Opinions - 17.01.2014

Attention Tunisiens, vous êtes en train de détruire votre pays

Attention Tunisiens,
Vous êtes en train de détruire votre pays!
Aujourd'hui, trois ans après l'explosion sociale qu'a connue notre pays le 14 janvier 2011, durant lesquelles la Tunisie a enregistré de profondes mutations politiques, sociales et économiques qui ont profondément affecté sa stabilité et assombri ses horizons, aujourd'hui, notre chère Tunisie se voit menacée par l'ensemble de ses habitants.

1- Tout d'abord cette soit-disant classe politique qui occupe le devant de la scène, qui meuble les plateaux des télévisions, qui s'approprie l'esprit révolutionnaire, qui se dit démocrate, mais ne cesse de diffuser la diversion, la haine et le rejet d'autrui. Des partis sans vision, ni stratégie.

2-
Ensuite, certains partis qui rejettent toute initiative constructive mais qui ne présentent en échange aucune solution économique pour sortir le pays de la crise.
Aucun de ces partis qu'ils soient grands ou petits n'a présenté son programme économique et social, ni son plan de sauvetage pour sortir le pays de son marasme.

Inertie et léthargie

3- Viennent ensuite les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution, ils se sont distingués par leur inertie, leur léthargie, leurs hésitations et un retard immense à se pencher sur les problèmes qui ont été à l'origine de la révolution:

  • les disparités régionales,
  • l'emploi,
  • la dignité pour les habitants des régions déshérités.

Le Bassin minier qui procurait au pays chaque année trois milliards de dinars de recettes en devises a été paralysé durant plus de 3 ans sans qu'aucune solution radicale n'ait été prise pour débloquer la situation et sauver 2 grandes entreprises qui emploient directement et indirectement plus de 20.000 salariés (CGT, Sfax, Gafsa). Si le gouvernement avait eu l'idée de réserver 20% des recettes provenant de l'exportation du phosphate, dont les cours ont connu en 2011 une évolution substantielle, pour le développement de cette région en octroyant des subventions et des crédits aux jeunes pour promouvoir des micros projets, la situation aurait pas évolué autrement.
Ce n'est qu'un exemple, mais les rendez-vous ratés avec l'histoire abondent :

Pourquoi a-t-on interrompu nos relations avec la Syrie?

Pourquoi a-t-on rejeté les hommes d'affaires libyens qui ont voulu s'installer en Tunisie ?

Pourquoi a-t-on négligé nos communes, laissant le pays se débattre dans l'insalubrité et le désordre des installations anarchiques?

Pourquoi avoir laissé nos institutions financières plonger dans le marasme le plus total?

Pourquoi a-t-on bloqué nos hommes d'affaires en retirant leurs passeports?

On aurait pu sanctionner les corrompus en les obligeant à financier des projets dans les régions déshéritées et laisser les autres travailler.

Pourquoi a-t-on voulu imposer au peuple tunisien un modèle de société étranger à ses aspirations et ses attentes?

Pourquoi lorsqu'on veut renflouer la caisse de l'Etat, ce sont  toujours les contribuables salariés qui paient la facture?
Pourquoi n'a- t-on pas construit les 30 000 logements sociaux annoncés suite aux inondations de 2011?
Pourquoi n’a-t-on pas arrêté les assassins des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi ?

Les constituants déconnectés

4- Viennent ensuite les membres de la constituante qui n'ont raté aucune occasion pour dévoiler leur incompétence et leur insouciance à l'égard de la situation catastrophique par laquelle passe le pays et ne pensent qu'à préserver leurs intérêts matériels ou partisans ou à pratiquer le nomadisme politique,  n'accordant aucun intérêt à leur mission essentielle qui consiste à rédiger la nouvelle constitution. Une constitution qui ne reflète d'ailleurs dans sa vision actuelle les aspirations de notre peuple, décousue, vague, hybride, ne répondant en rien à l'esprit de la plupart des régimes démocratiques dans le monde et puis à quoi sert une constitution pour un pays qui s'achemine petit à petit vers la somalisation ?
A quoi sert une constitution pour une grande partie de notre peuple qui se débat dans la pauvreté, le chômage et la nécessité ?

Des contestations tous azimuts

5- Viennent ensuite les différents corps de métiers, qui ont profité de l'affaiblissement de l'Etat pour multiplier leurs réclamations, fondées peut-être, mais qui ne présentent dans la plupart des cas illogiques aucune caractère d'urgence.
Compte tenu de la situation de nos institutions ou du temps choisi pour présenter ces revendications( un gouvernement démissionnaire, et un autre qui tarde à se former avec un budget inachevé et des ressources limitées) :
Les agents portuaires qui ont causé des pertes de plus de 80 Millions de dinars à notre économie, les agents municipaux qui étaient contractuels touchant 200 dinars par mois et qui une fois titularisés après la révolution et bien que voyant leurs salaires doubler d'une seule traite, n'hésitent pas à multiplier les arrêts de travail, et les grèves plongeant nos cités dans une insalubrité dangereuse pour la santé de nos concitoyens.
Les employés du ministère des finances qui n'ont pas trouvé un meilleur date que celle du 30 et 31 décembre pour déclencher leur grève, privant ainsi l'Etat de plusieurs Millions de dinars de recette.

Les juges, les ingénieurs, les fonctionnaires du service des mines, ....tout le monde refuse de travailler, tout le monde n'accorde aucune attention aux intérêts des pauvres citoyens qui voient leur quotidien se transformer en un véritable enfer.

6- Enfin, nous autres Tunisiens, nous avons entamé notre révolution en incendiant la quasi majorité des parcs, des communes, les postes de police, les banques et les recettes de finance, bref, tous les supports nécessaires pour notre hygiène et notre sécurité.

Nous avons perdu progressivement notre solidarité gagnée en Janvier 2011, notre discipline, notre civisme et notre conscience professionnelle.

Personne ne respecte plus la priorité sur la route, rares sont ceux qui arrivent à l'heure à leur bureau, la plupart des salariés et des fonctionnaires quittent leurs postes avant 16H.

Les dossiers s'entassent dans les banques, les tribunaux, les communes et partout dans les administrations, faisant chuter le rendement au plus bas niveau.

Mais tout le monde consomme, les prix s'enflamment, l'épargne s'effrite, les ressources des banques se font rares, les concours à l'économie se rétrécissent, le dinar chute, et le déficit de notre balance de paiement s'aggrave.

On est bel et bien sur la voie de la banqueroute et si on ne se ressaisit pas, on court à notre perte.

J’étais il y a six  mois à Tokyo, et j’étais impressionné par la propreté de la ville, la discipline, le dynamisme et les valeurs morales de ses habitants qui dépassent en nombre la population de notre pays.

Je suis rentré frustré, pourquoi bon dieu,  après 58 ans d’indépendance, on n’a pas encore le droit de rêver, de vivre dans un monde meilleur,  un environnement sain où le travail est vénéré et l’homme respecté?

Slah Kanoun