Opinions - 09.09.2013

“It's the economy, stupid”

C’est le motto de la campagne électorale de Bill Clinton en 1992 pour accéder à la Maison Blanche, face à George H.W. Bush qui ne savait même pas les prix de quelques denrées alimentaires. L’Amérique était plongée dans une récesssion significative avec un chômage important. Malgré sa victoire en 1991 dans la guerre contre l’Iraq (qui avait envahi le Koweit) Bush a vu le peuple se retourner contre lui car la bataille décisive était la sortie de la récession et la lutte contre le chômage. Clinton avait promis, dans la campagne, de créer 9 millions d’emploi ; il en a crée 23 millions au cours de som premier mandat. Il a transformé le déficit budgétaire en un excédent, ce qui lui a permis de réduire substantiellement la dette publique du pays.

En Tunisie, la classe politique post-Révolution n’a jamais accordé l’attention

 nécessaire aux questions économiques. On a utilisé des promesses plus ou moins fantaisistes à des fins électorales, sachant fort bien qu’elles ne seraient pas tenues une fois au pouvoir. Dans la troisième année post Révolution, le chômage –surtout celui des jeunes diplômés- demeure important, les régions déshéritées le demeure toujours, les équilibres globaux se sont fragilisés, l’endettement public s’est aggravé, l’investissment public, qui aurait dû être le levier principal d’une croissance rapide et inclusive, est resté en berne, le pouvoir d’achat des citoyens se trouve rongé de mois en mois par une inflation persistante. Cette inflation est attisée par une surconsommation publique et privée, financée par les deniers publics, sous forme de traitements et salaires et de subventions des hydrocarbures et des denrées alimentaires en accroissement explosif.

On aurait pu penser que cet excédent de liquidités, aggravé par la situation difficile des banques, se traduirait par des dépôts bancaires plus élevés. Mais précisément, à cause de la répression financière (dépôts insuffisamment rémunérés) et de la fragilité des banques, les dépôts à terme se réduisent considérablement. On aurait pu penser que cet excédent soit en partie placé en bourse. Mais pour des raisons structurelles et conjoncturelles, la bourse attire peu les capitaux. Ce qui se développe, par contre, c’est une bulle immobilière : les prix des terrains et logements s’envolent. Pour les tunisiens qui peuvent se le permettre, l’investissement immobilier est un paravent à l’inflation. Et, comme la bulle se développe, il est également rentable.

Les organisations syndicales (UGTT et UTICA) sont heureusement conscientes des enjeux économiques et appellent depuis fort longtemps les politiques à  sauver, par des mesures concrètes, l’économie nationale. C’est la raison principale de leur investissement total dans les pourparlers sans fin entre les partis au pouvoir et les partis d’opposition. Il faut leur rendre hommage.

Mais si les politiques ne s’entendent pas et le scénario de confrontation se dessine, le risque de les voir passer aux grèves accablantes est possible même s’il n’est pas souhaitable. Ce serait alors extrêmement grave pour l’économie et pour le pays.

La sagesse ne le conseille pas.

Si dirigeants et opposants avaient compris « it’s the economy, stupid » dans sa véritable signification, qui met en exergue l’importance cardinale de l’économie, on n’en serait pas là.

Dr. Moncef Guen

 
 

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