables. Qui a dessiné ces limites du  convenable? Les hommes qui ont progressé, mais pas trop non plus. Alors il est naturel de prendre siennes ces contraintes pour atténuer l’inconfort  des dissonances qui susurrent dans l’oreille de l’otage le syndrome de Stockholm: «Soit libre, mais tais-toi. Soit libre mais dis-le en sourdine».  Où est-ce qu’on met le curseur du progrès? Se mesure-t-il par la longueur de la jupe? Où se place  la décence? S’évalue-t-elle par le  voile intégral, le niqab, ou un habit compromis entre deux «cache-sexes»? Quel est le bon ton pour les bonnes manières? A combien de décibels une voix de femme est tolérable ?

Gare à la peopolisation!

D’autres femmes plus téméraires ont choisi une autre voie. De l’autrecôté du miroir, Mme Karboul a ses fans,  des pages FB et Hashtags Twitter lui sont dédiées, alimentant une «peopolisation» qui ne lui rend pas service parce qu’elle ne  s’adresse pas  à ce qu’elle fait, elle relate plutôt sur le mode  «story Teller»  ce qu’elle est. Les   photos «selfies» que Mme Karboul a diffusées  elle -même sur twitter participent de cette «Karboul-mania»,  passant  au second plan les performances techniques qu’elle entend réaliser.Les groupies de Mme Karboul ont trouvé leurs icône, après avoir un temps couru derrière Maya Ksouri, Besma Khalfaoui ... Elles ont fini par rencontrer celle qui correspond à leur l’idéal féminin, l’idéal féministe pour certaines. Mme Karboul est au pouvoir, une image positive à l’opposé de celle de Mme M. Labidi ou de S. Badi ou A.Sboui. Mme Karboul est au pouvoir,   elle l’exerce sans complexe. Une étoile est née me dit une copine tombée sous le charme glamour de cette ministre hors normes conventionnelles. Je lui ai répondu: «ce n’est pas le concours the Voice, la politique c’est plus sérieux.»

Le ton, l’apparence, le discours, les mots sont des éléments constitutifs de la forme qui est signifiante, il serait néanmoins dommageable de la sacraliser au détriment de l’essentiel du travail fécond qu’elle entend mener. Le propos ne vise en aucun cas de décrédibiliser la substance en raison de sa forme, Mme Karboul serait bien avisée de ne pas donner des arguments à ceux qui l’attaquent injustement, ses afficionados devraient relayer, discuter ses idées, ses actions sur le terrain pour éviter de la noyer dans des polémiques stériles, épuisantes.

En tout état de cause, Mme Karboul ne laisse pas indifférent, elle apporte une brise  de fraicheur dans cette atmosphère morose accoutrée de vieux apparats qui sentent  la naphtaline. A l’évidence, elle assené un coup de vieux aux professionnels de la politique, mais cela ne suffira pas à convaincre les incrédules. La « starification »  est un couteau à double tranchant, l’opinion ne retient des actions des célébrités que leurs erreurs parce que leurs travers les humanisent, rendant l’identification plus accessible.

Elle  semble bien consciente qu’elle est attendue au tournant, les faits sont têtus, ils lui donneront raison ou tort. Seules ses réalisations politiques compteront dans un court laps de temps, l’été est à nos portes. Les résultats des examens arrivent début juillet. Bonne chance Madame.

Mohedine Bejaoui

Tags : Amel Karboul   Isra   Tunisie  
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12 Commentaires
Les Commentaires
dr.zaiane - 08-05-2014 18:52

Article intéressant.Très bonne analyse. Pour certains hommes(par ex. à l'ANC) du groupe conservateur,Mme Kerboul,non seulement ,elle les dérange,mais elle risque de les rendre impo...ts.

Le Tunisien - 08-05-2014 22:22

Madame Karboul représente une belle élite influencente. Est-ce que le message de censure est destiné contre cette élite?

Dr. Amor Ben Dhia - 09-05-2014 04:48

L'auteur de cet article devrait reflechir avant d'ecrire n'importe quoi cherchant des mots qu'il pique dans les dictionnaires sans savoir que beaucoup s'appliquent a lui. Avec tous les respects dus a ce monsieur.

mina - 09-05-2014 08:08

Bravo Monsieur Bejaoui! Je vous félicite pour le style de votre article, mais également pour l'analyse décapante et sans détours. Vous avez passez au peigne fin la société tunisienne à travers le modèle, certes nouveau, -pour société aussi conventionnelle et conservatrice, même dans sa frange la plus à gauche-, de Mme la Ministre du Tourisme, Mme Karboul.

Mohamed Obey - 09-05-2014 09:05

AU lieu d'une motion de censure contre Mme Karboul et M. Sfar par des élus à l'ANC, je soutiens une MOTION DE CENSURE NATIONALE contre l'ANC! Sincèrement votre.

hg - 09-05-2014 10:05

"Elle est une femme, diplômée, jeune, avec de la prestance, a dirigé une entreprise internationale..." "Mme Karboul dérange certaines femmes parce qu’elle va là où elles n’ont pas pu aller, là où elles ont composé avec la domination masculine, là où il ne faut pas transgresser les codes phallo-misogynes. Libres! " Pourquoi dire des contre-vérités, réduire les reserves sur ce personnage a de la mysogénie? la ou tout simplement, il s'agit de quelqu'un d'incapable, aux diplomes moyens, d'un intrus, d'un imposteur, d'une carrieriste, d'une opportuniste qui cherche a attirer les projecteurs vers elle au moment ou il faut rehabiliter la politique et le sens de l'engagement pour autrui?

Ilyes - 09-05-2014 16:14

Ca ne sert absolument à rien d'utiliser un vocabulaire avancé si vous ne respectez même pas les espaces dans votre texte.

Damy - 09-05-2014 17:13

Soyez surs et certains Mes Dames et Messieurs membres de L ANC que les juifs en Israel ne sont pas du tout des Sionnistes et si vraiment ils le sont alors tout les musulmans sont des terroristes mais puiceque cette supposition est fausse le monde libre vous invite d arreter d humilier et d insulter Madame Karboul et son collegue Monsieur Sfar et soyez fier de Madame Karboul et son collegue et laissez les travailler pour le bien du pays et le bonheur du peuple

moncef badis - 10-05-2014 08:54

comme mme karboul,il y a des milliers de tunisiennes et de tunisiens en tunisie et surtout à l'etranger,elles et ils sont dans les sciences ,les tchniques,la recherche de pointe,les medecines les plus avanceés,les ingeniorats de tous les domaines,les organisations internationales ,les universités les plus prestigieuses,mais et comme depuis des lustres la tunisie au lieu de prifiter de cette manne du ciel ,elles ignoren ces gens hors du commun,pire encore elle n'arrive meme pas à dialoguer avec cette classe de citoyens ,encore plus elle les detruit systematiquement qaunt si par hasard qulqu'un, de cette commune tunisienne hors normes,essaye par hasard de faire quelque chose de moderne et d'utile pour son pays la tunisie,mme karboul n'echappera pas à cette pratique lamentable ,et pour changer ces comportements nefastes il faut des anneés et des anneés malheureusement,sachez enfin qu'il ya plus de 70 000tunisennes et tunisiens detenants un grand savoir et une grande expertise qui travaillent dans le monde entier,quel gachi pour la tunisie à bon entendeur salut

Yanim - 10-05-2014 12:57

ARRÊTEZ DE LA FAIRE "CHIER". Essayez de travailler comme ELLE et apportez des résultats pour le PAYS. Quant aux JUIFS Tunisiens ou pas Tunisiens, qui voudraient revenir en Tunisie avec leurs familles, soit par nostalgie, amour pour le pays (oui,oui), ou bien pour leur pèlerinage, acceptons les avec respect. Ils ont, peut-être, des racines plus anciennes que celles de la plupart de ceux qui les rejettent. Il suffit de regarder nos arbres généalogiques!!!! Moi je suis Andalou de mon père et Turc de ma mère et j'en suis aussi fier.

Mohedine Bejaoui - 10-05-2014 15:44

Je ne réponds à aucun commentaire, merci pour les compliments, aussi merci pour les insultes.

SAKET - 11-05-2014 12:09

ARRÊTEZ DE LA FAIRE "CHIER". Essayez de travailler comme ELLE et apportez des résultats pour le PAYS.

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